lundi, 22 mars 2010
R. Steuckers: itinéraire métapolitique et idiosyncratique
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004
Itinéraire métapolitique et idiosyncratique
Réponses de Robert Steuckers
au questionnaire d’un étudiant, dont le mémoire de fin d’études porte sur l’anti-américanisme dans les milieux néo-droitistes, nationaux-révolutionnaires et extrême-droitistes en Belgique
[Fait à Forest/Flotzenberg, août 2004].
Photo: Beloeil, Parc du Chäteau du Prince de Ligne, 20 août 2007 / Copyright: AnaR1. Comment vous définissez-vous au niveau idéologique?
Première remarque : la notion d’idéologie n’est pas adéquate en ce qui me concerne. L’idéologie fonctionne selon un mode constructiviste, elle procède de ce que Joseph de Maistre nommait l’“esprit de fabrication”, elle tente de plaquer des concepts flous, soi-disant universellement valables, relevant du « wishful thinking », sur un réalité effervescente, qui procède, elle, qu’on le veuille ou non, d’une histoire, d’une réalité vivante, d’un flux vivant, souvent violent, rude, âpre. D’emblée, nous avons voulu une immersion dans ce flux, certes cruel, où le moralisme des systèmes idéologiques dominants n’a pas sa place, et non pas le repli frileux dans les espaces idéologisés, strictement contrôlés, qui ronronnent des ritournelles et qui ânonnent des poncifs dans le triste espace politico-intellectuel belge (français, allemand, etc.). Cette option implique un ascétisme rigoureux : celui qui refuse sinécures et prébendes, celui qui s’astreint à lire et à archiver sans état d’âme, sans désir vénal de voir ses efforts rémunérés d’une façon ou d’une autre. Un ascétisme aussi qui n’est jamais qu’une transposition particulière, et peut-être plus rigoureuse, de l’option de Raymond Aron qui se déclarait « spectateur désengagé ». Aprés plus de trente ans de combat métapolitique assidu, je ne regrette pas mon option première, celle de l’adolescent, celle de l’étudiant. Je n’ai tué ni l’enfant, ni l’adolescent, ni l’étudiant qui est en moi. Je garde les mêmes sentiments, la même moquerie, le même mépris pour le monde politique et intellectuel de ce pays qui crève sous la sottise des politicards véreux, qui se prétendent « démocrates ». « L’enfant qui joue aux dés », disait Nietzsche, grand poète. Et je ris. Tout à la fois de bon coeur et méchamment. Mélange des deux. Comme les enfants.
Pour revenir au terme « idéologie », je vous rappelle que l’objet de mon mémoire à l’institut de traducteurs-interprètes portait justement sur l’ « idéologie », comme articulation de la domination des préjugés. Ce petit ouvrage d’Ernst Topitsch et de Kurt Salamun (« Ideologie als Herrschaft des Vorurteils ») —dont j’ai fait une traduction raisonnée et commentée— démontrait comment tout discours idéologique masquait le réel, travestissait les réalités historiques, camouflait derrière des discours ronflants ou moralisants des réalités bien plus prosaïques et vénales. Topitsch, Salamun et Hans Albert, leur maître à penser, s’inscrivaient dans une tradition philosophique mettant l’accent sur le pragmatisme et la raison. Par conséquent, j’ai toujours estimé qu’il ne fallait jamais raisonner et analyser les faits de monde au travers du prisme d’une doctrine idéologique, quelle qu’elle soit. Au contraire l’attitude politique et intellectuelle qu’il convient de recommander est celle de Tite-Live, de Tacite et des « tacitistes » espagnols, dont faisait partie notre compatriote Juste-Lipse : recenser les faits, comparer, retenir des points récurrents, écrire des « annales d’empire », afin de pouvoir trancher vite en cas d’urgence, de décider sur base de faits d’histoire et de géographie, qui sont toujours récurrents. En effet, l’homme politique ne peut raisonner qu’en termes de temps et d’espace, puisqu’il est jeté, comme tous ses semblables, dans ce monde troublé, en perpétuelle effervescence, hic et nunc. L’idéologue est celui qui croit trouver des recettes soustraites aux affres du temps et de l’espace. Impossible. Il est donc un escroc intellectuel. Et un piètre politique. Il inaugure des ères de ressac, de déclin, de décadence, de déchéance.
A cette option « tacitiste », j’ajouterai la marque de Johann Gottfried Herder, théoricien au 18ième siècle d’une vision « culturaliste » de l’histoire, opposée aux schématismes de l’idéologie des « Lumières ». La vision herdérienne de l’histoire a eu un impact politique considérable en Flandre, en Allemagne, dans tous les pays slaves et scandinaves, en Irlande. Elle estime que le patrimoine culturel d’un peuple est un éventail de valeurs impassables, que l’homme politique ne peut négliger, ni mettre « à disposition », comme le dit Tilman Meyer, pour satisfaire une lubie passagère, une mode, un schéma idéologique boiteux, qui n’aura aucun lendemain ou, pire, inaugurera une ère de sang et d’horreur, comme à partir de Robespierre.
Ma position, face à la question qui interpelle tout publiciste quant à ses options idéologiques, est donc la suivante : je ne m’inscris nullement dans le cadre étroit, artificiel et fabriqué d’une « idéologie », mais dans le cadre d’une histoire européenne, qu’il faut connaître et qu’il faut aimer.
2. Quels sont les penseurs les plus importants pour vous?
J’estime que tous les penseurs politiques sont importants et que l’homme engagé, sur le plan métapolitique comme sur le plan politique, doit avoir une solide culture générale. On mesure pleinement le désastre aujourd’hui, quand on voit des huitièmes de savant se pavaner grossièrement sur la scène de la politique belge et européenne. Des huitièmes de savant passés maîtres évidemment dans l’art de hurler des slogans idéologisés, qui valent ce qu’ils valent, c’est-à-dire rien du tout. S’il est un penseur important à approfondir ou à redécouvrir aujourd’hui, c’est sans nul doute Carl Schmitt. Que des dizaines de politologues, dans le monde entier, et surtout près de chez nous aux Pays-Bas, sont en train de faire revivre. Mais Carl Schmitt a commencé à écrire à seize ans, a produit son dernier article à l’âge de 91 ans. Sa culture classique et sa connaissance des avant-gardes du 20ième siècle étaient immenses. Au-delà de son oeuvre qui insiste, comme vous le savez, sur l’esprit de décision, sur les constitutions, sur la notion de « grand espace », etc., nous découvrons au fil des pages, et surtout de son journal, Glossarium, —paru seulement après sa mort, à sa demande—, une connaissance très vaste de la culture européenne, non seulement politique, mais aussi littéraire et artistique. Ce constat, après lecture du Glossarium de Schmitt ou des Journaux de Jünger, m’induit à refuser cette facilité, très courante chez bon nombre de publicistes, qui consiste à sélectionner quelques figures, à les isoler du vaste contexte dans lequel elles ont émergé, à les simplifier, à en faire de vulgaires sources de slogans à bon marché, à les couper de leurs sources, souvent innombrables. Ce vain exercice de sélection et de simplification conduit trop souvent à des discours creux, tout comme l’exaltation des schémas idéologiques.
Je plaide par conséquent pour une connaissance réelle de toute la trajectoire de la pensée européenne, pour une connaissance des trajectoires arabo-musulmanes ou asiatiques, comme l’ont fait des auteurs comme Henry Corbin pour le monde iranien ou la mystique islamique, Thierry Zarcone pour cet étonnant mélange de soufisme et de chamanisme qui structure le monde turc, comme Giuseppe Tucci pour les mondes chamaniques et bouddhistes d’Asie centrale, etc. Aucune personnalité du monde intellectuel, aussi pertinente soit-elle, aucune époque, aussi riche soit-elle, ne sauraient être isolées des autres. L’Europe et le reste du monde ont besoin de retrouver le sens de la chronologie, le sens du passé: c’est la réponse nécessaire aux épouvantables ravages qu’a fait le progressisme en jugeant, de cette manière si impavide qui est la sienne, tout le passé comme un ensemble hétéroclite de méprisables reliquats, juste bons à être oubliés. La leçon du Prix Nobel de littérature V. S. Naipaul est à ce titre fort intéressante : on ne peut gommer le passé d’un peuple; toute conversion, aussi complète puisse-t-elle paraître, ne saurait oblitérer définitivement ce qu’il y avait « avant ». Naipaul nous enseigne à respecter le passé, à nous méfier des « convertis » aux discours tapageurs, tissés de haine. Pour moi, cette haine est certes le propre des talibans, que l’on a vu à l’oeuvre à Bamiyan en Afghanistan, est le propre des tueurs musulmans d’Indonésie, bien évidemment, mais aussi, chez nous, le propre du mental des tristes avataras de l’idéologie des Lumières: les ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville et le trou béant de la Place Saint Lambert à Liège l’attestent, pour ne pas mentionner les autres sites en ruines depuis la révolution française, dont l’historien René Sédillot a dressé le bilan affligeant. La rage d’éradiquer, la frénésie de détruire sont bel et bien le propre de certaines conversions, de certaines idéologies, notamment de celles qui tiennent, ici chez nous, aujourd’hui, le haut du pavé.
Il nous faut donc retrouver le sens des humanités, comme on disait à la Renaissance, c’est-à-dire renouer avec nos antiquités et dire, avec Goethe, que « rien d’humain ne doit nous demeurer étranger ». Les faux « humanistes » professionnels, qui écervèlent les jeunes générations depuis mai 1968, et tiennent le pouvoir aujourd’hui, trahissent cet humanisme en usurpant justement le terme « humanisme », pour en faire, avec la complicité des médias, le synonyme de leurs forfaitures. Nos faux « humanistes », parlementaires ou « chiens de garde » du système dans les médias, vont à contre-sens de ceux qui ont donné à V. S. Naipaul un Prix Nobel que cet écrivain indo-britannique a très largement mérité. Quand, comme ces politiciens et ces médiacrates incultes, on pense que le discours, que l’on développe, est une panacée universelle indépassable, qu’elle incarne le « multiculturalisme », l’imposture éclate au grand jour: pour ces gens « tout ce qui est humain, c’est-à-dire tous les héritages situés » leur est étranger; leur « multiculturalisme » n’est ni multiple, puisqu’il vise l’homologation universelle, ni culturel, car toute culture est située, animée d’une logique propre, que le respect des choses humaines nous induit à préserver, à maintenir et à cultiver, comme nous l’enseigne Naipaul.
Donc il faut tout lire, tout découvrir et re-découvrir. Chacun selon ses choix (Goethe: « Ein jeder sieht, was er im Herzen trägt »), chacun selon ses rythmes.
3. Ce qui est frappant dans votre anti-américanisme de « droite », c’est qu’il est le pendant négatif de votre européanisme radical et qu’il est aussi multiforme : puisqu’il critique les aspects sociaux, culturels, économiques, géopolitiques et législatifs (questions de droit international) des Etats-Unis?
D’abord, je perçois dans votre question une anomalie fondamentale due sans doute aux mauvaises habitudes lexicales et sémantiques nées de la Guerre Froide. L’anti-américanisme n’est pas le propre des gauches. Historiquement parlant, c’est faux. L’anti-américanisme est une très vieille idée « conservatrice ». Petit rappel: l’inquiétude face à la proclamation de la doctrine de Monroe dans l’Europe de la Restauration était réelle. Ainsi, Johann Georg Hülsemann, le ministre autrichien des affaires étrangères en 1823, au moment où le Président américain Monroe proclame sa célèbre doctrine, avertit l’Europe du danger que représentent les principes dissolvants de l’américanisme. Tocqueville voit émerger une « démocratie », atténuée, jugulée ou contrôlée par des lobbies, forte de sa pure brutalité et de ses discours simplistes, dépourvus de toutes nuances et subtilités. L’aventure mexicaine de Maximilien a l’appui d’une Europe conservatrice qui veut remplacer outre Atlantique une Espagne qui n’est plus capable, seule, d’assurer là-bas sa mission. En 1898, les forces conservatrices européennes sont du côté de l’Espagne agressée et scandaleusement calomniée par les médias imprimés (déjà les mêmes tactiques de diabolisation outrancière!). Quand Sandino et ses partisans se dressent au Nicaragua contre l’emprise économique américaine, les forces conservatrices catholiques sont à ses côtés. La littérature française d’inspiration conservatrice fourmille de thématiques anti-américaines et dénonce le quantitativisme, la frénésie et l’économisme de l’American Way of Life.
Hülsemann décrit l’opposition de principe entre l’Amérique et l’Autriche-Hongrie comme un choc imminent, opposant des « antipodes ». Il avait vu clair. En effet, les politiques menées au nom d’une continuité millénaire, comme celle qu’incarnait l’Empire austro-hongrois, héritier de l’impérialité romaine-germanique, et celles menées au nom de la nouveauté intégrale, qui entend rompre avec tous les passés, comme l’incarnent les Etats-Unis, sont irréconciliables dans leurs principes, surtout si l’on veut transposer la nouveauté américaine dans le contexte européen et danubien. Dans cette lutte duale, et métaphysique, je suis évidemment du côté des continuités, quelles qu’elles soient et où qu’elles s’incarnent sur la planète.
Pour ce qui concerne la Russie, elle a été, dès la fin de l’ère napoléonienne, le bouclier de la Tradition dans le concert des puissances européennes, avec le dessein de ne plus laisser se déchaîner l’hydre révolutionnaire, qui, à cause de ses obsessions idéologiques et de sa volonté de transformer le réel de fond en comble, met fin aux guerres de « forme », idéologise les conflits et entraîne la disparition de la distinction entre civils et militaires, comme le montre les horreurs commises en Vendée. Dostoïevski, pourtant révolutionnaire décembriste au début de sa carrière, s’est, avec la maturité, parfaitement rendu compte de la mission « katéchonique » de son pays. Son Journal d’un écrivain explicite les grandes lignes de sa vision politique et géopolitique. Le traducteur allemand de ce Journal d’un écrivain n’est autre que la figure de proue de la « révolution conservatrice », Arthur Moeller van den Bruck. Ce dernier, sur base d’une connaissance très profonde de l’oeuvre de Dostoïevski, énonce la théorie russophile de la « révolution conservatrice » : la Russie est éternelle dans son refus des mécanismes révolutionnaires et du rationalisme étriqué qui en découle. Même si, en surface, elle devient « révolutionnaire », elle ne le sera jamais dans ses tréfonds. Donc l’Allemagne conservatrice doit s’allier à la nouvelle Russie soviétique pour se dégager de la cangue politique et économique que lui impose l’Occident libéral. Pour Moeller van den Bruck, le soviétisme n’est qu’un « habit », qui revêt, momentanément, une Russie « illibérale » qui ne peut se trahir. Cette idée revient à l’avant-plan dans le sillage de mai 68: en Occident, les derniers restes de bienséance traditionnelle, les institutions qui reflètent le fond ontologique de l’homme, sont battus en brèche par la nouvelle idéologie, alors qu’au même moment, en Union Soviétique, on assiste à un retour à de nouvelles formes de slavophilie traditionnelle.
Dans l’espace néo-droitiste allemand, cette renaissance slavophile faisait germer l’espoir d’une nouvelle alliance russe, pour secouer le joug américain, faire quitter le territoire allemand par les Britanniques et voir les Français retraverser le Rhin.
Dans l’espace néo-droitiste français, surtout sous l’impulsion indirecte du créateur de bandes dessinées Dimitri, l’image d’une humanité russe fruste mais honnête, intacte en son fond ontologique, agitait aussi les esprits. Pour certains, qui allaient évoluer vers un néo-national-bolchevisme, et redécouvrir, à la suite de la thèse de doctorat du Prof. Louis Dupeux, l’oeuvre d’Ernst Niekisch —le national-bolchevique du temps de la révolution spartakiste et de la République de Weimar—, la société soviétique était un modèle de décense face à un Occident perverti par l’idéologie soixante-huitarde, la permissivité générale et la déliquescence des moeurs.
Pour d’autres, mieux ancrés dans les rouages étatiques en Occident, l’affaire des missiles, le retour à l’idéologie d’un occidentalisme missionnaire des droits de l’homme, d’une idéologie de l’Apocalypse (l’Armaggedon, disait-on), l’évolution de la praxis politique internationale des Etats-Unis était inadmissible. Elle signifiait une immixtion totale. Elle assimilait l’ennemi au Mal absolu, ravivait en quelque sorte les guerres de religion, toujours horribles dans leur déroulement. Elle n’admettait plus la neutralité librement choisie d’Etats, pourtant en théorie libres et souverains, et assimilait la modération à de la tiédeur, de la lâcheté ou de la trahison. On a revu le même scénario pendant la guerre d’Irak: la diplomatie appartenait au passé, annonçaient les nouveaux bellicistes anti-européens à la Kagan; le monde devait suivre l’ « Empire » et punir tous les récalcitrants, posés d’office comme « immoraux ». Finalement, Staline et sa diplomatie des rapports bilatéraux entre Etats apparaissait comme un modéré, qui avait arrondi les angles d’une praxis internationale révolutionnaire et bolchevique, également apocalyptique, binaire et manichéenne.
Cette pratique des rapports bilatéraux permettait aux petites puissances des deux blocs en Europe d’amorcer, du moins en théorie et au nom de la liberté des peuples et des Etats de disposer d’eux-mêmes, des relations bilatérales sans l’intervention des deux superpuissances. Ce créneau théorique, notre ministre des affaires étrangères de l’époque, Pierre Harmel, a tenté de l’occuper. Il a voulu dégager les pays européens, au nom d’une idée d’ « Europe Totale », de l’étreinte mortelle du duopole américano-soviétique. Cette oeuvre de paix lui a valu d’être traité de « crypto-communiste ». Les atlantistes, comme le remarque Rik Coolsaet, qui entend s’inscrire dans la tradition harmélienne de notre diplomatie, ont torpillé cette initiative belge et ramené notre pays dans l’ordre atlantique. Cette immixtion intolérable dans notre liberté d’action postule, bien évidemment, pour tous les patriotes, de considérer l’atlantisme comme l’ennemi numéro un et les atlantistes comme des traitres, non seulement à la patrie belge, mais aussi aux patries flamande et wallonne et à la Grande Patrie européenne. La caballe contre Harmel, menée avec des complicités intérieures, surtout socialistes, constitue une intolérable ingérence dans les affaires européennes.
L’affaire Harmel a rebondi vers 1984, quand éclate à l’OTAN le scandale Kiessling. Le général allemand Kiessling voulait raviver la « Doctrine Harmel », qu’il défendait avec brio dans les colonnes de la presse ouest-allemande. Il souhaitait un partage des tâches plus équitable au sein de l’OTAN et l’accès d’officiers européens aux commandements réels. Les services américains ont considéré que cette exigence de justice et d’équité constituait une révolte inacceptable de la part d’un minable « foederatus » du nouvel empire thalassocratique. De toutes pièces, on a monté une caballe contre le Général Kiessling, en poste au SHAPE à Mons, arguant qu’il avait des rapports homosexuels avec son chauffeur. Au même moment, avec beaucoup de courage, Rik Coolsaet, haut fonctionnaire au ministère des affaires étrangères, ose, à son tour, réhabiliter la Doctrine Harmel, dans un livre qui comptera plusieurs rééditions. La tradition européiste reste donc malgré tout bien présente dans notre pays. Dans le cadre de votre travail, ou dans tout développement ultérieur de celui-ci, il serait bon que vous procédiez à une étude parallèle de l’européisme officiel de Harmel et de l’européisme « marginal » de Thiriart.
Le cadre de l’anti-américanisme de mes publications s’inscrit donc dans cette critique conservatrice de l’américanisme, bien étayée depuis les écrits de Hülsemann. Pour Hülsemann, qui écrit juste après la proclamation de la Doctrine de Monroe, l’américanisme peut tranquillement se développer derrière la barrière océanique que constitue l’Atlantique. Mon objectif n’est donc pas de critiquer tel ou tel aspect de la vie politique, sociale ou économique des Etats-Unis, car ils sont libres de développer les formes sociales qu’ils souhaitent voir advenir dans leur réalité quotidienne. Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je dirais que si nous avons quelques fois critiqué certains aspects de la société américaine, c’est dans la mesure où ces aspects peuvent s’exporter en d’autres espaces de la planète, comme le craignait Hülsemann. Dans L’ennemi américain, j’ai surtout choisi de développer et de solliciter les arguments de Michel Albert dans son célèbre ouvrage Capitalisme contre capitalisme. Michel Albert, dont l’inspiration est essentiellement « saint-simonienne », défend le capitalisme ancré dans un espace donné, patrimonial et investisseur, soucieux de la survie des secteurs non marchands et démontre la nocivité des doctrines importées depuis le monde anglo-saxon, qui privilégient la spéculation boursière et ne se soucient nullement des dimensions non marchandes, nécessaires à la survie de toute société. Par conséquent, toute critique de tel ou tel aspect de la société américaine doit porter uniquement sur leurs aspects exportables et dissolvants. S’ils sont dissolvants, ils ne faut pas qu’ils soient importés chez nous. S’ils ne le sont pas et permettent au contraire de fortifier notre société, il faut les adopter et les adapter. Au cas par cas.
La géopolitique américaine a entièrement pour vocation de contrôler les rives européenne et africaine de l’Atlantique et les rives asiatiques du Pacifique, afin qu’aucune concentration de puissance économique ou impériale ne puisse s’y consolider. En réponse à ce défi, nous devons, malgré les innombrables difficultés, oeuvrer pour qu’un jour l’émergence de blocs soudés par l’histoire, en Europe et en Asie, redevienne possible. Autre nécessité, pour y parvenir: manifester une solidarité pour les continentalistes latino-américains, qui entendent se dégager de l’emprise nord-américaine. Le panaméricanisme n’est jamais que le camouflage du colonialisme de Washington, dans une vaste région du monde aux réflexes catholiques et traditionnels, qui respectent le passé européen. Dans le cadre de l’église catholique, il y a eu assez de voix pour plaider pour l’indépendance ibéro-américaine, des voix qui ont pris tantôt une coloration idéologique de droite, tantôt une coloration idéologique de gauche, notamment au temps de la « théologie de la libération ». Ces colorations n’ont pas d’importance de fond: ce qui importe, c’est l’indépendance continentale ibéro-américaine. Car si cette indépendance advient, ou si les Etats-Unis éprouvent de manière constante des difficultés à maintenir leur leadership, la cohésion du « nouveau monde » face à l’Europe et à l’Asie recule, à notre bénéfice commun.
Quand vous évoquez les aspects « législatifs » de notre critique de l’américanisme, vous voulez sûrement mentionner notre critique des principes non traditionnels de droit international que les Etats-Unis ont imposés à la planète depuis Wilson. Depuis le Président Wilson, sous l’impulsion des Etats-Unis, le droit international devient un mixte biscornu de théologie à bon marché, de principes moraux artificieux et d’éléments réellement juridiques qui ne servent que de decorum. Théologie, principes moraux et éléments de droit que l’on va modifier sans cesse au gré des circonstances et des intérêts momentanés de Washington. Les bricolages juridico-idéologiques des Kellogg et Stimson, manipulés contre les intérêts vitaux du Japon dans les années 20 et 30, les manigances de l’Administration Clinton dans l’affaire yougoslave en 1998-1999, les appels à détruire définitivement les principes de la diplomatie traditionnelle avant l’invasion de l’Irak au printemps 2003, attestent d’une volonté d’ensauvager définitivement les moeurs politiques internationales. Position évidemment inacceptable. L’oeuvre de Carl Schmitt nous apprend à critiquer cette pratique barbare de Washington, véritable négation des principes policés de la civilisation européenne, établis au cours du 18ième siècle, après les horreurs des guerres de religion. Dans l’idéologie américaine, les théologies violentes et intolérantes du puritanisme religieux s’allient aux folies hystériques de l’idéologie révolutionnaire française. Cette combinaison calamiteuse a contribué à ruiner la culture européenne et son avatar moderne, la civilisation occidentale. Sur base de leur excellente connaissance de l’oeuvre de Carl Schmitt, Günter Maschke, en Allemagne, et Nikolaï von Kreitor, en Russie, travaillent actuellement à élaborer une critique systématique de la pratique bellogène qui découle de ce « mixtum compositum » théologico-juridique.
4. Il y a chez vous, et c’est lié à vos études je suppose, un grand intérêt pour le monde germanique, à la fois au niveau historique et géopolitique, mais aussi au niveau de l’histoire des idées politiques et notamment au travers de la révolution conservatrice. Qu’en est-il?
Certes, mais, quantitativement, le « monde germanique », comme vous dites, est celui qui, au cours de l’histoire européenne, a produit le plus de textes politiques, philosophiques et idéologiques, tout simplement parce que la langue allemande est la langue européenne la plus parlée entre l’Atlantique et la frontière russe. Peut-on comprendre réellement les grands courants idéologiques contemporains en Europe et dans le monde, tels le marxisme, le freudisme, l’existentialisme, etc., sans se référer aux textes originaux allemands et sans connaître le contexte, forcément germanique, dans lequel ils ont d’abord émergé. J’ai toujours été frappé de constater combien étaient lacunaires les productions soi-disant marxistes ou freudiennes d’individus ne maîtrisant pas l’allemand. La même remarque vaut pour les conservateurs ou néo-droitistes ou nationaux-révolutionnaires qui se piquent de connaître les protagonistes allemands de « leur » idéologie, tout en ne sachant pas un traître mot de la langue tudesque. Le premier résultat de cette ignorance, c’est qu’ils transforment cet univers mental en une panoplie hétéroclite de slogans décousus, d’imageries naïves, de transpositions plus ou moins malsaines, panoplie évidemment détachée de son contexte historique, essentiellement celui qui s’étend de 1815 à 1914. La « révolution conservatrice », que vous évoquez dans votre question, est certes importante, dans le sens où elle exprime cette sorte de « néo-nationalisme » des années 20, sous la République de Weimar, soit un ensemble de courants idéologiques non universalistes, opposés au marxisme de la social-démocratie ou au libéralisme économique, ensemble assez diversifié qu’ont défini des auteurs comme Armin Mohler ou Louis Dupeux (Zeev Sternhell préférant parler, pour la France, de « droite révolutionnaire »). Cependant, si Mohler, par exemple, a dû opérer une coupure temporelle et limiter sa recherche aux années qui vont de la défaite allemande de 1918 à l’avènement de Hitler au pouvoir en janvier 1933, cet ensemble de courants idéologiques n’est évidemment pas hermétiquement fermé aux époques qui l’ont précédé et à celles qui l’ont suivi. Cette « révolution conservatrice » de 1918-1932 a des racines qui plongent profondément dans le 19ième siécle : notamment via la lente réception de Nietzsche dans les milieux parapolitiques, via les mouvements sociaux non politiques de « réforme de la vie », dont les plus connus restent le mouvement de jeunesse « Wandervogel » et le mouvement de l’architecture nouvelle, Art Nouveau ou Jugendstil, notamment l’école de Darmstadt et, chez nous, celles de Horta et de Henry Vandevelde (tous deux également très actifs en Allemagne). Ces mouvements sociaux étaient plutôt socialistes, voyaient l’avènement du socialisme d’un oeil bienveillant, mais, simultanément, offraient à ce socialisme naissant, une culture que l’on pourrait parfaitement qualifier d’ « archétypale », offraient des référents germanisants, celtisants ou néo-médiévaux, mettaient l’accent sur l’organique plutôt que sur le mécanique. La social-démocratie autrichienne de la fin du 19ième siècle présente ainsi des références qui sont davantage schopenhaueriennes, wagnériennes et nietzschéennes que marxistes. Sous le national-socialisme, certaines trajectoires intellectuelles se poursuivent sans être censurées. Et ces mêmes trajectoires se prolongent dans les années fondatrices de la République Fédérale, jusque très loin dans les années 60 et sous des étiquettes non nationalistes et non politiques.
Par ailleurs, la « révolution conservatrice » n’est pas un monde exclusivement allemand. Les passerelles sont très nombreuses : l’influence de Maeterlinck, par exemple, est prépondérante dans la genèse d’une nouvelle pensée organique en Allemagne avant 1914. J’ai déjà évoqué brièvement l’influence de l’école belge de Horta en Allemagne, et vice-versa, l’influence des écoles de Vienne et de Darmstadt, voire de Munich, sur l’Art Nouveau en Belgique, à Nancy et à Paris. La philosophie de Henri Bergson joue également un rôle capital dans la genèse de la révolution conservatrice. Un homme comme Henri De Man se situe lui aussi dans cette zone-charnière entre le socialisme vitaliste et populaire de la sociale-démocratie d’avant 1914 et les théories économiques non libérales du « Tat-Kreis » révolutionnaire-conservateur. Les influences des Pré-Raphaëlites anglais, de l’architecture théorisée par Ruskin, du mouvement « Arts & Crafts » en Grande-Bretagne ont influencé considérablement les théoriciens allemands du Jugendstil, d’une part, et l’architecture organique d’un Paul Schulze-Naumburg avant, pendant et après le national-socialisme, d’autre part. L’expressionnisme, mouvement complexe, diversifié, influence l’époque toute entière, une influence qui retombe forcément aussi sur l’espace intellectuel « révolutionnaire conservateur ». On ne saurait négliger l’influence des grands courants ou des grandes personnalités scandinaves telles Kierkegaard, Hamsun, Strindberg, Ibsen, Munch, Sibelius, Nielsen, etc. L’Espagne est présente aussi, par l’intermédiaire d’Ortega y Gasset, très apprécié en Allemagne, surtout chez les protagonistes catholiques de la « révolution conservatrice », dont Reinhold Schneider, qui a atteint le sommet de sa célébrité dans les années 50. Entre l’oeuvre de l’Anglais D. H. Lawrence et cet ensemble « révolutionnaire conservateur », d’une part, et le monde artistique contestataire et organique de l’époque, d’autre part, est-il possible d’établir une césure hermétique? Non, évidemment. La Russie, avec ses penseurs slavophiles, avec Leontiev et Dostoïevski, ensuite via l’émigration blanche à Berlin, pèse, à son tour, d’un poids prépondérant sur l’évolution des penseurs « révolutionnaires conservateurs ». La France, outre Bergson, influence les jeunes néo-nationalistes, dont Ernst Jünger, qui sont de grands lecteurs de Léon Bloy, de Maurice Barrès, de Charles Péguy, de Charles Maurras (en dépit de l’anti-germanisme outrancier de celui-ci).
La « révolution conservatrice » n’est donc pas vraiment une spécialité germanique, mais l’expression allemande, localisée dans le temps de la République de Weimar, d’un vaste mouvement européen. Il convient donc d’étudier les passerelles, de mettre en exergue les influences réciproques des uns sur les autres, de ne pas isoler cette « révolution conservatrice » de ses multiples contextes, y compris celui de la social démocratie d’avant 1914.
Connaissant la langue allemande, j’ai pris cet ensemble « révolutionnaire conservateur » comme tremplin, pour entamer une quête dans toute la culture européenne des 19ième et 20ième siècles. J’ai également utilisé les travaux de Zeev Sternhell (La droite révolutionnaire et Ni gauche ni droite) ainsi que les classifications du Professeur français René-Marill Albérès, spécialiste de l’histoire littéraire européenne. Albérès est justement l’homme qui m’a aidé à bien percevoir les innombrables passerelles entre courants littéraires provenant de toutes les nations européennes. Partant, la maîtrise des classifications d’Albérès, ajoutées à celle de Mohler, de Sternhell et de Dupeux (et du national-révolutionnaire historique Paetel), me permettait d’opérer une transposition vers la sphère des idéologies politiques.
Pour terminer ma réponse, je dirais que cet ensemble de courants idéologiques ne relève nullement du passé: le retour « postmoderne » à une architecture moins fonctionnelle, la nécessité ressentie de voir triompher un urbanisme de qualité à l’échelle humaine (comme le voulaient Horta et l’école de Darmstadt), la sensibilité écologique qui doit davantage à Bergson, Klages, Friedrich-Georg Jünger, D. H. Lawrence, Jean Giono et tant d’autres qu’aux soixante-huitards et marxistes recyclés dans la défense d’une nature à laquelle ils ne comprennent généralement rien, le mouvement altermondialiste qui cherche à jeter les bases d’une économie nouvelle, la guerre en Irak qui a fait prendre conscience de l’inanité de l’interventionnisme systématique des Etats-Unis (à l’instar de Carl Schmitt), l’engouement généralisé pour les grands courants religieux et mystiques, le goût du public pour l’aventure et les épopées, notamment sur les écrans de cinéma, montrent tous que les filons philosophiques, qui ont donné naissance à la « révolution conservatrice », qui l’ont irriguée et ont suscité de nouvelles veines, qui sont ses héritières, demeurent vivants.
5. Dans vos revues, il y a beaucoup de traductions d’articles provenant du monde germanophone, mais aussi latin (hispanique et italien) et, plus original encore, de l’Europe slave, en particulier de la Russie. D’une certaine façon, ne peut-on pas considérer votre revue comme une sorte de « Courrier International » de la pensée européiste?
En effet, le poids prépondérant de thématiques germanisantes au début de l’histoire de Vouloir, faisait dire, à quelques néo-droitistes parisiens jaloux, qui n’ont pas digéré entièrement l’anti-germanisme maurrassien en dépit de leurs dénégations et de leur germanomanie de pacotille, que mes publications étaient des « revues allemandes en langue française ». J’ai donc suivi des cours accélérés en langues espagnole, italienne et portugaise, de façon à acquérir une connaissance passive de ces langues et de traduire, avec l’aide d’amis et de mon ex-épouse, les articles de nos innombrables amis hispaniques et italiens. D’autres, que je remercie, m’ont aidé à traduire des articles du polonais et du russe. L’objectif a donc toujours été de dire « non » aux enfermements; « non » à un enfermement dans le carcan très étroit du belgicanisme institutionnel (ce qui n’est évidemment pas le cas de notre culture, qui a un message serein à offrir à tous), « non » à un enfermement dans le carcan de la francophonie officielle, « non » au carcan de l’eurocratisme, « non » au carcan de l’atlantisme. Par ailleurs, « non » aux carcans idéologiques et politiques, « non » aux deux carcans du « démocratisme chrétien » et du « laïcisme libre(!!!!!)-penseur » à la belge. La masse de textes, de thématiques diverses et variées, qu’offraient les éditeurs et les revues allemandes permettait de rebondir dans tous les domaines et dans tous les espaces culturels européens et d’éviter toute forme d’enclavement idéologique.
Au fond, je vais confesser ici pour la première fois que cette idée est très ancienne chez moi: elle vient de la victoire électorale du FDF aux élections communales de 1970. Flamand de Bruxelles, littéralement assis sur deux cultures, cette victoire électorale a fait pâlir mon père, l’angoisse se lisait sur le visage de cet homme de 57 ans, qui craignait la minorisation des Flamands de Bruxelles, un homme simple qui n’avait pas envie de subir l’arrogance d’une bourgeoisie et d’une petite bourgeoisie qui se piquait d’une culture française (qu’elle ne connaissait évidemment pas en ses réels tréfonds), un pauvre petit homme qui devinait aussi, instinctivement, que ce francophonisme de brics et de brocs, plus braillard que créateur de valeurs culturelles véritables, barrait la route de beaucoup aux cultures néerlandaise, allemande et anglaise, auxquelles les Flamands ont un accès plus aisé. Ensuite, ce qui le rendait malade, c’était les rodomontades des « traitres » : les Flamands de souche, installés à Bruxelles, qui croyaient s’émanciper, échapper à la culture, souvent rurale, qu’avaient abandonnée leurs parents en venant travailler dans la grande ville. Tout cela était confus dans la tête de mon père, qui aimait les Wallons, quand ils étaient authentiques. Il avait travaillé à Liège, comme beaucoup de Limbourgeois. Il aimait les Ardennais et surtout les Hesbignons, dont les Limbourgeois du Sud sont si proches et auxquels ils sont si souvent liés par des liens matrimoniaux. Et les Wallons du quartier, où nous vivions, n’avaient cure du bête « francophonisme » des nouveaux francophonissimes originaires de Flandre ou de Campine, qui n’avaient rien de wallon, qui agaçaient les vrais Wallons. Et les Ardennais de Bruxelles, comme mon père du Limbourg, ne reniaient pas leur culture catholique et rurale, qu’ils ne retrouvaient évidemment pas dans les rodomontades émancipatrices des zélotes du nouveau parti de Lagasse et de « Spaakerette ». Dans ma tête d’adolescent, tous ces affects paternels s’entrechoquaient, provoquaient des réflexions, sans doute fort confuses, mais qui allait être à la base de toutes mes entreprises ultérieures et surtout de ma décision d’étudier les langues germaniques. Car que proposaient les braillards du FDF, dont l’insupportable Olivier Maingain perpétue la triste tradition? Rien d’autre qu’un réductionnisme intellectuel, inacceptable en notre pays, carrefour entre quatre grandes langues européennes. Le multilinguisme est une nécessité et un devoir: à quatorze ans, j’en étais bien conscient. Mon père aussi. J’allais donc devoir, adulte, me battre contre l’ineptie qui venait de triompher, par la grâce des dernières élections. Il fallait commencer la bataille tout de suite. A cette heure, je n’ai pas encore déposé les armes.
Mais, il fallait que je me batte en français car le vin avait été tiré, j’étudiais dans cette langue, depuis ma première primaire, sans renier mes racines; il me fallait donc utiliser la langue de Voltaire pour commencer le travail de reconquista qu’il s’agissait d’entreprendre, non pas tant contre le FDF, manifestation éphémère, politicienne et périphérique d’un « francophonisme » bizarre, mixte monstrueux d’ « illuminisme » révolutionnaire et de « postmaurrasisme panlatiniste » (qui ne voulait pas s’avouer tel), mais contre tous les simplismes et réductionnismes que le (petit) esprit, se profilant derrière sa victoire, amenait dans son sillage. Toute cette bimbeloterie francophonisante finissait par m’apparaître comme des « plaquages » artificiels, des agitations superficielles sans fondements. La culture rurale matricielle me paraissait seule authentique (quelques mois plus tard, Mobutu évoquait l’authenticité zaïroise, banalisait le terme d’ « authenticité » et je ne pouvais m’empêcher de lui donner raison...). Cette notion d’authenticité était valable pour la Flandre et le Brabant thiois, pour la Wallonie et les Ardennes. Elle était valable aussi pour la seule région d’Europe que je connaissais à l’époque: le haut plateau franc-comtois dans le département du Doubs, les Franches Montagnes, fidèles à la tradition burgonde, fidèles à l’Espagne et à l’Autriche contre le Roi-Soleil, comme l’écrivait, dans un opuscule anti-jacobin, un certain Abbé Mariotte, auteur d’une petite histoire de la Franche-Comté, que je lisais avidement, avec amour, chaque été, quand nous étions là-bas, à l’ombre du clocher de Maîche. Une authenticité que m’avait fait découvrir un cadeau du concierge permanent du formidable manoir qui nous hébergeait à Maîche: Le loup blanc de Paul Féval, roman chouan et bretonnant, qui accentuait encore plus cette volonté d’aller aux racines les plus profondes, ici les racines celtiques d’Armorique, comme là le « saxonnisme » de Walter Scott, avec Ivanhoe et Robin des Bois. L’homme était donc tributaire de (et non déterminé par) l’appartenance au terroir de ses ancêtres et le nier ou l’oublier équivalait à basculer dans une sorte de folie, de démence maniaque, qui s’acharnait à éradiquer passé, souvenirs, liens, traces... jusqu’à rendre l’homme totalement anémié, vidé de tout ce qui fait son épaisseur, son charme, sa personnalité. Un tel homme est incapable de créer de nouvelles formes culturelles, de puiser dans son fonds archétypal: les portes sont ouvertes alors pour faire advenir une « barbarie technomorphe ».
1970, l’année de mes quatorze ans et l’année du triomphe du FDF, a déterminé mon itinéraire de façon radicale: au-delà des agitations politiciennes, jacobines, modernistes, toujours aller à l’authentique, avoir une démarche « archéologique » et « généalogique », sortir du « francophonisme » d’enfermement, s’ouvrir au monde et d’abord au monde proche, tout proche, qui commence à Aix-la-Chapelle, qui nous ouvre à l’Est, comme la langue française, non reniée et cultivée, ouvre au Midi. Quelques semaines après la victoire électorale du FDF, je m’en vais d’ailleurs, muni d’un catalogue du « Livre de Poche », quémander au Frère Marcel, une liste de bons livres à lire: il m’a fait découvrir Greene et surtout Koestler, sources de mon engouement pour la littérature anglaise. Mais aussi tous les classiques de la littérature française à l’époque: Cesbron, Mauriac, Bazin, Troyat...
Le « germanisme » était présent, comme la matrice culturelle du Flamand de Bruxelles, du fils d’immigré limbourgeois. Mais le germanisme était ouvert, tant au français (qui n’est pas le « francophonisme ») qu’à la latinité, que nous faisait aimer notre professeur de latin, l’inoubliable Abbé Simon Hauwaert. Balzac, Stendhal, Baudelaire et Flaubert sont d’ailleurs des exposants ante litteram de la « révolution conservatrice », en sont la matrice à bien des égards, dans leur critique incisive du « bourgeoisisme »: donc, une fois de plus, pas de frontière entre un espace français, qui serait hermétique, et un espace germanique, qui serait tout aussi hermétique. Par ailleurs, ce sont le baron Caspar von Schrenck-Notzing, directeur de Criticón (Munich), qui me fait découvrir l’Espagne de Balthazar Gracian, puis Günther Maschke (et Arnaud Imatz), qui me font découvrir Donoso Cortès. C’est par des études allemandes, ou traduites en allemand, que je découvre d’Annunzio et Pessoã. Plus tard, j’allais constater que la culture italienne est très ouverte à l’Allemagne et à l’Autriche, qu’elle traduit bien plus que l’édition parisienne, sans perdre la moindre once de sa latinité. Un exemple à suivre...
La lecture conjointe de Herder et de Heidegger allait donner des assises philosophiques à ce magma informel de l’adolescent.
6. Justement, une spécificité importante de votre démarche réside dans votre philo-slavisme et votre anti-soviétisme modéré qui s’est manifesté dès le début de votre itinéraire (à l’époque, où, sous l’impulsion de Ronald Reagan, on renoue avec la Guerre Froide la plus glaciale) et que vous partagez, quoique dans une autre optique, avec le PCN. Qu’en dites-vous aujourd’hui?
Entre 1970, que je viens de vous évoquer, et le début de l’aventure de Vouloir, treize années se sont écoulées. La Guerre Froide s’enlise. Le duopole n’a rien d’autre à proposer qu’une partition définitive du monde entre deux camps, animés chacun par une idéologie hostile aux matrices culturelles et aux authenticités fécondes, décrétées « archaïsmes » ou « fascismes » (à la suite notamment des hypersimplifications d’un Georges Lukacs). Derrière cette partition du monde, se profile une histoire européenne pluri-millénaire, où les horizons sont toujours vastes, où l’on ne bute pas sur un « Rideau de fer », à 350 km à vol d’oiseau de Bruxelles. Où l’on pouvait aller à Prague, à Varsovie et à Budapest, sans passer à travers un champ de mines, surveillé par des miradors. Le dégel avait fait espérer un assouplissement et voilà, soudain, que le reaganisme réactive la Guerre Froide, éloignant la possibilité d’une réconciliation européenne. La déception est immense, surtout, j’imagine, pour ceux qui avaient espéré que la « Doctrine Harmel », voire l’Ostpolitik de Brandt, allaient porter des fruits. La division européenne apparaît dès lors comme l’oeuvre d’un « talon d’acier », une anomalie scandaleuse, qu’il fallait combattre, à la suite de Thiriart et de son mouvement « Jeune Europe », afin de retrouver le dynamisme européen en direction du Sud-Est et des profondeurs du continent asiatique, conquis vers 1600 avant JC par les cavaliers iraniens, puis, à partir du 16ième siècle, par les Cosaques des Tsars. C’était un idéal d’ « Europe Totale », mixte de Harmel et de Thiriart. Et, derrière eux, se profilaient tout à la fois 1) un projet « démocrate-chrétien » (en réalité « conservateur » au sens metternichien du terme) de rééditer, cette fois sous le signe d’une pensée inspirée de « Rerum Novarum », la « Sainte-Alliance » conservatrice de 1814, Europe de l’Est voire Russie comprises, ou 2) une vision plus pragmatique, géopolitique et technique, comme celle d’Anton Zischka, inspirateur majeur du jeune Thiriart. Elle impliquait d’étudier les dynamiques à l’oeuvre dans ces espaces immenses. Une telle étude postule non seulement de connaître les atouts économiques de l’espace euro-sibérien, dans le sillage de Youri Semionov, mais aussi, à la suite de l’historien italien des religions, Giuseppe Tucci, l’héritage spirituel de ces peuples à la charnière de l’Europe et de l’Asie. Parmi les multiples aspects de cet héritage spirituel, la slavophilie et l’oeuvre de Leontiev, partisan d’une alliance avec les forces asiatiques contre un Occident « libéral-manchesterien » qui a trahi la Russie lors de la Guerre de Crimée. Raison pour laquelle mes amis et moi, nous n’avons cessé de nous intéresser à ces thématiques.
Le PCN, dans ses démarches, ne semble pas fort s’intéresser à la pensée organique russe. Or peu avant que la Guerre Froide ne reprenne sous Reagan, le dissident Yanov, établi en Californie, sort un ouvrage universitaire intitulé The Russian New Right, où il démontre que la pensée slavophile et néo-orthodoxe, fondamentalement anti-occidentale, et l’oeuvre de Soljénitsyne, impulsent, tant chez les établis que chez les dissidents de l’ex-URSS, une nouvelle révolution conservatrice, ou « nouvelle droite », avec des écrivains comme Valentin Raspoutine ou Youri Belov. Quant aux tenants de l’idéologie occidentaliste, on les retrouvait aussi, d’après Yanov, dans les deux camps. A Moscou, Alexandre Prokhanov, que j’allais rencontrer en 1992, était à l’époque directeur de la revue Lettres soviétiques. Il avait publié, pour la première fois dans une publication soviétique officielle, un numéro consacré à Dostoïevski, qui avait été mis à l’écart à l’ère soviétique la plus sourcilleuse. Prokhanov innovait. Je me suis procuré un exemplaire de cette revue à la « Librairie de Rome » à Bruxelles. Au même moment, Etudes sociales, autre publication émanant de l’Académie soviétique des sciences, réhabilitait le passé païen russe, dans un optique très semblable à celle de la « nouvelle droite ». Ces textes attestaient d’un changement et d’un abandon graduel des vieilles lunes progressistes du marxisme institutionnalisé, abandon qu’aucune officine « marxiste » belge ou française ne jugeait bon de faire. Les archaïsmes étaient toujours de mise chez nos communistes locaux. Leur déphasage par rapport aux legs de l’histoire et au réel ne faisait que s’accentuer. Rien n’a changé sur ce chapitre.
Ce chassé-croisé d’occidentalisme et de slavophilie chez les dissidents comme chez les établis, et le succès des néo-slavophiles, notamment dans l’orbite cinématographique, laissaient espérer une transformation lente de l’URSS en une nouvelle Russie conservatrice, capable de damer le pion à la superpuissance libérale, vectrice de toutes les déliquescences morales et spirituelles, fautrice du déclin intellectuel généralisé de l’Occident et matrice de la vulgarité marchande. Ce que nous haïssions dans le communisme s’estompait et ce que nous n’avons cessé de haïr, du plus profond de nos tripes, dans le libéralisme ne cessait de s’amplifier, jusqu’à atteindre l’effroyable monstruosité qu’il a acquise aujourd’hui, un monde où le banquier, être infect et infécond, inculte et vulgaire, accumulateur et comptable, vaut plus que le joueur d’accordéon du coin de la rue, être touchant de sincérité et de spontanéité. Chez nous, les acteurs de théâtre sont sûrs de crever de misère quand ils ne pourront plus monter sur les planches. En Italie, les professeurs d’université s’étaient mobilisés à l’époque contre les MacDo, qui finançaient Reagan et recevaient en échange le droit de s’établir dans tous les coins et recoins de l’américanosphère. Ces professeurs voulaient organiser un boycott général de la chaîne de « fast food »; chez nous, quand les étudiants de Gand ont voulu faire de même, par solidarité avec le corps académique italien, la minable crapule assurant la gérance d’une de ces auges de la mal-bouffe a eu le culot d’appeler les flics, qui ont verbalisé, et le corps académique, veule et lâche, n’a rien dit. On mesure aujourd’hui l’étendue du désastre. L’empoisonneur avait la « liberté » de commercer... et on ne pouvait y porter atteinte. La chaîne de ces fast-foods avait acquis le droit, grâce à Reagan, qu’elle avait financé, d’abaisser l’âge requis pour travailler dans le secteur de la restauration: depuis lors, les lycéens travaillent pour gagner l’argent de leurs cartes de GSM et le niveau d’instruction et d’éducation ne cesse de baisser; le monde sans relief des « petits jobs et boulots », stigmatisé par Hannah Arendt, est devenu la référence suprême.
Face à cette involution, perceptible dès le début des années 80, la société soviétique, malgré son caporalisme, sa froide rigueur idéologique, sa langue de bois, laissait entrevoir une renaissance, un dépassement de l’horreur économique par un retour aux valeurs qui avaient enthousiasmé les premiers slavophiles du 19ième siècle, ces disciples russes de Herder. Ensuite, sous les coups du néo-libéralisme triomphant, l’Europe perdait et le sens de l’Etat et le respect de ses héritages culturels. Face au « Dieu Argent », désormais honoré sans plus aucune retenue morale ou éthique en Occident, dans l’ « américanosphère » (Faye), Moscou semblait conserver un sens de l’Etat, avec une armée qui respectait des traditions russes (donc européennes), et un appareil culturel et académique, dont le Bolchoï, par exemple, était un fleuron. Les titres académiques semblaient mieux respectés qu’en Europe ou en Amérique. Le « fast food » est la manifestation sociale la plus tangible de cet avènement du « tout-économique », qui nous a tant scandalisé à l’époque, jusqu’à en devenir, je le concède, une véritable obsession récurrente, qu’atteste la littérature néo-droitiste et nationale-révolutionnaire.
Ensuite, Reagan et ses conseillers étaient bien conscients du fait qu’un discours exclusivement néo-libéral ne pouvait consolider leur pouvoir ni constituer une propagande efficace. Ils ont alors puisé dans le registre de l’idéologie religieuse puritaine, l’héritage américain des « Founding Fathers » et des « Pèlerins du Mayflower », où l’accent est souvent mis sur l’Apocalypse, jugée imminente, portée par le « Mal absolu », qu’il s’agit de combattre et d’éradiquer. Ce langage réactive les affects qui préfigurent les guerres de religion, alors que la pensée d’un Hobbes et toute l’évolution de la pensée politique européenne après les horreurs de la guerre de Trente Ans visaient justement à éviter de tels débordements. Le reaganisme met un terme définitif aux « formes » de la guerre et de la diplomatie traditionnelles. Cet infléchissement était inacceptable, même dans une optique conservatrice traditionnelle. Il ne faut pas se leurrer: si Reagan a été décrit par les gauches comme un « néo-conservateur », cette manière de percevoir les choses est fondamentalement erronée. Le puritanisme apocalyptique des « Pères Fondateurs » et des Puritains du 17ième siècle est le contraire diamétral des options « tacitistes » et « machiavéliennes », de la tradition régalienne européenne en général. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le retour, après Cromwell, du Roi en Angleterre ait contraint ces zélotes, à l’idéologie bibliste, à franchir l’Atlantique, où, espérait-on en Europe, ils allaient pouvoir vivre leurs utopies irréalistes et anti-historiques en vase clos.
Les Etats-Unis sont spécialisés dans le bricolage idéologico-théologique quand il s’agit de créer des vulgates médiatisables pour faire passer leur volonté dans les faits. Avec Reagan, nous avions, outre le néo-libéralisme, qui dissout toutes les formes politiques et culturelles, l’idéologie de l’Apocalypse, qui entend faire table rase des legs de l’histoire, et, surtout, une interprétation messianique des « droits de l’homme », impliquant un interventionnisme tous azimuts, qui flanquait tous les principes de la diplomatie traditionnelle par terre! Le Général Jochen Löser s’est dressé, à l’époque, et avec vigueur, contre ce mixte idéologico-théologico-économique, qui revient aujourd’hui à l’avant-plan avec Bush junior; avec l’armement moderne, cette nouvelle idéologie agressive risquait de déclencher une guerre d’annihilation totale en Europe centrale. Si les Etats-Unis maniaient une telle idéologie, la fidélité à l’alliance atlantique pouvait être remise en question. Harmel s’était proposé d’assouplir la « Doctrine Hallstein », rigide et pérennisant par son intransigeance la césure européenne, afin de mettre lentement fin à la chape pesante qu’était le duopole né à Yalta. La « Doctrine Harmel » était aussi un retour à la diplomatie traditionnelle, laquelle devait recevoir à nouveau la préséance. Löser et Kiessling entendaient y revenir au début des années 80, juste avant la perestroïka de Gorbatchev. Ce débat n’est pas clos: au printemps 2003, quand les troupes anglo-américaines entrent pour la deuxième fois en Irak, et que les Européens s’insurgent en arguant que toutes les voies diplomatiques n’avaient pas été exploitées, Robert Kagan, idéologue au service de la politique de Bush junior, annonce clairement, sans circonlocutions inutiles, que la diplomatie, « c’est du passé » et que l’avenir appartient à ceux qui ne s’en soucient nullement. La « Vieille Europe » est donc celle de la diplomatie, à l’idéologie « machiavello-tocquevillienne » et « tacitiste ». La « Nouvelle Europe » est celle qui va renier cet héritage pour suivre aveuglément le nouvel « Empire » qui agit arbitrairement selon ses intérêts immédiats.
Je ne crois pas que le PCN ait vraiment mis tous ces éléments dans la balance: il m’a donné la triste impression de se muer en un calque maladroit du stalinisme (revu par la propagande américaine du temps de la Guerre Froide), attitude typique des mouvements politiques marginaux qui cherchent à attirer l’attention sur eux par des prises de position qui font bêtement scandale.
7. Autre point commun avec le PCN et, par-delà cette formation, avec Jean Thiriart, vous avez fait, vous aussi, votre pèlerinage à Moscou. Quelles sont les perspectives avec les Russes et notamment avec Alexandre Douguine et l’actuel président russe Vladimir Poutine, de créer cet empire européen que vous appelez de vos voeux?
Je n’ai pas souvenir que le PCN, ou l’un de ces dirigeants, ait fait le « voyage à Moscou ». Fin mars, début avril 1992, je m’y suis effectivement rendu avec Alain de Benoist et Jean Laloux (secrétaire de rédaction de la revue Krisis). Les activités principales de ce voyage ont été 1) une conférence de presse où nous avons présenté les grandes lignes de la « nouvelle droite »; 2) un débat, dans les locaux de la revue moscovite Dyeïnn (« Le Jour ») avec Ziouganov et Volodine, exposants du parti communiste russe. Le dialogue a tourné autour de la notion de « Troisième Voie » en économie, c’est-à-dire, pour moi, ce que Perroux, Albertini et Silem ont nommé les « voies hétérodoxes », héritières de l’école historique allemande de Schmoller, Rodbertus, etc. Douguine et Prokhanov étaient les deux organisateurs de ces rencontres. Douguine a fait du chemin depuis lors. Il appuie aujourd’hui Vladimir Poutine, qui, à ses yeux, tente de redresser une Russie ruinée par le clan Eltsine et les oligarques.
Quelques mois plus tard, Thiriart, Schneider, Battarra et Terracciano se retrouvaient à leur tour à Moscou. En 1996, une équipe de « Synergies européennes », composée de Sincyr, Sorel et de Bussac, visite à son tour Moscou et rencontre d’autres personnalités, dont l’ex-dissident, le sorélien Ivanov, l’anthropologue Avdeev, et d’autres. Ces hommes oeuvrent dans d’autres perspectives. L’hispaniste Toulaev s’est joint à eux. Notre ami autrichien Gerhoch Reisegger s’est également rendu à plusieurs reprises à Moscou, ramenant de ses voyages des informations d’ordres économique et factuel très intéressantes. Wolfgang Strauss continue à publier une chronique permanente sur cet espace idéologique russe, dans les colonnes de la revue Staatsbriefe, qui paraît à Munich sous la direction du Dr. Sander. Tous les aspects de la pensée non conformiste —hétérodoxe— russe nous intéressent.
Quant à savoir si Poutine emportera le morceau, il me semble que la réponse se situe dans les extraits du dernier ouvrage de Reisegger que nous avons traduits. La consolidation du poutinisme dépend de l’organisation des transports (routes et chemins de fer), des gazoducs et oléoducs de l’Asie centrale, de la Sibérie, de concert avec l’Inde, le Japon et la Chine. Si une synergie parvient à s’établir, l’Eurasie demeurera eurasiatique. Sinon, les Américains préparent d’ores et déjà la riposte: le stratège Thomas Barnett propose aujourd’hui à l’établissement américain d’abandonner l’alliance européenne, de laisser l’Europe périr dans ses contradictions et de miser sur l’Inde et la Chine, voire sur une Russie détachée de l’Europe, afin de conserver les atouts américains en Asie centrale, acquis par la conquête de l’Afghanistan et la satellisation de l’Ouzbékistan. Barnett apporte la réponse américaine au projet de Henri de Grossouvre, soit le projet de créer un Axe Paris-Berlin-Moscou.
8.Après plus de vingt ans d’activités politiques et intellectuelles, quel est le bilan que vous tirez? Notamment sur les Etats-Unis et l’Europe?
Premier bilan, évidemment, comme Thiriart et de Benoist, et même comme Faye, c’est d’avoir constaté l’immense, l’incommensurable bêtise du « milieu identitaire ». En hissant la préoccupation au niveau européen, Thiriart avait voulu dépasser l’étroitesse des « petits nationalismes ». Avec son option « métapolitique », de Benoist avait voulu briser le cercle infernal des répétitions et des rengaines. Ils se sont tous deux heurtés à une incompréhension générale, hormis quelques notables exceptions qui ont tenté de poursuivre le combat. Thiriart n’a pas trop bien su emballer sa marchandise.Ses textes, denses, toujours au moins partiellement actuels, figuraient certes au milieu de dessins satiriques de toute première qualité, mais les écrits des autres « journalistes », dans la feuille du mouvement, laissaient vraiment à désirer et étalaient les fantasmes habituels du « petit nationalisme » ou de l’« extrême droite » au mauvais sens du terme. Thiriart a vraiment tout essayé pour gommer définitivement ces dérives: il avouait, dans un entretien accordé à l’avocat espagnol Gil Mugarza, n’avoir pas pu enrayer les multiples expressions de cette « psychopathologie » politique. Les hommes de notre temps ne raisonnent plus en termes de temps et d’espace, mais se laissent aveugler par les idéologies, les « blueprints » de Burke, déviance encore accentuée par la propagande médiatique, qui atteint désormais des proportions incroyables. Ignorant tout de la géographie, nos contemporains ne comprennent pas les enjeux spatiaux, seuls enjeux réels des conflits qui ensanglantent la planète. Leurs horizons sont vraiment limités, alors que l’on n’a jamais autant parlé de « mondialisme » ou d’« universalisme ».
Alain de Benoist, pour sa part, a tenté d’élargir et d’européaniser l’horizon culturel du milieu nationaliste français, dans lequel, dès l’adolescence, il avait fait ses premiers pas. Il lui a présenté des thématiques inhabituelles, fort intéressantes au départ, mais, en bout de course, force est de constater qu’il en a trop fait, qu’il a jonglé avec une quantité de choses diverses que ce public ne pouvait pas assimiler à la vitesse voulue. Alain de Benoist changeait trop souvent de sujet et son propre public, au sein du GRECE, ne suivait pas la cadence. Il s’en désolait, tempètait, rouspétait; on l’écoutait poliment, mais, au fond, on semblait lui dire, par le regard: « Cause toujours, tu m’intéresses! ». D’où, ce que j’appelle le « mouvement brownien » des brics et brocs culturels et cultureux agités par de Benoist. Henry de Lesquen parlait, à son propos, de prurit « noviste ». Deux handicaps marquaient la démarche du « Pape de la nouvelle droite »: une incapacité —en fin de course, et non pas, curieusement, au début de sa trajectoire— à opérer une synthèse et à se concentrer sur l’essentiel; bref, la dispersion et la confusion; ensuite, un désintérêt pour l’histoire et ses dynamiques, au profit d’une sorte d’idolâtrie pour les idées toutes faites, pour les corpus moraux plus ou moins bien échafaudés, pour le clinquant de concepts immédiatement médiatisables (dans l’espoir d’être enfin accepté, comme figurant ou comme acteur, dans le « PIF » ou « paysage intellectuel français »). Enfin, l’homme est tenaillé par l’inquiétude, par d’inexplicables angoisses, par un doute incapacitant, aux dimensions qui laissent pantois. Si Thiriart a été une cohérence au milieu des incohérences de l’extrême droite belge et italienne de son époque, de Benoist, lui, a démarré dans la cohérence pour se disperser dans un fatras de thématiques différentes et divergentes, dans un capharnaüm conceptuel qu’il est désormais incapable de maîtriser. Il m’apparaît aujourd’hui comme une sorte d’âne de Buridan, qui n’a pas à choisir entre deux picotins d’avoine, mais est perdu au milieu d’une foultitude de picotins, tous aussi alléchants, et ne sait plus où donner de la tête.
Ne cédons pas à cette aigreur, que l’on retrouve aussi chez un Guillaume Faye, qui la tourne en cynisme avec son sens du canular qui est inégalable, ou chez un Christian Bouchet, qui ne mâche pas ses mots pour fustiger l’inculture du « milieu identitaire ». Cette inculture n’est pourtant pas le propre de ce milieu mais bien le lot général de notre temps. La gauche n’est plus aussi « intellectuelle » qu’elle ne l’a été. Sachons que l’OSS visait, dès l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1941-42, à faire perdre à l’Europe son leadership intellectuel. L’effervescence de mai 68 et les pédagogies démissionnaires qui en découlent, en dépit de l’excellence de ce que Luc Ferry appelle la « pensée 68 » (avec Deleuze, Guattari, Foucault, Lévi-Strauss, etc.), a donné le coup de grâce aux établissements d’enseignement en Europe. La vague néo-libérale a simplement parachevé l’horreur. La méditation, la lecture, l’étude, la recherche sont des activités qui prennent du temps, qui empêchent de gagner vite beaucoup d’argent, pour pouvoir consommer tout aussi rapidement. Et empêcher l’adolescent ou l’étudiant de gagner de l’argent, même au détriment de ses études, relève, au regard du mental contemporain, d’un « archaïsme », méchant et pernicieux, d’un « fascisme » rétrograde. Au bout d’une décennie à peine, on a des instituteurs, des régents et des licenciés mal formés, qui ont moins lu, qui n’ont pas de passions littéraires bien étayées, qui ont butiné bêtement autour de toutes les loupiotes médiatiques faites de variétés de plus en plus vulgaires (Loft, Star Academy, etc.), qui ont gagné des sous pour se payer de la bimbeloterie high tech ou des fringues ridicules et, partant, ne se sont pas constitué de bibliothèques personnelles. L’influence des sous-cultures et des modes est de plus en plus désastreuse. A cela s’ajoute que le milieu identitaire est tout aussi indiscipliné que le reste de la société, que les « egos » y sont encore plus surdimensionnés, générant à la pelle des personnalités caractérielles. Très difficile dès lors de faire éclore dans un tel milieu une conscience historique prospective et volontariste, comme le voulait Thiriart, ou d’entamer une longue bataille métapolitique, comme le voulait de Benoist.
Pourtant, de nouvelles initiatives voient le jour. Elles sont au moins portées par des hommes au caractère plus trempé. De vrais travailleurs. Qui multiplient les initiatives et sont très présents sur internet. Cette nouvelle génération semble ouverte sur le monde. Elle est européiste, même en France, car la France contemporaine, qui se veut championne des abstractions universalistes les plus délirantes, l’a déçue. L’avenir nous dira ce que ce travail parviendra à réaliser. Deux éceuils à éviter: se méfier des modes, ne pas y succomber (comme Ulysse face au chant des sirènes); ne pas tomber dans la dispersion.
Ensuite, force est de constater que les Etats-Unis ont gagné la guerre: en Europe en 1945 (mais ça, tout le monde le sait déjà), dans les Balkans en 1999, ce qui leur permet de contrôler l’espace-tremplin de l’Europe vers le Moyen-Orient, utilisé par Alexandre le Grand puis par les Ottomans, en Afghanistan en 2001, ce qui leur permet de contrôler l’Asie centrale, en Irak en 2003, où ils se sont emparé des principales réserves énergétiques du monde, en Afrique centrale et occidentale, ce qui leur permettra de contrôler les ressources pétrolières inexploitées du continent noir. Cette série de victoires est due à leur avance technologique, notamment sur le plan satellitaire. Pire: la riposte européenne ne sera guère possible car en s’emparant d’Avio en Italie, de Santa Barbara Blindados en Espagne, de l’usine de sous-marins allemand, bientôt de Rheinmetall, les consortiums américains, dont le fameux Groupe Carlyle, ont mis la main, par des coups en bourse, sur les entreprises qui forgent les armes européennes. Le Général allemand Franz Ferdinand Lanz a déclaré à ce propos: « Toute armée dépendant d’une industrie militaire étrangère est une armée de deuxième classe ». « Dans tous les cas de figure, l’armée est l’expression et la garante de la souverainté d’un Etat ». « Seules les puissances qui disposent d’un potentiel stratégique produit par une industrie militaire indépendante, sont en mesure de s’affirmer, même modestement, sur la scène internationale ». Cette fois, il n’y a pas lieu de parler de la simple souveraineté d’un Etat, mais de celle de tout un continent, de toute une matrice de civilisation. L’Europe est donc aujourd’hui une « impuissance » édentée.
9. Dans vos revues, au cours des années 80, vous avez défendu des positions neutralistes; est-ce la même logique qui vous fait défendre un monde multipolaire ou constitués de grands blocs qui ne pratiqueraient pas entre eux la politique d’ingérence et d’immixtion, qui semble dominante aujourd’hui?
Entendons-nous d’abord sur le terme « neutralisme ». Le neutralisme n’est pas une idéologie démissionnaire, un pacifisme bêlant comme celui des gauches qui manifestaient contre l’installation des missiles américains, au début des années 80. Le neutralisme, pour moi, est armé et même surarmé. L’exemple est helvétique et suédois, autrichien et yougoslave. Il s’agissait d’organiser une armée de citoyens, capable de mailler totalement le territoire. Il impliquait la fusion armée/nation. Sur le plan diplomatique, il s’interdisait de participer à des alliances, comme l’OTAN, par exemple, et mettait l’accent sur l’indépendance et la souveraineté nationales. Parallèlement à ce neutralisme classique, de type suisse, il y avait aussi le gaullisme, ou la sanctuarisation nucléaire du territoire national. Cette option neutraliste ou gaullienne impliquait aussi de conserver des usines d’armement nationales et de créer les conditions d’une autarcie militaire. La Suède y parvenait. L’Europe, à plus grande échelle, aurait parfaitement pu réussir sa déconnexion, par rapport aux blocs atlantique et soviétique. C’est aussi ce que réclamait les Tchèques lors du printemps de Prague: rappelez-vous le Paris-Match de l’époque, avec cette jeune fille pragoise, blonde et fort maigre, qui, devant les chars soviétiques qui entraient dans la ville, portait sur la poitrine un écriteau, avec ce seul mot: « Neutralitu ». Elle exprimait le désir de la population tchèque et slovaque de se dégager du bloc soviétique sans pour autant vouloir se noyer dans le bloc capitaliste. Un mouvement neutraliste, de part et d’autre du Rideau de Fer, suite logique d’une application graduelle de la « Doctrine Harmel », aurait rendu à l’Europe son indépendance et sa puissance.
En 1984, quand j’ai rencontré le Général Löser, lors de la Foire du Livre de Francfort, il venait de sortir un livre programmatique, appelant ses compatriotes, les ressortissants des trois Etats du Bénélux, les Hongrois, les Tchèques, les Slovaques et les Polonais à se dégager des blocs. Ce livre s’intitulait justement Neutralität für Mitteleuropa. Löser, ancien Commandeur de la 24ième Panzerdivision de la Bundeswehr et rescapé de Stalingrad, était aussi un théoricien militaire qui s’alignait sur les stratèges Spannocchi (Autriche), Brossolet (France gaullienne), sur leurs homologues yougoslaves, suisses et suédois. Sa neutralité n’était pas une neutralité désarmée, mais, au contraire, une neutralité vigilante et citoyenne, centrée sur elle-même et non aliénée par l’appartenance à un bloc, dominé par une superpuissance, qui oblitérait les spécificités nationales et tenait sa part d’Europe sous tutelle.
Le monde est effectivement multipolaire. On ne peut réduire l’inépuisable diversité humaine à deux blocs ou à un monde global unifié,comme le voudrait le « nouvel ordre mondial » de Bush-le-Père et de son théoricien Francis Fukuyama (qui a révisé ses positions depuis ses euphories du début des années 90). Les Etats-Unis veulent imposer leur modèle et utilisent, pour y parvenir, l’idéologie des « droits de l’homme », indéfinie, mise à toutes les sauces, manipulable à l’envi (on l’a vu au Kosovo, où elle a servi à mettre en place un régime de mafieux et de maquereaux). L’idée d’un « nouvel ordre mondial », outre ses aspects missionnaires, part du principe d’un genre humain indifférencié ou de l’idée d’un genre humain amnésique, épuré de tous les legs de l’histoire, dévalorisés a priori comme s’ils n’étaient que de vulgaires scories. Or les hommes ont été appelés à créer des formes, variées et différentes, sur la Terre. Ce sont ces formes qui font l’humanité, qui permettent de dépasser le stade purement animal et générique de l’espèce. Par conséquent, l’espace politique de la Terre n’est pas un « uni-versum », mais un « pluri-versum ». Le respect du passé, des formes, des continuités, comme nous l’enseigne Naipaul, postule de respecter ces acquis, de ne pas vouloir revenir à un stade purement générique et de ne pas vouloir éradiquer purement et simplement, avec une rage frénétique, ce qui a été, est et demeurera. L’acceptation de la nature « pluri-verselle » de l’échiquier mondial implique de reconnaître la multiplicité des pôles politiques dans le monde. C’est donc bien une option « multipolaire ».
Face à la volonté américaine d’établir un « nouvel ordre mondial », la Chine, notamment, a suggéré des « amendements ».D’abord, elle a souhaité une adaptation de la notion de « droits de l’homme » à chaque aire civilisationnelle de la planète. Chaque aire de civilisation adapterait ainsi la déclaration universelle des droits de l’homme à ses propres spécificités culturelles, et la Chine, par exemple, lui donnerait une connotation « confucéenne ». La Chine a demandé à l’Occident de « respecter l’étonnante pluralité des valeurs et des systèmes sociaux, économiques et politiques », de « renoncer à toutes manoeuvres coercitives d’unification ou d’uniformisation ». Les Chinois estiment, à juste titre, que: « ces dix mille choses peuvrent croître de concert, sans se géner mutuellement, et les taos peuvent se déployer parallèlement sans se heurter ». C’est l’esprit de la « Déclaration des Droits de l’Homme de Bangkok », proclamée le 2 avril 1993. La Chine a tenté de faire front, de s’opposer à la volonté américaine d’homogénéisation de la planète. Elle s’est expressément référée à la notion de « pluralité ». Sa volonté était aussi d’imposer un modèle des relations internationales, reposant sur les « cinq principes de la coexistence pacifique »: 1) le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats; 2) le principe de non-agression; 3) le refus de toute immixtion dans les affaires intérieures d’Etats tiers; 4) l’égalité des partenaires sur l’échiquier international; 5) le respect des besoins vitaux de chacun (auxquels il est illicite de porter atteinte). Ces cinq principes, me semble-t-il, résument parfaitement nos propres positions « multipolaristes ». Ils sont l’expression d’une antique sagesse, qu’il serait sot de ne pas écouter.
10. Votre vision d’une Europe impériale est donc tout-à-fait antinomique de tout impérialisme à l’intérieur ou à l’extérieur de celle-ci. Qu’en est-il?
Le débat qui porte sur l’Europe impériale, sur les impérialismes intérieur et extérieur est sans fin. La notion d’Empire en Europe remonte aux Romains. La personnalité collective, porteuse de cet Empire, est le « Senatus Populusque Romanus », soit le Sénat et le Peuple romains. Par la « Translatio Imperii », elle passe aux Francs de Charlemagne (« Translatio Imperii ad Francos »), puis, avec Othon Ier, à l’ensemble des peuples germaniques (« Translation Imperii ad Germanos »). Ou plus exactement, aux ressortissants des territoires relevant du « Saint Empire Romain de la Nation Germanique ». Cela a été tout théorique, surtout après l’élimination de la descendance de Frédéric II de Hohenstaufen. Outre les vicissitudes dynastiques du Saint Empire, le noyau territorial concret de cet ensemble, forgé depuis César (Caesar / Kaiser), implique d’unir le continent européen autour de trois bassins fluviaux, le Rhône (conquis depuis Marius), le Rhin et le Danube, plus le Pô en Italie du Nord. C’est à partir de ces trois bassins, et des territoires qui se situent entre eux, et à partir de la plaine nord-européenne aux fleuves parallèles, de l’Yser au Niémen, que l’Europe doit se former. C’est, disait le géopolitologue autrichien, le Général-Baron Jordis von Lohausen, la paume de la main « Europe », dont les doigts sont les espaces périphériques: scandinave, ibérique, italique, balkanique, britannique. Sans une cohésion solide de cette paume, pas d’unification européenne possible. Et sans cette unification, c’est l’anarchie et la dissolution. Or c’est ce désordre et cette dispersion qui ont été le lot de l’Europe au cours de l’histoire post-romaine. Napoléon a voulu l’unifier à partir de la frange occidentale de la paume, l’espace gaulois, dont les bassins fluviaux portent vers l’Atlantique et non pas vers le cœur du continent, dont l’artère majeure est le Danube, symbole fluvial de l’Europe comme forme de vie. La tentative napoléonienne est donc grevée d’une impossibilité physique et géographique. L’ « hegemon » ne pouvait être français, à cause des faits géographiques et hydrographiques, qui sont évidemment incontournables. Hitler est prisonnier de la vision « ethniste », qui domine en Allemagne à son époque. Il se vaut libérateur et émancipateur, fondateur d’un nouvel ordre social, plus juste et plus efficace pour les ouvriers et les paysans. Il séduit. Incontestablement. Mais quand ses troupes entrent en Bohème tchèque, à Prague, elles réduisent ipso facto à néant le principe cardinal de la politique allemande, depuis la « prussianisation » protestante du « Reich ». En entrant dans l’espace linguistique tchèque, les armées de Hitler remettaient en question le fondement même du Reich protestantisé, et donc particulariste, et la propre propagande ethniste du national-socialisme. Une contradiction qui n’a jamais pu être surmontée, avant la fin du deuxième conflit mondial. De Gaulle, après 1945, et surtout dans les années 60, veut assumer une sorte de leadership, mais sa France, bien que souveraine et membre du Conseil de sécurité de l’ONU, n’est plus prise au sérieux: la défaite de 1940 est toujours dans les têtes, le pays paraît pauvre et archaïque (cf. les études d’Eugen Weber sur la France rurale), ne séduit pas les Nord-Européens qui le regardent avec commisération, les défaites coloniales d’Indochine et d’Algérie écornent son prestige. La France gaullienne, en dépit de ses efforts, ne sera pas le « Piémont » d’une Europe dégagée des blocs. Le retour à une Europe impériale ne sera possible que s’il y a unanimité des Européens, sans autre « hegemon » que la volonté organisée et structurée des européistes de toutes nationalités.
Il est évident que le colonialisme de papa, essentiellement capitaliste dans son essence, est inacceptable dans la situation actuelle. En Indochine, par exemple, l’imbroglio de 1940 à 1946, entre Japonais, Français de Vichy et de Londres, Britanniques, Américains, Indochinois de droite et Vietminh, semblait insoluble. Les Japonais avaient appuyé les mouvements d’émancipation anticolonialistes; les Américains avaient pris le relais. Il était évident que la seule solution raisonnable, pour la France de Londres, qui appartenait au camp des vainqueurs, aurait été de négocier directement avec le Vietminh, plus nationaliste que communiste au lendemain de l’occupation japonaise. Un accès graduel mais rapide à l’indépendance des territoires indochinois aurait permis de sauver une certaine présence française, donc européenne, de se faire le champiuon de l’émancipation coordonnée des peuples extra-européens, dans ce territoire hautement stratégique, où se situent les embouchures des grands fleuves asiatiques, qui prennent leurs sources sur les flancs de l’Himalaya (Fleuve Rouge, Mékong, ...). Les hésitations, l’illusion de vouloir perpétuer un empire colonial du 19ième siècle dans les conditions très différentes d’après 1945 a empêché les uns et les autres de trouver une solution rapide et harmonieuse.
La défaite de Dien Bien Phu encourage ensuite la rébellion algérienne, qui couvait depuis les événements sanglants de Sétif en 1945. Mais, l’Algérie se trouvant aux portes de l’Europe, l’histoire de sa conquête et de sa colonisation est fort différente de celle de l’Indochine. Si la présence française en Extrême-Orient est due à la course effrénée de toutes les puissances européennes pour se tailler une fenêtre sur le Pacifique, la conquête de l’Algérie, après 1830, provient d’une volonté européenne d’imposer à la France une tâche « réparatrice », après les guerres révolutionnaires et napoléoniennes. La France avait été l’alliée des Ottomans et des Barbaresques contre la légitimité impériale; elle s’était mise ainsi au ban des nations européennes. Comme la piraterie barbaresque ne cessait de sévir au début du 19ième siècle, l’Europe de la Sainte-Alliance a décidé d’y mettre un terme et de charger la France de cette mission. La présence d’une puissance européenne en Afrique du Nord se justifiait par la nécessité de sécuriser la Méditerranée, de garantir la libre circulation des navires européens et d’éviter les rafles d’esclaves sur les côtes chrétiennes de la Méditerranée. Si la France n’avait pas imposé son système jacobin aberrant en Algérie, la révolte n’aurait pas été aussi sauvage et la décolonisation aurait sans doute pu s’opérer dans l’harmonie. En dépit de cela, l’Europe aurait dû se montrer solidaire des Européens d’Algérie, appuyer la France et les colons espagnols et italiens d’Algérie. L’Espagne avait un droit d’intervenir en Oranie, où la population européenne de souche espagnole était majoritaire. L’Europe, et surtout l’Espagne (avant même la France), a le droit d’entretenir des troupes en Afrique du Nord en représailles des agressions sarazines et barbaresques, qui ont duré plus d’un millénaire. On ne peut transposer l’idée d’une libération nationale et anticoloniale, comme elle s’est exprimée en Indochine, en Afrique du Nord, puisque l’intervention française est la réponse européenne à des agressions répétées et particulièrement horribles. Au nom du Testament de Charles-Quint, qui doit constituer le bréviaire de tout homme politique qui se respecte en Belgique, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Croatie, en Italie et en Espagne, les zones d’Afrique du Nord doivent être tenues constamment sous surveillance. La présence espagnole à Ceuta et Melilla est ainsi entièrement justifiée, ne peut être soumise à révision, même si nos concitoyens de souche marocaine ne le comprennent pas.
Toute démarche impériale offensive, en dehors de la zone initiale d’un Empire, est justifiable si elle est dictée par des motifs stratégiques et géopolitiques. En revanche, elle est injustifiable si elle est dictée par des motifs économiques. De même, autre facteur dont il faut tenir compte: la proximité spatiale. En Indochine, la France est une « raumfremde Macht » (une puissance étrangère à l’espace), exactement comme l’Allemagne avait été une « raumfremde Macht » en Micronésie avant 1918, ce que reconnaissait pleinement le géopolitologue Haushofer. En Afrique du Nord, aucune puissance européenne riveraine de l’Atlantique et de la Méditerranée n’est une « raumfremde Macht », puisque toutes ont subi les agressions sarazines ou barbaresques pendant près d’un millénaire. L’Europe a le droit inaliénable de protéger ses abords, même en constituant des glacis hors de son espace propre. En Europe même, aucun colonialisme intérieur n’est acceptable.
Les Etats-Unis sont en train de créer un OTAN-Sud comprenant tous les pays arabes d’Afrique du Nord, du Maroc jusqu’à l’Egypte, Libye comprise, afin de pénétrer l’Afrique subsaharienne et d’y puiser les richesses du sous-sol, non encore pleinement exploitées. L’OTAN-Sud arabophone a donc deux fonctions: 1) parachever l’encerclement de l’Europe; 2) contrôler l’Afrique subsaharienne et servir de verrou entre l’Europe et celle-ci. Ce projet n’est possible que sans présence européenne en Afrique du Nord, d’où la bienveillance américaine à l’égard des terroristes algériens en lutte contre la France jadis, à l’égard du Maroc contre l’Espagne à la fin des années 50, enfin, à l’égard de l’agression marocaine contre Perejil et l’Espagne en juillet 2002. Les Etats-Unis misent sur le trop-plein démographique nord-africain, sur le « Youth Bulge » comme disent leurs stratèges, afin d’y recruter des mercenaires pour bloquer l’Europe par le Sud et engager des troupes le long des nouveaux oléoducs qui achemineront le brut africain vers les côtes de l’Atlantique, si des troubles ou des rébellions enflamment la région. L’émergence imminente d’un OTAN-Sud aurait dû inciter les autorités européennes à la vigilance. L’Europe perd toutes ses cartes en Afrique.
La question de l’impérialisme extérieur est donc bien trop complexe pour la réduire à ces schémas binaires dont se gargarisent les belles âmes de gauche.
11. Actuellement, il semble que l’anti-américanisme soit à la mode. Quelles sont vos critiques à l’égard de celui-ci et de l’anti-Bushisme médiatique?
Si l’anti-américanisme a le vent en poupe actuellement, c’est dû essentiellement à une décennie et demie d’interventions américaines dans le monde. La disparition de la « Soviétie », et donc la fin de la Guerre Froide, avait fait espérer, surtout en Europe, l’avènement d’une longue ère de paix, de reconstruction, de fraternité, où les deux parties de l’Europe se seraient lentement mais sûrement resoudées. Les Etats-Unis ont déçu cet espoir. C’est la raison majeure de l’anti-américanisme réel et sincère qui déferle sur la planète et surtout sur l’Europe. Mais il existe aussi un « anti-américanisme » fabriqué, notamment dans les milieux « altermondialistes ». Christian Harbulot, officier et stratége français, spécialiste de la « guerre cognitive », constate que l’ouvrage théorique majeur, censé exprimer la sensibilité altermondialiste, Empire de Hardt et Negri, évoque lourdement la nécessité d’organiser une « résistance » en « réseaux », dont la caractéristique majeure serait d’être non territorialisée. Cette idée est devenu le « joujou » de la nouvelle gauche actuelle. Or, on ne peut résister sans avoir de base territoriale, sans restructurer des souverainetés territorialisées, de préférence à l’échelle continentale. Par conséquence, une « résistance » déterritorialisée ne débouche sur rien, comme le constate très justement Harbulot. La gauche est aussi très excitée parce que Bush est républicain. Or les démocrates, que cette gauche juge plus pacifiques, sont tout aussi bellicistes, comme l’a prouvé l’Administration Clinton, en déclenchant la guerre dans les Balkans. Kerry, nouvelle figure de proue démocrate, accepte le fait de la guerre en Irak et appartient vraisemblablement au même groupe étudiant de Yale, la fameuse société « Skull & Bones », dont les Bush ont fait partie et qui semble être le noyau dur, dont sont issus les dirigeants américains actuels. La gauche ne tient pas un raisonnement géopolitique mais « moraliste ». Or on ne riposte pas à une agression militaire, permanente et planétaire, par des déclarations moralisantes. Elles ont toujours eu, ont et auront un effet nul.
L’anti-bushisme se borne à ridiculiser le Président américain, à dire qu’il est un « idiot », alors que la démarche impériale qu’il poursuit a été jusqu’ici couronnée de succès. Certes, c’est au détriment de l’Europe, de la Russie et du nationalisme arabe laïc, mais, objectivement, cette stratégie, assortie de culot et d’audace, foulant aux pieds le droit international, paie. Les lamentations ne servent donc à rien et l’anti-bushisme à la Michael Moore n’est finalement qu’une dérivation, qui sert à dire : « Voyez, nous sommes réellement démocrates, nous tolérons la critique, nous admettons que l’on soit outrancièrement irrévérencieux à l’égard du Président ». Pendant ce temps, les chars tirent sur Bagdad, les grandes entreprises logistiques comme Halliburton entrent en action, les satellites espions ne cessent pas de fonctionner.
12. Les mouvements d’extrême-gauche sont aussi souvent très anti-américains. Que pensez-vous de leurs thèses?
Les mouvements d’extrême-gauche devraient se livrer à un petit travail d’anamnèse. La gauche extrême, qui existe aujourd’hui, est l’héritière de ceux qui scandaient, en Allemagne et à Paris entre 1967 et 1969: « Ho Ho Ho Chi Minh!». Or cet homme politique vietnamien, qui a dégagé son pays des tutelles japonaise, française et américaine, a d’abord négocié avec Washington dans le dos des Français, immédiatement après la seconde guerre mondiale. Ho Chi Minh a d’abord été un agent américain, avant de devenir un ennemi de Washington dans le Sud-Est asiatique. Après le départ des troupes américaines en 1975, les relations américano-vietnamiennes se sont rapidement « normalisées », prouvant que, malgré l’horreur de la guerre du Vietnam (bombardements sur Hanoï, défoliation des forêts tropicales indochinoises par l’agent orange, etc.), des passerelles entre les deux pays existaient, tout comme d’ailleurs, entre la Chine de Mao et les Etats-Unis, notamment par l’intermédiaire de brillants journalistes sinologues.
Ce qui caractérise les diverses extrêmes gauches, c’est l’absence de rétrospective historique, c’est l’amnésie, c’est une propension agaçante à raisonner en termes figés, à ériger des mythologies propagandistes au rang de vérités historiques. J’ai toujours trouvé de bonnes analyses factuelles dans les publications et chez les auteurs dits d’« extrême gauche », mais les conclusions étaient trop souvent erronées, car elles partaient de raisonnements détachés du flux de l’histoire, lequel ne s’arrête pas. On a assisté plus d’une fois à des débats stériles pour tenter d’interpréter les nouvelles donnes qui surgissaient sur l’échiquier international. Je me rappelle surtout des discussions sans fin (et sans objet) au moment du rapprochement sino-soviétique en 1972, puis, dans la foulée, entre partisans du Vietnam devenu entièrement communiste et partisans du Cambodge de Pol Pot. Tout cela a fini par lasser le public. L’extrême gauche relève donc, le plus souvent, d’un rituel sans impact politique réel. Tout comme l’extrême droite d’ailleurs, qui cultive d’autres fantasmes.
Aujourd’hui, les thèses les plus intéressantes débattues dans le petit espace de l’extrême gauche internationale sont indubitablement celles de Noam Chomsky. L’analyse géopolitique n’y est pas clairement énoncée. L’option moraliste et internationaliste de ce corpus ne permet pas d’incarnation politique réelle, puisqu’elle entend se situer au-delà des Etats nationaux, tout en admettant que les nations du tiers-monde, mais elles seules, ont un droit à l’auto-détermination. L’Europe est généralement assimilée, ni plus ni moins, au camp « impérialiste », alors qu’elle est sous tutelle et ne dispose d’aucune marge de manœuvre réelle! Tous les faits énoncés par Chomsky, Chossudovsky, etc. doivent être inclus et assimilés dans les analyses géopolitiques classiques, qui se hissent bien évidemment au-dessus des étiquettes et clivages idéologiques. La fusion des deux corpus pourrait donner à terme un outil politique efficace. Quant à l’altermondialisme, je le répète, il ne peut se laisser piéger par le leurre qu’on lui agite sous le nez, à savoir cette idée de « réseaux » sans ancrage territorial.
13. Quelle est votre opinion sur la Guerre Froide? A-t-elle été une mascarade et, si oui, pourquoi les Etats-Unis ont-ils poussé à la chute de l’URSS?
La Guerre Froide est un répit. Il s’agissait d’assiéger, de « contenir » l’URSS, soit, dans le langage du géopolitologue britannique Mackinder, de coincer la puissance maîtresse du « Heartland » continental, de l’enserrer dans un jeu d’alliances, dont les maillons se situent sur l’ « anneau extérieur littoral », afin qu’elle ne puisse conquérir cette frange périphérique et maritime du vaste continent eurasien. Auparavant, il s’était agi d’utiliser les forces du « Heartland » pour harceler les puissances organisatrices de la « Forteresse Europe », dont l’Allemagne, pièce géographique centrale de la « Zwischeneuropa », et du Japon, organisateur de la « sphère de coprospérité est-asiatique ». Les Etats-Unis, ont bien assimilé la dialectique théorisée par Mackinder pour affaiblir toutes les puissances d’Eurasie. Après les ennemis principaux, Allemands et Japonais, il fallait mettre hors jeu l’allié principal, le « spadassin continental » soviétique (« kontinentaler Haudegen », dixit Ernst von Reventlow). Pour y parvenir, il fallait organiser le « containment », l’encerclement de l’ancien allié, maître de la « Terre du Milieu », en organisant sur les « franges continentales » (ou « rimlands »), des systèmes d’alliance, tels l’OTAN, l’OTASE, le CENTO, etc. L’objectif était évidemment d’éviter tout rapprochement germano-soviétique, ou euro-soviétique, après 1945. Le terme « mascarade » ne me paraît dès lors pas adéquat. La Guerre Froide est la suite logique des deux premières guerres mondiales. L’intention des puissances thalassocratiques anglo-saxonnes a toujours été, depuis les préludes de la Guerre de Crimée au 19ième siècle, de détruire la puissance russe, de la faire imploser. En 1941, après la défaite de la France, l’Allemagne est le danger primordial. Il faut dès lors la détruire en utilisant le potentiel militaire et démographique de la seconde puissance du continent: en l’occurrence, l’URSS de Staline. Une fois le danger allemand écarté, on passe à l’étape suivante: détruire la Russie. Le même scénario s’observe au Moyen-Orient, où les Etats-Unis ont armé Saddam Hussein contre l’Iran, puis désigné l’Irak comme ennemi du genre humain, pour qu’il ne puisse exercer aucun contrôle de type hégémonique dans la région. Après 1945, la France, alliée, est évincée de ses positions extra-européennes en Indochine, avec la complicité des Etats-Unis, qui se retournent ensuite contre leurs alliés communistes vietnamiens du départ. La dernière phase consiste à organiser des « abcès de fixation » sur les franges extérieures de la Fédération de Russie, aux frontières déjà complètement démembrées depuis la chute de l’Union Soviétique. L’imbroglio tchétchène, qui s’étend à l’Ingouchie, à l’Ossétie et au Daghestan, en est un exemple d’école. Ces processus n’étonnent que ceux qui prennent les vérités de propagande anti-hitlériennes, anti-staliniennes, anti-nasseriennes, anti-irakiennes pour des faits objectifs et imaginent que les services américains croient à leur propre propagande: en fait, ils ne font que manipuler un discours, qu’ils savent parfaitement construit et amplifié par les grands médias internationaux, undiscours qui sert à réaliser des buts géopolitiques, définis depuis des décennies sinon des siècles.
14. Comment voyez-vous l’évolution des Etats-Unis au cours de ces prochaines années?
Je ne possède pas de boule de cristal, me permettant de voir l’avenir. La seule chose que l’on puisse dire avec suffisamment de certitude, au vu de l’évolution actuelle de la situation internationale, c’est que les Etats-Unis cherchent, au Moyen-Orient et en Afrique Noire, à s’emparer du maximum de ressources pétrolières, de gagner la bataille des énergies pour conserver les rentes que leur offre le pétrole, afin de les investir dans les recherches de haute technologie. Ainsi, les Etats-Unis pourront forger les armes et les technologies satellitaires qui leur permettront de conserver leur leadership pendant un siècle ou deux. Ils s’assureront une domination très confortable sur les autres et pérenniseront leur puissance. Je me méfie des discours récurrents, qui apparaissent dans les médias et qui prévoient le déclin imminent des Etats-Unis.
15. Pourquoi les atlantistes en Europe, mais aussi aux Etats-Unis ne militent-ils pas pour la création des Etats-Unis d’Occident, comme le suggère « Xavier de C*** » dans son livre « L’Edit de Caracalla ou plaidoyer pour des Etats-Unis d’Occident », paru chez Fayard en 2002?
Les atlantistes européens sont des internationalistes qui croient à la propagande de Washington. Mais les vrais détenteurs du pouvoir américain, qui orchestrent cette propagande « mondialiste » ne le sont que d’une certaine façon. Ils croient à l’ancrage américain. Imaginez la situation qui émergerait, si l’Europe votait toujours pour des pacifistes ou si son poids démographique contribuait à faire élire exclusivement des présidents européens, qui feraient une géopolitique européenne et non plus américaine. Les programmes géopolitiques américains, définis depuis si longtemps, ne pourraient plus être mis en œuvre. L’écoumène atlantiste ne serait plus américanocentré. Le protestantisme puritain deviendrait minoritaire, sous le poids du catholicisme européen et latino-américain. Ce « Xavier de C***» ignore que le moteur religieux de l’américanisme est ce protestantisme dissident, puritain et fanatique des « Founding Fathers ». Son projet « caracallien » minorise ipso facto ce puritanisme, donc fait perdre à l’Amérique sa spécificité fondatrice. C’est un projet d’atlantiste européen naïf et non pas un projet puritain-américain réaliste, car un tel projet n’imaginerait pas une fusion globale où il ne serait plus qu’un facteur périphérique et marginalisé.
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vendredi, 19 mars 2010
Mikhalkov, la France et la Russie
Mikhalkov, la France et la Russie
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lundi, 15 mars 2010
Codreanu: "La domination absolue de l'Esprit sur le corps..."
La domination absolue de l'Esprit sur le corps...
"(...) Il y a deux aspects, pour la clarification desquels il faut avoir présent à l’esprit le dualisme de l’être humain, composé d’un élément matériel naturaliste et d’un élément spirituel. Quand le premier domine le second, c’est l’enfer. Tout équilibre entre les deux est chose précaire et contingente. Seule la domination absolue de l’esprit sur le corps est la condition normale et la prémisse de toute force vraie, de tout héroïsme véritable. Le jeûne est pratiqué par nous parce qu’il favorise une telle condition, affaiblit les liens corporels, encourage l’auto-libération et l’auto-affirmation de la volonté pure. Et quant à cela s’ajoute la prière, nous demandons que les forces d’en haut s’unissent aux nôtres et nous soutiennent invisiblement. Ce qui conduit au second aspect : c’est une superstition que de penser que dans chaque combat seules les forces matérielles et simplement humaines sont décisives ; entrent en jeu au contraire également les forces invisibles, spirituelles, au moins aussi efficaces que les premières. Nous sommes conscients de la positivité et de l’importance de ces forces. C’est pour cela que nous donnons au mouvement légionnaire un caractère ascétique précis. Dans les anciens ordres chevaleresques aussi était en vigueur le principe de la chasteté. Je relève toutefois qu’il est chez nous restreint au Corps d’Assaut, sur la base d’une justification pratique, c’est-à-dire que pour celui qui doit se vouer entièrement à la lutte et ne doit pas craindre la mort, il est bien de ne pas avoir d’empêchements familiaux. Du reste, on reste dans ce corps seulement jusqu’à 30 ans révolus. Mais, en tout cas, demeure toujours une position de principe : il y a d’un côté ceux qui ne connaissent que la “vie” et qui ne cherchent par conséquent que la prospérité, la richesse, le bien-être, l’opulence ; de l’autre, il y a ceux qui aspirent à quelque chose de plus que la vie, à la gloire et à la victoire dans une lutte tant intérieure qu’extérieure. Les Gardes de Fer appartiennent à cette seconde catégorie. Et leur ascétisme guerrier se complète par une dernière norme : par le vœu de pauvreté auquel est tenu l’élite des chefs du mouvement, par les préceptes de renoncement au luxe, aux divertissements creux, aux passe-temps dits mondains, en somme par l’invitation à un véritable changement de vie que nous faisons à chaque légionnaire."
Corneliu Zelea Codreanu
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dimanche, 14 mars 2010
Le déclin comme destin
Le déclin comme destin
par Guillaume Faye
En apparence l’erreur d’Oswald Spengler fut immense : il annonçait pour le XXe siècle le déclin de l’Occident, alors que nous assistons tout au contraire à l’assomption de la civilisation occidentale, à l’occidentalisation de la Terre, à la généralisation de cet « Occident » auto-instauré comme culture du genre humain, dont, suprême paradoxe, les nations néo-industrielles de l’Orient constitueront peut-être d’ici peu l’avant-garde. En apparence toujours, c’est au déclin de l’Europe que nous sommes conviés. Montée en puissance de l’Occident et perte de substance de l’Europe : les deux phénomènes sont sans doute liés, l’un entraînant l’autre. Tout se passe comme si, après avoir accouché de l’Occident, répandu aujourd’hui sur toute la planète, l’Europe épuisée entrait dans un nouvel âge sombre.
La thèse ici présentée sera simple : l’Occident n’est pas « en » déclin – il est au contraire en expansion – mais il est le déclin. Et il l’est depuis ses fondements, depuis son décollage idéologique au XVIIIe siècle. L’Europe, quant à elle, n’est qu’en décadence.
Déjà, parle l’étymologie : l’« Occident » est le lieu où le soleil se couche. Et, dans son essence, la civilisation occidentale, apparent mouvement ascendant, se confond en réalité avec une métaphysique du déclin, un dépérissement du principe solaire qui, superficiellement, semble la fonder. Ce déclin intrinsèque qui est la loi de l’Occident n’est pourtant pas facile à déceler tant il est empreint de paradoxes.
Premier paradoxe : alors que l’idéologie occidentale entre dans son déclin – déclin des théories progressistes, révolutionnaires, démocratistes, etc. – la civilisation occidentale connaît, même sur le plan politique, une expansion irrésistible de ses régimes économiques et politiques, qu’ils soient socialistes ou capitalistes, au détriment des traditions locales de souveraineté et de culture. Deuxième paradoxe : alors que l’Europe semble entamer, hélas, en tant qu’ensemble continental, un dépérissement dans un nombre impressionnant de domaines, l’Occident qui constitue, pour Abellio comme pour Heidegger, le fils métaphysique et géopolitique de cette Europe, explose à l’échelle de la planète entière. Troisième paradoxe : alors qu’au sein même de notre culture, nous vivons l’implosion du sens, le déclin des grandes valeurs constituantes, l’effondrement des ressorts spirituels, nous assistons en même temps à la montée en puissance de la partie matérielle de notre culture, de sa « forme », c’est-à-dire de ses manifestations technologiques et scientifiques qui sont en passe de détenir le règne absolu de la Terre.
La civilisation technique et économique qui, partie d’Europe et d’Amérique du Nord, gagne la planète entière, ne peut pas sérieusement être confondue avec un fait de « décadence ». Les historiens nous ont montré, par exemple, que la fameuse « décadence de l’Empire Romain », trop souvent et à tort comparée avec notre situation, s’accompagnait d’une régression des « formes » de civilisation : techniques, institutions, villes, infrastructures, échanges, etc.
Toujours de plus en plus de routes, d’usines, d’avions, d’écoles, d’hôpitaux, de livres, de pollution et d’êtres humains. Troisième paradoxe : plus la « structure » explose, moins ses assises idéologiques et morales semblent assurées. On assiste en parallèle à une explosion des formes de civilisation, et à une implosion des valeurs, des idéologies et surtout de tous les fondements moraux et spirituels qui confèrent un « sens » englobant aux sociétés.
Quatrième paradoxe : si l’on se contente même de considérer le secteur de la pure économie, on observe une crise des mécanismes mondiaux de libre-échange commerciaux et monétaires, mais en même temps une irrésistible progression des technologies et de l’organisation commerciale et scientifique de l’humanité. Cinquième paradoxe : à l’heure où l’effondrement des taux de fécondité partout dans le monde (commencé en France au XVIIIe siècle et dans le Tiers-monde ces dernières années) n’a encore donné lieu à la dénatalité que dans les seuls pays industriels, la population mondiale, du fait d’une loi arithmétique simple à saisir, continue de croître à un rythme exponentiel [1].
Ces cinq paradoxes sont inquiétants. Au lieu de vivre des déclins globaux et linéaires comme les autres civilisations qui nous ont précédés, nous subissons ce que l’on pourrait nommer un « déclin emboîté dans une expansion ». Comme si la civilisation occidentale était une machine devenue folle, son centre implose tandis que sa périphérie explose. L’Europe régresse, l’Occident se répand. Le sens disparaît, les formes croissent. Le « sang » s’évapore, mais les veines se ramifient en réseaux de plus en plus vides. De moins en moins de cerveau, mais de plus en plus de corps et de muscles. De moins en moins d’humanité, mais de plus en plus d’hommes. De moins en moins de cultures, mais de plus en plus de civilisation. Tout cela ressemble étrangement à une prolifération cancéreuse. Un cancer, en effet, c’est le déclin de la différenciation qualitative des cellules au profit du triomphe de la reproduction quantitative.
La logique profonde de l’Occident, à travers l’égalitarisme social, la conversion de toutes les cultures aux mêmes modèles politiques et économiques, à travers la rationalisation de l’existence que ne peuvent même pas éviter les régimes qui, dans leurs doctrines, la combattent, c’est depuis ses fondements la réduction de l’organique au mécanique.
Le suprême paradoxe de l’Occident, c’est que son assomption est, sous l’apparence de la croissance et de la juvénilité, une entropie, c’est-à-dire une homogénéisation croissante des formes de vie et de civilisation. Or, la seule forme véritable du déclin, comme nous l’enseignent l’astrophysique et la biologie, c’est précisément l’entropie : croissance cancéreuse des cellules indifférenciées ou, selon le deuxième principe de la thermodynamique, déperdition d’énergie par homogénéisation. De ce point de vue, l’essence de l’Occident, c’est le déclin, puisque sa raison d’être est l’uniformisation des formes-de-vie humaines. Et l’essence du « progrès », c’est l’entropie. La multiplication explosive des technologies vient masquer ce déclin à ses propres protagonistes, exactement comme, dans le processus tragique de rémission des cancéreux, la prolifération des cellules indifférenciées donne, pour quelque temps, l’illusion de la santé et de la croissance organique. L’Occident est un vieillard qui se prend pour un adolescent.
Mais, dans la mesure où cette civilisation occidentale entre dans son « troisième âge », connaît à la fois un triomphe de ses formes, de ses quantités, de son expansion statistique et géographique mais un épuisement de son sens, de son idéologie, de ses valeurs, on peut se demander si elle n’est pas au bord de la résolution de ce déclin qu’elle porte en elle. Hypothèse : ce serait toute la Terre alors qui entrerait dans le temps du déclin, puisque, pour la première fois, toute une civilisation l’unifie, une civilisation minée de l’intérieur. La civilisation occidentale ressemble aux arbres de Paris : ils continuent à pousser alors même qu’ils sont rongés.
On peut considérer que l’uniformisation de la Terre entière sous la loi d’une seule civilisation – politique, économique et culturelle – est un processus bio-cybernétique, puisqu’il s’agit, comme le montrèrent Lupasco et Nicolescu, d’une homogénéisation d’énergies. Pour l’instant cette entropie est « expansive » ; elle sera un jour, comme toute entropie dans sa phase n° 2, implosive. Et n’allons pas croire, comme l’imagine Lévi-Strauss, que de « nouvelles différences » et de nouvelles hétérogénéités puissent surgir au sein d’une civilisation mondiale devenue occidentale [2]. Il ne s’agirait que de spécificités superficielles, des folklores ou des « variantes ». Et, dans la mesure où cette accession historique de l’humanité à une seule et même civilisation occidentale, démocratique, prospère, individualiste et égalitaire constitue le projet des idéologies du Progrès depuis plus d’un siècle, qu’elles soient socialistes ou libérales, ne doit-on pas se demander si l’idée même de Progrès ne serait pas la figure centrale du Déclin ? La matière et l’essence du Progrès, c’est l’accès de tous les hommes à la même condition et à la même morale sociale, réputée universelle. En ce sens, les doctrines progressistes, sécularisant les religions monothéistes de la vérité révélée, entament un processus de fin de l’histoire, de fin des histoires de chaque peuple.
Nous entrevoyons cette fin de l’histoire aujourd’hui : statu quo planétaire par la menace thermonucléaire, condominium soviéto-américain sur le monde qui gèle les indépendances nationales, « gestion » techno-économique et financière d’une économie mondiale qui uniformise les modes de production et de consommation, etc. On ne cesse de dire, après Alvin Toffler, que nous entrons dans la « troisième révolution industrielle » ; c’est vrai, mais ne perdons pas de vue néanmoins cet étonnant paradoxe : au fantastique bouleversement des formes socio-économiques correspond la glaciation des formes politiques et « historiques ». Nous vivons une « mutation immobile ». Tout vibre (technologies, rapports sociaux et économiques) mais rien ne « bouge » (géopolitique) ; ou plutôt rien ne bouge encore. Et, comme la conscience historique, les idées et les valeurs, elles aussi, congèlent.
Derrière son triomphe, la civilisation occidentale voit aujourd’hui son ressort brisé : ses mythes fondateurs et ses idéologies dépérissent et se sclérosent. Le progressisme, l’égalitarisme, le scientisme, le socialisme ont désenchanté leurs partisans et ne mobilisent plus les énergies. Les modèles politiques d’une civilisation quantitative, tout entière fondée sur l’économie, ont produit à l’Est le totalitarisme tyrannique, à l’Ouest le totalitarisme doux et despotique de la société de consommation prévu par Tocqueville, et dans le Tiers-monde, l’ethnocide et le paupérisme de masse, ce dernier masqué par la triste mystique du « développement ». Devenues anti-révolutionnaires, les idéologies occidentales, à l’image de cette civilisation néo-primitive qu’elles représentent, convergent aujourd’hui dans un social-libéralisme tiède, cynique, sans projet, gestionnaire, inessentiel, rassemblé autour de la vulgate académique des « Droits de l’Homme », dont Claude Polin a bien montré l’inanité et l’inefficacité [3]. Privée de toute transcendance, organisée dans son principe autour du rejet de toute référence au spirituel, la civilisation occidentale est l’organisation technico-rationnelle de l’athéisme. Or, mutilée de ses dieux, quels qu’ils soient, une culture humaine se condamne à terme, même si par ailleurs brille l’éclat de Mammon, même si l’accumulation technologique, la progression nominale des revenus ou les « progrès de la justice sociale » donnent l’illusion de la vitalité.
Mais cette ascension de l’économie et de la technique, au nom de quoi la prendre pour une amélioration ? Il est facile de démontrer, par exemple, que les processus mentaux de la société de consommation, même du point de vue de l’intelligence gnoso-praxique et technicienne, ne sont pas nécessairement plus élaborés que ceux des sociétés traditionnelles. La société technicienne voit, concrètement, décliner l’incorporation de « spirituel » (Evola) ou d’« être » (Heidegger), et même peut-être aussi d’intelligence dans ses formes de vie [4]. Et, paradoxalement, puisque le monde, contrairement aux vues chrétiennes n’est pas dualiste mais associe dans une apparente contradiction ce qu’il y a de plus immatériel et ce qu’il y a de plus biologique dans la même unité organique et vitaliste, il n’est pas étonnant qu’au déclin spirituel corresponde aussi le déclin de l’esprit de lignage, le déclin démographique. Conscience biologique et conscience spirituelle sont liées.
La séparation opérée par le dualisme chrétien entre Dieu et le monde a profondément marqué la civilisation occidentale, rompant avec l’unité du transcendant et de l’immanent de la tradition hellénique. Pénétrant l’inconscient collectif et les formes de civilisation, ce dualisme a progressivement donné lieu à un désenchantement et à une désacralisation du monde, à une civilisation schizophrène : d’où les séparations mutilantes entre l’Etat-Père-et-Juge et la société, entre la Loi et le peuple, entre les rationalités du libéralisme et du socialisme et l’élan vital « aveugle » (mais donc clairvoyant parce qu’« obscur ») des civilisations, entre l’individu érigé en monade et ses communautés, entre la légitimité apparente de l’Occident, c’est-à-dire cette « démocratie » dont tous (tyrans compris) se réclament sans en percevoir le sens, et les aspirations réelles des populations, entre la Technique figure dominante du temps, et l’idéologie.
Ces deux derniers points méritent des précisions. Le divorce entre la Technique, aujourd’hui prosaïque et désenchantée et l’idéologie fut souvent mal compris, notamment par Spengler et Jünger. Ce n’est pas, selon nous, la Technique qui constitue la cause du matérialisme, de l’uniformisme et de la déspiritualisation de l’Occident ; mais c’est l’idéologie occidentale elle-même qui a fait de cette Technique le moteur de sa logique mortifère. La Technique est désenchantée et non désenchantement dans son essence. La raison en est ce divorce entre l’essence de la Technique qui est, comme le vit Heidegger, poétique, lyrique, faustienne, donc spirituelle et « artistique », et les idéologies dominantes en Occident qui n’assignent à cette Technique que le prosaïsme mécanique de la domestication par le bien-être et la finalisent comme « technologie du bonheur individuel ». Si la fusée Ariane ne fait pas rêver alors qu’elle le devrait, qu’elle devrait représenter pour notre imaginaire la « transfiguration des dieux », c’est parce que sa finalité est la retransmission des émissions de télévision, c’est-à-dire l’expression du « banal » le plus plat.
Et lorsque Gilbert Durand en appelle à la renaissance des ombres de l’imaginaire, seules capables peut-être d’affronter le désenchantement de la techno-société de consommation, ce n’est pas dans la consommation du passé, dans les musées, dans les études, dans les nostalgies, dans les mythes mis en fiches informatiques qu’elles pourront être retrouvées. C’est paradoxalement dans la contemplation brute des ordinateurs eux-mêmes, dans les fusées et les centrales, bref dans une Technique qui porte en elle le plus grand potentiel de rêve que l’humanité ait pu trouver et qui est aujourd’hui neutralisée, déconnectée, par des idéologies et des modèles sociaux tout entiers dominés par la petitesse domestique et la froide logique comptable des bureaucraties.
La deuxième conséquence grave du dualisme occidental porte sur le divorce entre le régime politique officiel (la fameuse « démocratie ») et la manière dont ce régime est concrètement ressenti, est socialement vécu par les prétendus « citoyens ». Nous ne pouvons ici qu’énumérer sans les développer les effets de ce divorce : non-représentativité radicale de la classe politique, toute-puissance des féodalités minoritaires (corporations syndicales, médias, réseaux bancaires, corps technocratiques), simulacre de participation électorale des citoyens au pouvoir par le caractère inessentiel des enjeux des scrutins, volonté constante des partis politiques de détourner à leur profit l’opinion réelle du peuple, etc. Plus que jamais, l’opposition entre pays réel et pays légal demeure la règle. Fondé sur la souveraineté du peuple, l’Occident l’établit moins encore que les sociétés traditionnelles tant décriées comme tyranniques. Dans cette affaire, le plus grave n’est pas l’absence de « démocratie » (mieux vaudrait à tout prendre un pouvoir qui reconnaisse officiellement l’impossibilité de la démocratie et qui fonde la souveraineté sur – par exemple – une autocratie sacralisée) mais la schizophrénie endémique, le mensonge permanent d’un système de pouvoir qui, à l’Est comme en Occident, tire sa légitimité d’un principe (le Peuple souverain) qui non seulement n’est pas appliqué, mais dont la principale préoccupation des classes dirigeantes est d’en interdire l’application.
En effet, que craignent et que combattent le plus les partis, les syndicats, les grands corps, les médias progressistes (et en URSS le PCUS) sinon la démocratie directe, sinon le césarisme référendaire où l’avis brutal du peuple s’exprime sans ambages ? Et pourquoi redoutent-ils tant ce peuple ? Parce qu’ils savent bien que dans ses profondeurs l’humanisme, l’égalitarisme éclairé, le cosmopolitisme déraciné n’ont pas de prise. Ils savent qu’au sein du peuple « ignorant », livré à lui-même sans l’encadrement des « élites » syndicales, partitocratiques et journalistiques, vivent toujours des valeurs et des aspirations qui ne correspondent pas à ce que les scribes, les technocrates, les politiciens et les prêtres attendent.
Ceux-là, qui tiennent la position d’« élites européennes » mais qui n’en ont pas la carrure, en proie au vide intellectuel et idéologique, se rallient comme à une bouée de sauvetage à la vulgate occidentale. La « droite » et la « gauche » politique font converger leurs discours appauvris dans le même atlantisme socio-libéral. Avec impudence, la gauche française, après l’échec prévisible de son « socialisme », accomplit les funérailles discrètes de celui-ci et se nomme porte-parole du capitalisme et de l’individualisme, abandonnant définitivement tout discours révolutionnaire. Ainsi naît, sur le plan idéologique comme sur le terrain politicien, une « gauche-droite », nouveau parti unique des démocraties occidentales, qui communie dans l’atlantisme, la défense de l’Occident (thème jadis des crypto-fascistes), le reaganisme, la philosophie sommaire des Droits de l’Homme et le conservatisme.
Cette « gauche-droite » idéologique et politique ne se caractérise pas seulement par son occidentalisme mais par sa dérive anti-européenne masquée par un anti-soviétisme primaire et un discours apparemment pro-européen. Il s’agit de nier toute spécificité et toute indépendance à l’Europe en la désignant comme simple zone (et comme bouclier) de l’Occident atlantique [5].
Or il se trouve que, pour la première fois sans doute dans son histoire, l’Europe n’a plus les intérêts de l’Occident (culturels, géopolitiques et économiques) et qu’un découplage de l’Europe et de l’Occident américanomorphe est devenu nécessaire. C’est précisément parce qu’elle participe exclusivement de la civilisation occidentale – qui fut jadis européenne mais qui ne l’est plus – que l’Europe est entrée en décadence.
Les figures de la décadence européenne sont connues. Rappelons-les pour mémoire : cette civilisation qui est toujours virtuellement la plus dense et la plus puissante de la Terre, gît, comme Gulliver enchaîné, démembrée par le condominium soviéto-américain. Privée d’indépendance politique, futur champ clos d’un affrontement entre les deux Super-Gros, l’Europe vit avec la perspective de son génocide nucléaire. Le « jour d’après » ne concerne pas, en réalité, nos deux protecteurs. Victime d’une guerre économique qui la désindustrialise, en proie au centre à la colonisation et à l’occupation et, à l’ouest, à la déculturation et à l’exploitation, l’Europe est également en chute démographique. Dans tous les domaines, après avoir explosé, l’Europe, comme un trou noir, implose. Elle entre, comme après la chute de Rome, dans un nouvel âge sombre.
Mais la décadence européenne est moins grave et n’apparaît pas de même nature que le « déclin explosif » qui porte l’Occident. Ce dernier, répétons-le, est le déclin ; il porte en lui le dépérissement de toutes choses. Le déclin d’un organisme est sans rémission, parce qu’il touche ses fondements et son principe. L’Occident a un principe, abstrait, c’est l’idéologie (américanisme ou soviétisme, tous deux sécularisations du christianisme). Or l’Europe n’est pas un principe, mais un peuple, une civilisation, une histoire, de nature vivante et organique et non pas mécanique. En ce sens l’Europe n’est qu’en décadence. Elle traverse un âge sombre dont elle peut se remettre. Elle est malade et peut se guérir par auto-métamorphose, alors que l’Occident est inguérissable parce qu’il ne peut pas se métamorphoser, parce qu’il obéit à une logique linéaire, ignorant tout polymorphisme. Comme le formule l’historien Robert Steuckers, l’Occident américain est l’alliance de l’Ingénieur et du Prédicateur ; l’Occident soviétique est l’alliance de l’Ingénieur et de l’Idéologue. Or l’Idéologue et le Prédicateur perdent, en ce moment même, leur légitimité, leur mystique, leur enchantement. Le travail de l’Ingénieur, qui n’était fondé que sur la corde raide de leurs discours et qui continue, pour un temps encore, par effet inertiel, son processus, est condamné à terme parce qu’il n’est plus alimenté. L’Europe, en revanche, est l’alliance de l’Ingénieur et de l’Historien. Le discours de ce dernier, irrationnel, fondé sur les profondeurs de l’imaginaire, peut sans doute entrer en crise comme aujourd’hui, mais il est inépuisable parce qu’il peut se régénérer selon le principe dionysiaque de perpétuelle efflorescence.
L’Europe n’est que provisoirement liée au discours occidental. Ses « principes de vie » sont multiples : un peuple ne doit pas son existence, à l’inverse de l’Occident américain ou soviétique, à un mécanisme idéologique, à une légitimité « politique » qu’il faut sans cesse justifier, ou, pire encore, à la logique quantitative de l’économie. Pour survivre, un vrai peuple – cas de l’Europe et de nombreuses civilisations du « Tiers-monde » – n’a rien « à prouver ». L’Occident, lui, doit sans cesse « prouver » ; or, c’est précisément ce qu’il ne peut plus faire…
La décadence de l’Europe est liée aux effets de la civilisation occidentale, qu’il s’agisse de l’américanisme et du soviétisme. Mais, paradoxalement, le déclin déjà commencé de cette civilisation, même si dans un premier temps paraît être la cause de la décadence européenne, sera, dans un second mouvement, la condition d’une régénération de la culture européenne.
La condition d’une renaissance européenne doit être trouvée dans une auto-métamorphose comme notre histoire en connut plusieurs : abandon des idéologies occidentales et naissance de nouveaux fondements que nous ne connaissons pas encore, qui ne peuvent être qu’irrationnels et spirituels, et qui, eux aussi, n’auront qu’un temps.
Mais la civilisation normalisée, ayant transformé en morale prosaïque et réglementaire ses propres principes spirituels fondateurs, ne laisse plus d’espace à la création de valeurs mobilisatrices. Le narcissisme devient la destinée d’individus qui s’isolent dans le présentisme face à une société devenue autonome, dont les normes n’ont d’autres fins qu’elles-mêmes. Dans ces conditions, peut-on considérer comme un « retour du sens », comme une réponse spontanée de la société aux structures normalisatrices, les multiples manifestations contemporaines qui, dans leurs « explosions », font apparemment échec à la transparence rationnelle des discours et à la froideur des mécanismes techno-économiques ? Les phénomènes récents de libéralisation des mœurs, l’inventivité des groupes qui viennent en « décalage » où la sociologie pense découvrir de nouveaux types de rapports humains, le mouvement diffus de réenracinement culturel qui semble annoncer un réveil des cultures populaires contre la culture marchande de masse, etc., tout cela augure-t-il un renouveau d’un « paganisme social » contre la normalisation des Etats-Providence ? Ou bien n’assistons-nous pas à la naissance de « soupapes de sécurité », comme des porosités dans le corps de la norme par où s’échapperaient, en quantités programmées, des énergies virtuellement dangereuses qui se verraient récupérées et neutralisées, transformées en « distractions », reproduites comme « loisirs » ? Il est difficile de répondre. Cependant on ne peut s’empêcher de noter que notre époque voit coexister deux phénomènes inverses, l’un de renforcement des normes techno-économiques, l’autre de libération des morales privées. L’hétéronomie sociale répond à l’autonomisation des règles non-économiques d’existence. Ce parallélisme, qui n’est pas forcément un hasard, nous incite à considérer très attentivement la fonction des mouvements de libération et d’innovation des mœurs, sans cependant négliger les espoirs qu’ils peuvent aussi susciter. Quoiqu’il en soit, pour répondre à ce désir de normalité, devenue normalisation effective, où nous enferme l’idéologie occidentale, je suis enclin à fonder plus d’espoir sur les peuples que sur les sociétés, ces peuples que mettent en branle non pas des « vibrations » de mœurs mais des mouvements de l’histoire. Or l’Europe, avant d’être une société, n’est-elle pas d’abord un peuple ?
Paradoxalement, la chance de l’Europe réside peut-être dans sa vieillesse qui peut se transformer en jeunesse : l’Europe touchée la première par la civilisation occidentale, réagira peut-être la première contre elle. En ce cas, la décadence serait un facteur d’anti-déclin, et la sénescence, un facteur d’expérience et de rajeunissement : revenus de tout, désenchantés, les néo-européens des jeunes générations qui, dans leur « docte ignorance », ne veulent même plus savoir ce que politique, démocratie, égalité, Droits de l’Homme, développement, etc. signifient, qui ne croient plus dans le prométhéisme vulgaire des mystiques socialistes ou capitalistes, reviennent, du fait de cette apparente dépolitisation, aux choses essentielles : « nous ne voulons pas mourir, avec notre peuple, écrasés par une guerre atomique en Europe dont les enjeux ne sont pas les nôtres ; nous ne voulons pas nous « engager » auprès d’une droite ou d’une gauche, d’un occidentalisme ou d’un soviétisme qui ne sont que les visages faussement antagonistes du même totalitarisme ». Ce discours est fréquent dans la jeunesse. Tant mieux ; c’est celui de l’« Anarque » d’Ernst Jünger. C’est un discours révolutionnaire et engagé sous des apparences de désengagement et d’incivisme. C’est l’attitude des neutralistes allemands qui n’expriment nullement une démission, mais une prodigieuse énergie, l’éternelle ruse du peuple qui sait qu’on peut se relever d’un « régime politique » mais pas d’un holocauste.
La renaissance arborescente, rusée ou inconsciente, des vitalités populaires de toutes natures contre l’ordre froid des planificateurs ou des libéraux, des centralisateurs ou des décentralisateurs, des politiciens, des « humanistes », des prêtres, des professeurs, des socialismes, des libéralismes, des fascismes – et même des « anarchismes »… – contre les règlements, les réseaux, les programmes et les circuits, contre l’égalité et l’inégalité, la justice et la tyrannie, la liberté et l’oppression, la démocratie et le despotisme, la société permissive ou le totalitarisme, bref contre tous ces faux contraires, ces fausses fenêtres des idéologies occidentales dont le dessein commun est, comme jadis Moïse, d’imposer leur Loi contre la vie et le réel, cette renaissance donc, constitue aujourd’hui, notamment dans les jeunes générations, la principale force de l’anti-déclin. En-dehors des Etats et des institutions officielles des pays occidentaux qui sont devenus aujourd’hui des forces de dépérissement, il faut parler d’une résistance populaire. Résistance aux décadences, au social-étatisme, aux plats pré-cuisinés des angélismes humanitaires et des croyances progressistes, résistance de la sagesse dionysienne face à la folie prométhéenne des niveleurs, résistance multiforme dont l’indifférence croissante envers la politique n’est qu’un aspect.
Ce vitalisme social n’est pas un désengagement, mais un engagement. Dans un monde où tout ce qui se veut légitime et institué en appelle au narcissisme de masse, au travail aliéné, au présentisme, au machinisme, au déracinement, de nouvelles énergies apparaissent spontanément et, malgré les pressions des pouvoirs et des pédagogies, osent « faire de la musique sans solfège ».
Fils de la décadence, les néo-européens, nouveaux barbares, ne connaissent même plus la vulgate du moralisme humanitaire occidental. C’est là l’effet pervers – et de notre point de vue positif – du déclin de l’éducation culturelle en Europe : sous prétexte d’égalité et d’universalisme, l’idéologie dominante a négligé l’enseignement de la culture élitaire. Mais elle a jeté le bébé avec l’eau du bain. Les jeunes générations se retrouvent peut-être déculturées, privées de mémoire, ce qui était le but recherché par les professeurs de déracinement, mais également – ce qui est sans doute un événement considérable – libérées de la scholastique et des tabous des idéologies mortifères de l’Occident. Les grands concepts sacrés (Egalité, Démocratie, Politique, Liberté, Economie, Développement, etc.), responsables du déclin, flottent désormais comme des corps morts dans le panthéon mental des jeunes générations.
De deux choses l’une alors : ou bien cette fin radicale de la « culture classique » (à laquelle appartiennent malgré tout toutes les catégories politiques actuelles et toute la mystique égalitaire de l’Occident) ne donnera lieu qu’au vide et à l’immersion dans le néo-primitivisme, ou bien elle laissera surgir le fond assaini du psychisme européen, le fond issu de notre « instinct grec ». Au diagnostic apparemment pessimiste de « fin de l’histoire » qui semble toucher les Européens, on peut objecter sans doute qu’à l’étage du quotidien, de l’intensité de la vie des sociétés, les « histoires » continuent de dérouler leurs stratégies et qu’il ne faut pas jouer les Cassandre. Mais, privées de la dimension « historiale » (et non pas « politique » puisque « politique », « individualisme » et « fin de l’histoire » vont ensemble) de leur existence, démunies de perspective souveraine, les sociétés européennes pourraient-elles mêmes encore connaître dans leurs dynamiques privées et quotidiennes, dans l’énergie secrète du peuple, « des » histoires, des aventures, des pulsions créatrices ?
Nul ne peut répondre. Deux repères positifs, deux puissants facteurs de régénération peuvent néanmoins être définis au sein même de la décadence. Premier repère : le foisonnement dionysiaque de nouveaux comportements sociaux parallèles, sécessionnistes, sensuels, liés à une renaissance contemporaine de l’esthétique européenne, qui biaisent les institutions, les savoirs institués, les réseaux technocratiques, et que la sociologie de Maffelosi met en lumière, constituent à la fois le signe que la moralité réglementée, que le bourgeoisisme technomorphe de la civilisation occidentale (c’est-à-dire du déclin) butent sur l’inertie du peuple, mais aussi qu’on assiste à un regain de l’imaginaire, de l’irrationnel, de forces quotidiennes inconscientes de leur puissance. Ces forces sont celles qui donnent aux nations de grands artistes, de grands entrepreneurs. Comme la graine pendant l’hiver, nous devons coûte que coûte espérer que germent les énergies de la société civile. Demain, elles peuvent être fécondées par une souveraineté à venir, si le Destin qui ne reste jamais longtemps muet le décide.
Deuxième repère. A ce facteur de régénération intérieure, vient s’ajouter un motif possible de régénération extérieure. Il s’agit paradoxalement du grand « risque » de voir la civilisation progressiste et mondiale de l’Occident sombrer dans la crise géante. Le déclin latent deviendrait, au sens de Thom, catastrophe. En effet, à la période actuelle d’auto-résolution des crises par une fuite technologique en avant, à la macro-stabilité du système occidental, peut fort bien succéder une déstabilisation assez brutale. Nous nous dirigeons de fait vers une fin de siècle où vont converger des évolutions dont le parallélisme est pour l’instant facteur de « croissance » (cancéreuse) mais dont la rencontre, et la fusion, risquent d’être la cause d’un déséquilibre géant et planétaire. Ces « lignes évolutives » sont : les déséquilibres économiques croissants provoqués par le « développement » néo-colonial du Tiers-Monde, les effets cumulés du gel géostratégique (statu quo) imposé par les superpuissances combiné avec la sophistication et la densification des armements hyperdestructifs, la continuation de la déchéance de la démocratie à l’Ouest comme à l’Est, l’écart démographique Nord-Sud qui se creuse, l’écart population-ressources dans les pays pauvres, la montée des forces d’auto-affirmation nationales et religieuses dans le Tiers-monde parallèle au renforcement d’une technostructure mondiale, etc.
Notre temps est dominé par la menace d’un « point de rupture » qui se profile à l’horizon de la fin du XXe siècle, où l’humanité pléthorique se heurtera à des défis convergents à la fois alimentaires, écologiques, géopolitiques, etc. Or, aucune société traditionnelle ne peut les résoudre. Le retour à un modèle « holiste » et anti-technique de civilisation est impossible. Sommes-nous condamnés à la normalité occidentale ? L’ambiguïté de la modernité se reconnaît à ce qu’elle s’instaure comme seul remède des maux qu’elle a suscités. Pourtant, et pour ne donner que l’exemple de l’économie, il serait intéressant de prêter l’oreille à des nouvelles doctrines qui tentent de résoudre cette contradiction ; elles nous semblent bien plus originales que l’imposture intellectuelle du retour d’Adam Smith sous le visage publicitaire des « nouveaux économistes ». Ces nouvelles doctrines auxquelles je fais allusion, défendues en France par François Perroux, André Grjebine, François Partant, etc., préconisent l’abandon, non pas de l’industrie et de la technologie, mais de la norme universelle d’un marché et d’un système d’échange et de production planétaires. Elles se prononcent pour la construction progressive de zones « autocentrées », où les unités culturelles, politiques, économiques et géopolitiques se recouvriraient, où le productivisme marchand, le contenu des « besoins » humains, et la place de l’économique dans la société seraient repensés de fond en comble. Il s’agit, en quelque sorte, de penser une modernité qui ne soit plus mondialement normative.
Brutale ou progressive, la vraie crise est devant nous. Ou bien elle débouche sur le déclin définitif, le baiser des mégatonnes, le grand soleil nucléaire qui peut fort bien illuminer la fin de ce siècle du feu de l’holocauste des vertébrés supérieurs, ou bien, en-dehors de cette perspective à la fois terrifiante et très esthétique, la civilisation occidentale, butant sur cette « convergence des évolutions », ne pourra plus physiquement continuer à fonctionner. Faute de l’avoir envisagé sereinement, nous serions alors contraints d’organiser, au bord du tombeau, l’autarcie économique, la post-démocratie, bref de nouveaux principes politiques de vie en société. Ces principes ne seraient certainement plus ceux du progressisme occidental. Chaque région du monde improviserait sa solution…
Alors, pour éviter une telle improvisation, il appartient peut-être aux intellectuels éclairés, ceux qui aujourd’hui échappent aux grandes dogmatiques ridées de l’humanisme, du libéralisme, du socialisme, etc., de réfléchir à ces nouveaux principes, à des valeurs post-modernes capables de prendre le relais de cette longue procession d’illusions qui se confondent aujourd’hui avec le déclin et qui forment encore, hélas, le corps de cette vulgate occidentale qui tient lieu de savoir aux élites européennes.
notes
[1] Cf. sur ce point, Alain Girard, L’homme et le nombre des hommes, PUF, 1984.
[2] Claude Lévi-Strauss, Paroles données, Calmann-Lévy, 1984.
[3] Claude Polin, L’esprit totalitaire, Sirey.
[4] Julius Evola, Les hommes au milieu des ruines, Trédaniel, 1984.
[5] Cf. à ce propos, Laurent Joffrin, La gauche en voie de disparition, Seuil, 1984.
Ce texte est extrait de la brochure de Guillaume Faye, L’Occident comme déclin, 1985. Les caractères gras ont été ajoutés par le compilateur.
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samedi, 13 mars 2010
Postmortem Report: het laatste werk van Dr. Sunic
Postmortem Report: het laatste werk van Dr. Sunic
Tomislav Sunic is een van de vooraanstaande kenners van Nieuw Rechts.
In 2008 was hij nog te gast op het colloquium van Identiteit-Deltastichting. Tomislav Sunic publiceert in het Kroatisch, Engels, Frans en Duits onder andere over de ideeën van Oswald Spengler, Carl Schmitt, Vilfredo Pareto en Alain de Benoist.
Zijn culturele kritiek handelt voornamelijk over: religie, cultuurpessimisme, ras, het derde rijk, liberalisme en democratie,multiculturalisme en communisme. Dit boek bundelt Sunics beste teksten van de afgelopen tien jaar. Als Europees waarnemer die het liberalisme en het communisme aan beide zijden van het IJzeren Gordijn heeft meegemaakt, schetst hij enkele indringende culturele beelden van de westelijke en postcommunistische maatschappij. Altijd erudiet en soms humoristisch, biedt dit boek een zeer leesbaar postmortem verslag over de dood van het Westen.
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vendredi, 12 mars 2010
Dixit Debray
Dixit Debray
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/
A l'occasion de la sortie de Dégagements, son dernier ouvrage publié aux éditions Gallimard, Régis Debray a donné un entretien au magazine Le Point dont voici quelques extraits.
« Être, à présent, c'est être vu. C'est la caméra qui donne la visibilité sociale, après quoi on est bon pour l'influence, et même pour un ministère. Le système création-édition-critique-médias est devenu un mécanisme d'autocongratulations qui fonctionne en circuit fermé. Quant à nos acteurs, sportifs, chansonniers, animateurs, ils ont la légitimité. Quand Sarkozy pose à côté de son pote Johnny, le patron, c'est Johnny. Il met négligemment la main sur l'épaule de Nicolas. La politique est devenue une filiale parmi d'autres du show-biz. Comme la philosophie, ou ce qui passe pour tel, et le football. Ils font la paire en public et se mettent en ménage dans le privé. Mauvais temps pour les mots. "Casse-toi, pauvre con !" Ceux qui aiment déguster des mots plutôt que déglutir de l'info vont survivre, loin des best-sellers, hors marché, dans des îlots ou des monastères, peut-être dans quelques grandes écoles si celles-ci ne disparaissent pas entre-temps. Mais les Voltaire et les Victor Hugo, dans l'Occident postindustriel, sont technologiquement condamnés. L'intello classique n'est plus fonctionnel. »« Les nouveaux philosophes produisent de l'indignation au rythme de l'actualité en désignant au bon bourgeois le méchant du jour - le totalitaire, le franchouillard, l'islamo-fasciste, etc. »
« J'estime avoir fait mon travail lorsque j'ai éclairé des zones d'ombre, comme la religion, raccordé des champs, proposé des outils de compréhension, en général pour expliquer pourquoi ça ne marche pas et pourquoi ça ne marchera pas beaucoup mieux demain. Mais je n'appelle personne à la conversion. Entre la tour d'ivoire et la course de vitesse avec l'actu, j'espère trouver une troisième voie, que j'appelle le dégagement ou le regard en biais. Je n'ai plus le virus politique, mais je garde un penchant pour les collectifs : j'aime la bande, la revue, la conspiration, le commando. C'est un trait de gauche. On ne se refait pas. »
« Le grand retour indigéniste auquel nous assistons à travers quelqu'un comme Evo Morales est bien une revanche de la mémoire sur les tables rases du futurisme occidental. Toutes les révolutions socialistes sont des nationalismes. Mao commence pour de bon avec l'attaque du Japon. Pourquoi les talibans sont-ils forts ? Parce qu'ils sont chez eux envahis par des étrangers, infidèles de surcroît. On ne gagne pas contre une civilisation. »
« Le problème, c'est l'évanouissement de l'Europe comme alternative. Voyez l'obamania de nos provinces. Faire d'un patriote américain juste milieu un bon Européen de gauche relève d'une incroyable perte de sens historique. Et géographique. Nous n'avons même plus la force de produire nos propres champions. On s'enamoure en midinette. On dirait qu'en vieillissant l'Europe n'est plus que fleur bleue. Elle regarde l'Oncle d'Amérique en prince charmant, lequel regarde ailleurs, là où les choses se passent : Asie et Pacifique. »
« Le clivage [droite-gauche] reste, mais il est sociologique ou folklorique, au bon sens du mot. Quant aux idées et aux valeurs, allez vous y reconnaître. [...] Qui eût dit que le patron du FMI, installé à New York, serait un jour la vedette de la gauche française ? Il y a vingt ans, on pouvait reconnaître un homme de droite à sa cravate, à sa boutonnière et à sa coupe bien nette. Aujourd'hui, le casual wear et la barbe de trois jours font uniforme commun. En face de quoi vous pouvez me définir comme un conservateur de gauche, tiers-mondiste vieux jeu, voire gaulliste d'extrême gauche. Cela m'indiffère. »
« Le handicap de la gauche, en matière d'art, c'est la morale. Le surmoi est assez peu créatif. La droite doit à un certain cynisme d'avoir les coudées franches. Il m'arrive d'avoir plus de plaisir à lire le Journal de Morand, politiquement immonde, que celui de Leiris, moralement impeccable. »
« Pour sauvegarder votre capacité à être vous-même, faites de l'histoire, sortez de vos frontières et lisez des livres : plus vous maîtriserez les mots, plus vous jouirez des images. »
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dimanche, 07 mars 2010
Fenomenologia del "politicamente scorretto"
di Fabrizio Fiorini - Fonte: http://www.ariannaeditrice.it/
E’ un dato di fatto che a forza di ‘prenderle’, bastian contrari si diventa. Difficilmente vi si nasce: sono rari casi che riguardano l’analisi e l’anamnesi delle patologie, più che l’analisi politica. Al di là di ogni sorta di vittimismo, quindi, è ravvisabile in una larga casistica di soggetti l’attrazione estrema nei confronti di teorie, modi di vita, parametri estetici, ideologie o loro surrogati, atteggiamenti, che destano lo scandalo al sentire comune, che sono invisi ai normali atteggiamenti della parte maggioritaria dei propri contemporanei e aborriti da quella normalità e da quella medietà che da qualche tempo è uso definire borghesi. In sintesi: politicamente scorretti. Tale attrazione, sovente accompagnata da una marcata ostentazione, è da analizzarsi – per essere adeguatamente compresa – alla luce di diversi criteri di valutazione.
A una valutazione soggettiva, questo modo di vita assume largamente connotazioni negative. E’ la rappresentazione di quel cancro dell’anima che prende comunemente il nome di vittimismo, che si manifesta quando una sconfitta genera nella persona che l’ha subita un indole da cronico perdente. Tanti tra coloro che hanno impresso negli occhi l’orrore della modernità e che quotidianamente ne denunciano la corruzione e la decadenza l’hanno provato; hanno sentito sulle proprie spalle quel senso di prevaricazione che li ha spinti a tuffarsi nel vortice perché il vortice è tutto quello che riuscivano a scorgere, tanto il loro capo era piegato. Essi sposano quindi e fanno proprio tutto ciò che rappresenta il male, tutto ciò attraverso cui riescono a salvare quantomeno le apparenze della loro contrarietà, spesso in maniera sconclusionata, spesso auto-mortificandosi. Quante volte li abbiamo sentiti: “abbiamo perso la guerra”; oppure: “verremo repressi”; o ancora: “siamo pochi”. A costoro dedicò il suo pensiero Jean Thiriart: «Le persone prive di decisione si giustificano frequentemente della loro inerzia ragionando su un ‘risveglio’ sicuro dell’Esercito o su una vigilanza sicura della Chiesa. Essi dicono allora: ‘mai l’esercito permetterà questo’ o ancora ‘la Chiesa millenaria, nella sua saggezza e nella sua potenza, porrà un freno in tempo’. Si tratta ancora di pseudo giustificazioni di vigliaccheria e di pigrizia».
Altro soggettivo nesso eziologico col politicamente scorretto risiede nell’auto-confino nell’hic sunt leones, da qualcuno definito “cattiverio”, che il sistema ha appositamente creato con funzioni di controllo e a mo’ di valvola di sfogo per i soggetti in questione. Costoro, infatti, per una serie di motivi che spaziano dalla coercizione al condizionamento, si limitano nella cattività cui la loro scorrettezza li ha condotti. Le analisi dei fenomeni giovanilistici pullulano di tali esempi: dagli ultras agli skin, dalle gang metropolitane alle ricadute “delinquenziali” del sottoproletariato. La crema dell’inteligencija internazionale si interpella, istituisce seminari e promuove dibattiti sull’argomento. Già, chissà perché un “disadattato” non si arruola nella protezione civile, o nei boy-scout? E pensate, li pagano pure.
A una valutazione oggettiva, invece, il politicamente scorretto assurge agli onori della più alta dignità. La veridicità di ciò risiede nella validità della prova a contrariis. Entrano in gioco altri fattori ed altri strumenti di lotta politica e contestuale repressione. Il relegare al rango della scorrettezza politica è infatti una delle armi più affilate detenute dall’oligarchia reggente la società contemporanea nelle sue luride giberne. L’epoca storica, d’altronde, è quella che è: non è più tempo di contrapposizione squisitamente politica, non è più tempo di opporre una visione del mondo a un’altra. E’ tempo di coscienze addormentate, e nel torpore delle coscienze non si può che colpire allo stomaco. Nessuno ci darà la soddisfazione di argomentare le proprie tesi opposte alle nostre e nessuno ci farà omaggio della possibilità di un dialogo: non lo faranno perché ne uscirebbero distrutti. Molto meglio per loro metterci alla gogna con al collo il vergognoso cartello che ci indica come folli, estremisti, irrispettosi, scandalosi: i più deboli soccomberanno subito; altri in gran numero, si tureranno occhi, bocca e orecchie, si auto-convinceranno di essere ciò di cui vengono accusati e invocheranno gli eserciti e le chiese di cui sopra; i migliori trarranno da ciò la consapevolezza di essere nella ragione. Il loro politicamente scorretti diventerà (dicevamo: a contrariis) dimostrazione di giustezza e bandiera di verità.
Il confine è quindi labile, difficilmente identificabile, e taglia a metà tanto questioni di rilevanza condominiale quanto altre di rilevanza strategica.
Dalla parte malsana del confine, grandi e piccole cose, e le grandi – a ben guardare – diventano davvero piccole. E’ politicamente scorretta una rissa in uno stadio: ma altro non avrete fatto che assecondare la sedazione cui vuole sottoporvi chi vuole farvi sfogare in una “curva” per fare in modo che una volta fuori vi comportiate da bravi bambini. E’ politicamente scorretto accompagnarsi con una prostituta o drogarsi, ma avrete ceduto a chi vuole farvi passare questo mondo per quello che non è: un paradiso da comprare con quattro soldi. E’ politicamente scorretto apprezzare pubblicamente Berlusconi, perché politicamente corretta è la sua apparente controparte, la falsa sinistra degli sciocchi; ma avrete scambiato un bicchier d’acqua per un oceano, e vi sorbirete questo bicchiere – amaro calice! – trovandovi sul fondo il solito asservimento alle grandi potenze di cui anche questo governo è portabandiera. E’ politicamente scorretto aderire a partiti e ideologie delle “estreme”, ammantandosi dei loro colori e vantandosi del proprio riuscito lifting ideologico, suscitando una smorfia di disappunto in quelli che ben pensano; ma cos’altro avrete fatto se non rinchiudervi in una gabbia le cui sbarre sono l’impotenza, l’auto-compiacimento, l’esclusione, il soffocamento di ogni anelito di reale cambiamento?
Dalla parte sana del confine, dalla nostra parte, grandi e piccole cose, e le piccole – a ben guardare – diventano davvero grandi. E’ politicamente scorretto épater le bourgeois, come ha fatto chi negli scorsi giorni ha ricordato, in un programma televisivo, di come gli italiani in tempo di fame mangiassero anche i gatti, suscitando un sussulto nella massaia che in quel momento sezionava il coniglio o il vitellino da latte per il pranzo e un brivido lungo la schiena del dirigente Rai che, stringendosi nella pelliccia, ne ordinava l’allontanamento seduta stante. Sono politicamente scorretti il nostro sorriso quando tutti si chiudono in ipocrita serietà, e la nostra serietà quando tutti trovano nella farsa e nella tragedia qualcosa di cui ridere. Sono politicamente scorretti (anzi: sacrileghi) lo studio non conforme della nostra storia e la sua incondizionata difesa, i quali rendono giustizia alla civiltà europea che da più parti si vorrebbe infangare o cancellare e che dimostrano come l’affermazione della verità sia più forte delle sbarre di un carcere. E’ politicamente scorretto denunciare gli stati che sottomettono i popoli con la violenza, gli Stati Uniti d’America e Israele, perché dimostra la nostra caparbietà a volerli vedere per quello che sono, roccaforti nel deserto dal cui mastio non gronda che sangue, anche se molti sono convinti che sia nettare. E’ politicamente scorretto propugnare ancora idee forti quali quelle del socialismo e della nazione, perché si bestemmia il verbo che fonda la società marcia da cui i parassiti e gli usurai traggono vita: quello del denaro.
Non tutto ciò che è politicamente scorretto è quindi eticamente corretto. Il valore è dato dal risultato che si ottiene o che si tenta di ottenere: è una questione di qualità. Politicamente scorretto è oggi il nostro libero pensiero, che sta a testimoniare che non abbiamo paura
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samedi, 06 mars 2010
Gallovacantisme
Gallovacantisme
par Georges FELTIN-TRACOL

Ce comportement proprement schizophrène n’est pas récent. Qu’on se souvienne des déchirements tragiques du camp patriotique entre 1940 et 1945 ! En remontant le temps, soulevons la faute magistrale de Maurras et de l’Action française qui, par germanophobie viscérale, conclurent un « compromis historique » avec la IIIe République dans le cadre de l’« Union sacrée ». Au même moment et dans le même élan de communion nationale, le prétendant légitimiste aux trônes de France et d’Espagne, le duc d’Anjou et de Madrid, demandait à ses partisans espagnols, les carlistes, d’atténuer leur germanophilie et de prier pour le salut de la France. Mentionnons aussi l’erreur considérable du pape Léon XIII d’appeler les catholiques de France au « Ralliement »… Passons charitablement sur l’énorme bourde des légitimistes de se retirer, par fidélité indéfectible à la dynastie légitime, dans leurs manoirs campagnards après 1830, délaissant ainsi le champ politique. Et que penser des discrètes manœuvres de l’ambassadeur du Piémont-Sardaigne, Joseph de Maistre, à Saint-Pétersbourg afin de freiner l’appétit territorial des Coalisés en 1814 – 1815 ?
À l’énoncé de ces quelques exemples, on a l’impression que les « conservateurs », les « réactionnaires », les « contre-révolutionnaires », se fourvoient avec les meilleurs intentions dans un incroyable jeu de dupe. La préservation des principes spirituels de légitimité et d’aristocratie traditionnelle semble passer après des intérêts politiques plus immédiats.
Il ressort de ces brèves considérations que de nombreux patriotes ne parviennent plus à distinguer la France idéale qui se perpétue en leur for intérieur et un Régime toujours plus détestable. Dans un essai bien senti, malheureusement passé assez inaperçu, Les deux patries (1), l’historien Jean de Viguerie relevait une dichotomie entre une patrie traditionnelle irriguée par des corps intermédiaires florissants et une patrie républicaine, abstraite, régie par des valeurs universalistes et individualistes. Ce distinguo est plus que jamais d’actualité au moment où Fadala Amara rêve publiquement d’une « République métissée » (2). Lentement mais sûrement, l’Hexagone dissout la France aux indéniables racines européennes, notre France historique. Arnaud Guyot-Jeannin remarque fort bien que « les nationalistes aiment la France. Tout le problème vient de ce que la France ne les aime pas. Non pas la France traditionnelle et enracinée, mais la France fraternitaire et cosmopolite Black-Blanc-Beur. L’atomisation du corps social qui en résulte, standardise alors les comportements individuels et collectifs. L’uniformisation qui découle de l’individualisme désagrège tous les modes de vie soudant les communautés naturelles » (3). Ne serait-il pas temps de prendre acte de cette césure fondamentale et d’agir en pleine connaissance de cause ?
Quitte à choquer, la défense acharnée de ce qu’on croît être la France et qui n’est en fait qu’une république francophage, variante spécifique et locale de l’idéologie mondialiste, n’est plus soutenable et se montre même en certaines circonstances contre-productive pour la mouvance rebelle et anticonformiste. Plus abruptement dit, les patriotes authentiques ne devraient plus se ranger de manière systématique et quasi-pavlovienne derrière un « patriotisme » officiel ou une volonté de « défense nationale » en fait délétère pour une conception du monde traditionnelle ou non-moderne. On pense combattre pour la France et on favorise au final l’assassinat systématique des cultures, des peuples et des identités.
La France que nous chérissons meurt étranglée par un mondialisme rapace, des instances eurocratiques pesantes et une République subrepticement totalitaire. Comme le fut jadis l’U.R.S.S. pour la Russie, la République hexagonale représente pour les Français les plus lucides un organisme parasitaire meurtrier de masse : le populicide vendéen, l’ethnocide des langues vernaculaires perpétré par les « hussards noirs », les massacres répétitifs de la paysannerie au cours des guerres de la Révolution, de l’Empire et de 1914 – 1918 en sont des preuves flagrantes et terribles !
Ce processus criminel, cette lente extermination des peuples enracinées de France, se poursuit et s’accélère avec la substitution en cours des populations autochtones par une immigration extra-européenne incontrôlée. La diversité ethnique et confessionnelle grandissante de la société oblige les pouvoirs publics et para-publics à recourir au seul ciment civique à leurs yeux valable, les dénommées « valeurs républicaines ».
Il en découle un martèlement croissant du discours républicain en tout lieu et à tout moment. Cette propagande suscite une phobie anti-discriminatoire qui frôle la pathologie mentale lourde. La quête harassante en faveur d’une diversité de façade imposée – s’il le faut par la contrainte – par la H.A.L.D.E., peint de couleurs exotiques variées une domination sur les esprits centrée sur la marchandisation, l’individualisme et le rejet de toute spiritualité.
L’Hexagone républicain n’est pas la France. Sait-on d’ailleurs que dans les réunions internationales, les documents officiels ne parlent jamais de France et toujours de République française ? Certes, s’il existe une République algérienne démocratique et populaire, il y a surtout une République fédérale d’Allemagne, une République de Pologne, une République populaire et démocratique de Corée, et non une République fédérale allemande, une République polonaise ou une République populaire coréenne… L’Hexagone reprend (fortuitement ?) la titulature du dernier Louis XVI, de Napoléon Ier, de Louis-Philippe et de Napoléon III qui était « roi (ou empereur) des Français ». Les masses se substituent à l’idée sapientielle ! Nullement français, l’Hexagone black-blanc-beur ne peut être une res publica au sens que l’entendaient les Anciens, ni un oïkos post-moderne (ou une République-site).
Les « hexagonophobes » doivent-ils pour autant délaisser la patrie nationale, s’en détourner irrémédiablement ? Nullement ! Ils doivent au contraire accompagner la métamorphose, la mutation en cours, fut-ce au prix d’entériner l’éclipse de la France. Oui, la République jacobine a volontairement occulté la France traditionnelle dont la légitimité a disparu irrémédiablement le 24 août 1883 à Froshdorf. Depuis, et à part l’exception incarnée par Charles de Gaulle entre 1940 et 1969, la légalité sert de pis-aller. En attendant qu’une nouvelle légitimité européenne et impériale surgisse des aléas de l’histoire, la seule posture désormais satisfaisante est le francovacantisme ou le gallovacantisme (4).
Le gallovacantiste ou francovacantiste postule d’abord que les structures républicaines occupent l’espace géographique et mentale de la France, ensuite qu’il est vain de soutenir un Hexagone qui est l’anti-France par excellence. On ne cesse d’invoquer l’« identité républicaine », le « civisme républicain », l’« école républicaine »… Ira-t-on bientôt jusqu’à expulser royalistes, européistes et régionalistes qui n’adhèrent pas au républicanisme laïc, gratuit et obligatoire ?
Bousculons donc les douillettes certitudes des souverainistes et autres nationalistes qui agissent en parfaits valets du Système. Dissocions la France historique de l’Hexagone républicain mondialiste. Repensons globalement le combat essentiel des identités autochtones d’Europe, et abandonnons aux fétichistes de l’État-nation républicain La Marseillaise, Marianne, le coq, sa devise inepte et le drapeau tricolore. Osons nous affirmer anti-républicains, Français d’Europe et localistes enracinés!
Telle est la véritable révolution intellectuelle qui s’ouvre à nous ! C’est au nom des valeurs républicaines prépondérantes qu’on exige l’assimilation, qu’on célèbre l’intégration et qu’on chasse la burqa. Dans le même temps, le Régime délaisse les zones rurales ou péri-urbaines, fait fermer hôpitaux de proximité, agences postales de villages et petites gares ferroviaires et prépare l’imposition des ménages rurbains fuyant l’exécrable multi-ethnicité des centres urbains au moyen de la fameuse « taxe carbone ».
Les patriotes identitaires se doivent d’exprimer une dissidence radicale à la République. Loin de la préserver, ils doivent préparer son effondrement en se tenant prêts à l’imprévu. Qu’ils s’inspirent pour la circonstance de l’exemple des républicains sous le Second Empire. En effet, le 4 septembre 1870, dès l’annonce de la défaite française de Sedan et de la reddition de l’Empereur aux Prussiens, les républicains parisiens profitèrent du désarroi gouvernemental pour proclamer la République alors que cinq mois plus tôt, un plébiscite confirmait massivement l’assise populaire de l’institution impériale. Certes, les républicains mettront presque dix ans pour s’emparer définitivement de l’ensemble des pouvoirs, mais le mouvement initial, décisif, fondateur, était lancé. Soyons par conséquent aux aguets, aptes à répondre au Kairos. Le gallovacantisme doit nous aider à penser autrement notre vision de la France.
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : Jean de Viguerie, Les deux patries. Essai historique sur l’idée de patrie en France, Dominique Martin-Morin Éditeur, 2004, première édition en 1998.
2 : « Nous sommes en train d’accoucher d’une France diverse, d’une République métissée. Le mouvement n’est pas spectaculaire et ne se voit pas devant des caméras. » Amara Fadala, in Le Monde, 4 et 5 octobre 2009.
3 : Arnaud Guyot-Jeannin, « Une Europe néo-carolingienne est-elle envisageable pour l’avenir ? », in Benjamin Guillemaind (s.d.), La subsidiarité. Un grand dessein pour la France et l’Europe, Éditions de Paris, coll. « Les Cahiers de l’As de Trèfle », 2005, p. 99.
4 : « Gallovacantisme » ou « francovacantisme » sont deux néologismes dont il appartient à l’usage de valider l’un ou l’autre. Ces deux termes se construisent sur le modèle du sédévacantisme. Sans entrer dans les détails, le sédévacantisme considère que, depuis le concile Vatican II, tous les papes qui occupent le siège de Saint-Pierre sont illégitimes et hérétiques. Il en découle une vacance de la papauté. Une frange moins radicale de ce courant, le sédéprivatisme, considère que le siège pontifical est occupé dans les faits par une personne qui n’en est toutefois pas digne si elle entérine les conclusions conciliaires. Sédévacantistes et sédéprivatistes suivent donc des messes non in cum, c’est-à-dire hors de toute communion avec la hiérarchie ecclésiastique et les souverains pontifes.
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mercredi, 03 mars 2010
Les Etats-Unis comme contre-modèle
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Les Etats-Unis comme contre-modèle |
« De même qu’en Europe, en 1919, avec leur stupide Traité de Versailles, les généraux Foch et Clémenceau ont réduit à l’esclavage l’Allemagne perdante jusqu’à ce qu’elle finisse par se donner, jambes écartées, au premier führer venu ; de même, aux USA, les présidents démocrates ou républicains (n’importe !) ont poussé le manque de magnanimité jusqu’à ôter au peuple irakien la force et la volonté de se débarrasser de son dictateur. C’est ainsi qu’on exacerbe la rancœur arabe. Pas autrement. Et c’est trop tard pour s’en plaindre. La caractéristique des Américains est que tous les clichés qu’on colporte sur leur compte sont justes. Les Yankees civilisés préfèrent l’American way of life à ce qu’ils appellent la Diarrhea way of life… Le reste de la terre est une Bougnoulie où on attrape la turista ! Les Américains vivent dans le plus petit pays qui soit : mon ghetto, ma maison, ma voiture, ma télé, mon chien et mon frigo (le chien dans le frigo ?). Tout est réduit à sa plus simple expression. Un grand vide habite ce vaste espace. Et ce vide, il faut le cacher ! Drôle de démocratie que les Etats-Unis où l’abstention est reine et où on finit par élire celui qui obtient le moins de voix… En l’an 2000, le démocrain Bush et le républicrate Gore ont dû tirer leur élection à la courte paille ! Ces protestants sont très vifs à cacher la mort : voilà pourquoi on ne verra pas plus de morceaux carbonisés du puzzle WTC qu’on ne vit de bombardés chirurgicalement à Bagdad… Les coach potatoes ont deux cent chaînes de télé sattelisées pour surtout ne rien savoir du monde ! Pas besoin d’être un islamiste pour constater que la télévision est une source de perversion. Les Talibans déchiquettent les bandes vidéo et font flotter au vent des étendards de bandes magnétiques… »
Marc-Edouard Nabe, Une Lueur d’Espoir, Editions du Rocher, 2001, p.70-71 |
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dimanche, 28 février 2010
Salauds de populistes?
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Salauds de populistes? | |
« Certains journalistes, intellectuels ou dits tels, et autres intervenants de circonstance sortent du bois pour dénoncer le populisme. Mais voilà, le peuple a pris la tangente et n’obéit plus. Alors que fait-on ? On parle des horreurs que peut entraîner cet affreux populisme. En direct de Paris, un parlementaire suisse, invité d’urgence par notre radio, nous avertit gravement que le populisme peut conduire au totalitarisme. Un écrivain, incendiaire de chalet, allume un autre bûcher : le populisme n’est jamais aussi dangereux que lorsqu’il touche même les intellectuels. Nous voilà avertis : c’est un devoir de dénoncer, et violemment, ce populisme. Organisons-nous en clubs de vrais Suisses, créons des cercles kreisiens qui voient le racisme partout ! Que le tocsin sonne, réveillons cette populace qui ne mérite que haine et mépris ! […] Le populisme n’est rien de tout cela. Il existe des travaux remarquables sur ce phénomène. Quel média en fera une série, pour essayer de comprendre plutôt que de donner libre cours à la haine du haut envers le bas ? Ce sont les problèmes sociaux graves non résolus dont souffrent les couches populaires, et non l’élite bien lovée, qui débouchent sur le populisme. Mais ces problèmes ont été tus, car gênants pour la bien-pensance jusqu’à ce qu’ils deviennent insupportables pour ceux qui les subissent quotidiennement, et depuis des décennies. Alors ils votent “subitement” par dizaines de milliers, même à Genève, pour ceux qui prétendent régler ces problèmes en une fraction de seconde, en désespoir de cause. Qu’ont fait personnellement ces dénonciateurs hautains pour participer à la résolution de ces problèmes ? Rien, puisqu’ils n’osaient même pas en parler. Et là ils sortent du bois, avec quel effet? Ils vont renforcer la rancœur, toujours bien au chaud. J.-F. Revel résumait, il y a vingt ans déjà, le problème : les politiciens et les intellectuels qualifient avec mépris de populistes les mouvements politiques qu’ils n’ont pas senti venir. J’ajoute: et pour cause. »
Uli Windisch, Le Nouvelliste, 11 janvier 2010 |
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mercredi, 24 février 2010
Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity
Dr. Sunic' Newest Book !
Editorial Reviews
Product Description
Tomislav Sunic is one of the leading scholars and exponents of the European New Right. A prolific writer and accomplished linguist in Croatian, English, French, and German, his thought synthesizes the ideas of Oswald Spengler, Carl Schmitt, Vilfredo Pareto, and Alain de Benoist, among others, exhibiting an elitist, neo-pagan, traditionalist sensibility. A number of themes have emerged in his cultural criticism: religion, cultural pessimism, race and the Third Reich, liberalism and democracy, and multiculturalism and communism. This book collects Dr. Sunic’s best essays of the past decade, treating topics that relate to these themes. From the vantage point of a European observer who has experienced the pathology of liberalism and communism on both sides of the Iron Curtain, Dr. Sunic offers incisive insights into Western and post-communist societies and culture. Always erudite and at times humorous, this highly readable postmortem report on the death of the West offers a refreshing, alternative perspective to what is usually found in the cadaverous Freudo-Marxian scholasticism that rots in the dank catacombs of postmodern academia.
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vendredi, 12 février 2010
The Camp of the Holy Ghosts

http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-RaceReligionIV.html#TS
The Camp of the Holy Ghosts
Tom Sunic
February 7, 2010
The incessant flooding of non-White immigrants into Europe and America raises the academic question of cause and effect. Certainly, the ongoing racial and religious changes in America and Europe are already having dramatic effects that will soon result in low intensity urban warfare. However, while it is relatively easy to study the consequences of non-White immigration and put the blame on non-White intruders and their liberal protectors, probing into the causes of the non-White immigration is far more delicate. The suicidal role of churches, especially the Catholic Church in the USA and in Europe needs to be critically examined, as does the opportunistic role toward Islam and Judaism of many White nationalists.
In all European countries, with the exception of Eastern Europe, the experiment with multiculturalism is getting uglier by the day. According to the estimates ofBritain's Commission for Racial Equality, by the year 2011 the population of the city of Leicester in the United Kingdom will be 50 percent non-White. Non-European Muslim immigrants, mostly from northern Africa and Asia Minor, already make up more than 20 percent of the population in the French city of Marseille, the Dutch city of Rotterdam, or the Swedish Malmo. Referring to dangers presented by Lebanese, Kurdish and Turkish drug gangs, the chief of the Berlin police trade union, Eberhard Schönberg, admits that “we no longer venture into some parts of the city”.
For fear of Muslims — and token Jews
Among White advocates, especially in America, Islam is often associated with menacing non-Europeans who are perceived to be racially and culturally light years away from any Whiteness. In contrast to ethnocentric Judaism, Christianity and Islam have been reaching out for centuries to different races worldwide. All of these three religions originated in the Near East — not in Europe. If one were, therefore, to follow this logic then one must dispense with Judaism and Christianity too, since these two religions are also non-White by birth.
Race cannot be the synonym for religion. Masses of pious and God-loving Mexican immigrants, streaming daily into North America are very Christian. But they are not White. In a similar vein many recent German converts to Islam, let alone millions of Bosnian Muslims are very European and White.
As long as Christian churches and White advocates and other right-wingers criticize Islam and Muslim immigrants, they can savour some modest success with Jewish opinion makers, or may even be perceived as doing a substitute work for them. Should they venture, however, into critical analyses of modern political beliefs, largely shaped by Jewish think tankers, all hell breaks loose. Therefore, over the last couple of years, in an effort to gain some credibility, or a piece of the parliamentary pie, European nationalist parties, along with some prominent White Americans, have decide to toe the line of Jewish neocons and Israeli firsters — a gesture which they combine with virulent remarks about Muslim immigrants.
Islam bashing, especially after the events of 9/11, fits well into the agenda of American-Jewish opinion makers, because it deflects concerns about Jewish influence and it provides Israel with additional territorial legitimacy.
Token Jews come in handy for White nationalist effusions, as shown by the BNP posting of the Jewish councillor Pat Richardson on its board. "I'm in the BNP because no one else speaks out against the Islamification of our country," saidRichardson. "Being Jewish only adds to my concern about this aggressive creed that also threatens our secular values and Christian tradition."
Similar anti-Muslim and pro-Jewish words can be heard in continental Europe emanating from the influential nationalist party Vlaams Belang, whose chief, Frank Vanhecke said: "They say I'm anti-Semitic when the truth is I am one of Israel's staunchest defenders in the European Parliament. I invite you to read my queries to the European Parliament concerning its unjust treatment of Israel, and about the support the same parliament is giving to Palestinian murderers.”
Such pathetic comments by the Vlaams Belang or the BNP, and by some American White advocates, won’t help their White constituents in the long run, nor will they appease their Jewish detractors. Quite to the contrary. Scared to death of the dreaded word ‘anti-Semite’, many European and American Whites assume that their anger at the rising tide of non-White immigrants, when couched in the eulogies of Jews and Israel, will give them extra mileage. They are wrong. They seem to forget the hard lesson German mainstream conservatives learned decades ago. Despite crawling on all fours, bending backwards and forwards with the flurry of pro-Jewish and pro-Israeli disclaimers, Germany is not exonerated from making endless restitution payments to Jews or Israel.
A hundred years ago, a famous scholar and political psychologist, Vilfredo Pareto, described in his thick volumes the non-logical actions of liberal political actors and their desperate methods of rationalizing their aberrant political decisions. His analyses could well fit into the study of the mindset of prominent White advocates and their neurotic attitudes toward Jews. Servility never disarms the tormentor; it only makes the servile victim look more despicable in the tormentor’s eyes.
Another backlash of proxy White identity can be spotted among Whites’ grotesque veneration of Palestinians. This is in particular true among French “identitarians,” who enjoy sporting the Palestinian flag — often as a subterfuge for their condensed anti-Jewish feelings. Many European nationalists like to exhibit bizarre humanitarian emotions for this alien out-group, while neglecting the plight of their own White kinsmen in their own neighbourhoods.
The Palestinian plight must be bewailed and bemoaned by Arabs only — not by White Americans and Europeans. Had the wealthy petro-sheiks from Qatar or Saudi Arabia more integrity and higher IQ, they could easily rock the boat and send oil prices into heaven on Wall Street, and thus help their brethren in Gaza or on the West Bank. Instead, they prefer yachting on the Croatian and the French Riviera on the look-out for White Christian women. The congenial lack of self-discipline among Arabs helps tiny Israel run the show in the Middle East — with the aid of American taxpayers.
Christian–Leftist Holy Wars
But I stand by my statement. Part of the mission of the Roman Catholic Church is to help people in need. It is our Gospel mandate, in which Christ instructs us to clothe the naked, feed the poor and welcome the stranger.
These are the words of the US Cardinal Richard Mahony, from his op-ed piecein The New York Times, although his words could easily be attributed to a leftist militant.
If anybody can break the law with impunity in Europe and America, it is the powerful Catholic clergy. Mahony openly snubbed the House bill against hiring illegal aliens. If one were to replace his words “Catholic Church” and “Gospel” with the words “Party” and the “Five Years Plan” respectively, one could read a carbon copy of the new Communist Manifesto. Frightened at the sight of the vanishing White flock and reeling from the pedophile scandals, the Catholic clergy in America must look now for less intelligent and more credulous faithful, notably among Latin American immigrants.
Almost without exception the French higher and lower clergy is known for its left-leaning, pro-immigration politics. Given that less than 10 per cent of White French attend Sunday mass, the French Catholic Church must search for new sheep among non-White immigrants. It is common to observe the French clergy break the law by providing safe havens on the church premises for non-European immigrants, including Muslims from North Africa. The words by the notorious French bishop, Jacques Gaillot, who is openly pro-homosexual, pro-Muslim, pro-Arab and pro-immigration, as related by the influential French left-leaning weekly Le Nouvel Observateur online forum, says it all:
Undocumented foreigners are honoring us when they knock on the doors of churches. When they come to St Hippolyte and at St Merri they ask the Church to support them and to make their plight known, because they know that the Church has common bonds with foreigners. And sometimes the foreigner evokes the words of Jesus: “I was a foreigner and you welcomed me.” We do not have to imitate what foreign countries could do to Europeans if they were to go to mosques. It is not because Muslim countries would not welcome Europeans that we have to be like them. We have the responsibility to host those who are human beings as ourselves.
Last year in May, Italy passed strict laws against illegal immigrants making it a felony to work and reside in Italy without proper documents. The Pope, however, could not wait to slam the right-wing Silvio Berlusconi government as “racist and xenophobic.” In January this year, after race riots had broken out in Calabria, in southern Italy, the Catholic clergy promptly sided with the African immigrants.
But what else can one expect from the Catholic Church whose doctrine is based on the dysgenic idea of “love thy neighbor”? The Pope’s spokesman reiteratedrecently that “the Church had always sought to defend the dignity of immigrants, particularly the weak and the feeble, around the world.“
Such priestly statements must be fine music for the ears of non-European immigrants, and it would be naive to think that they ignore the consequences of Samaritan gifts provided by their Catholic hosts.
One would think that traditional Catholics affiliated with the Society of Saint Pius have more racial awareness, because, unlike the Vatican, they resolutely attack the Islamification of Europe. Undoubtedly, the European Catholicintégristes command a certain respect among prominent rightwing French academics and politicians sympathetic to the French Le Front National. Yet the stance of the Society of Saint Pius on non-European immigrants and on race mixing is not much different from the one espoused by the Vatican. How can it be otherwise in view of St Pius branches and supporters scattered in far away non-European countries, such as the Philippines or Latin America?
Although fully obedient to Rome, Catholics in Slovakia, Hungary or Croatia are far more racially aware than their counterparts in Bavaria or Ireland. It is common to hear homilies by Croat Franciscan priests in the Catholic missions inPittsburgh, Sydney or Zagreb, implicitly urging young Croats to marry only within White Christian gene pool. East European Christians, particularly Christian Orthodox Serbs and Roman Catholic Croats have far less political compunctions about criticizing Muslim non-European immigrants than their Western equivalents — as shown by their ugly treatment of Bosnians Muslims during the recent war in the Balkans. In Serb and Croat national sagas and myths, words like ‘Arab’ or ‘Turk’ are synonymous with evil. However, their own mutually exclusive nationalism, largely due to their past interreligious quarrels, makes any revival of an all-out, across the board White consciousness in Europe, at least for now, risible and far-fetched.
The Catholic Church in Central and Eastern Europe is a projection of local White national identity and no so much the symbol of spiritual salvation. Catholic Poland, Slovakia, Croatia and Hungary take special pride in calling themselves “antemurale cristianitatis”, or "antimurale occidentis — i,e,, the “bulwark of Christianity” and the “rampart of the West” — first against Turkic Islamic invaders, then against godless communism. Seen in retrospect though, communist repression in Eastern Europe had strengthened the role of the Catholic Church and the White consciousness of its congregation. By contrast, in Western Europe the liberal system is now quickly turning the Catholic Church into a multiracial clearing house.
Certainly, in the very near future Christian meek shall inherit the old Earth — and the new Gulag.
Tom Sunic (http://www.tomsunic.info; http://doctorsunic.netfirms.com) is author, translator, former US professor in political science and a former Croatian diplomat. He is the author of Homo americanus: Child of the Postmodern Age (2007). His new book of essays, Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity, prefaced by Kevin MacDonald, will soon be released. Email him.
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samedi, 06 février 2010
Pour en finir avec l'hitléromanie
Pour en finir avec l'hitléromanie
par Jean de Lothier / Ex: http://livr-arbitres.over-blog.com/
On pensait le IIIe Reich mort et enterré depuis soixante ans. Faux ! Il n’a jamais été aussi vivant. C’est du moins ce que pourrait nous laisser croire la surabondance de la littérature sur ce thème[1]. Un phénomène que l’on peut désigner, à l’instar de l’écrivain Renaud Camus, comme « la seconde carrière d’Adolf Hitler»[2]. Cette « fascination du nazisme » (Peter Reichel) opère ainsi « un retour en creux, un retour comme figure inversée, comme contre-épreuve, comme pôle par excellence du négatif et donc comme obsession ». L’histoire est ancienne (les faux carnets du Führer publiés par l’hebdomadaire allemand Stern en 1983) mais elle a pris ces dernières années un tour inflationniste et absolument obsessionnel.
Bref, Hitler et ses sbires sont devenus une mode, une mode à laquelle s’adonnent les écrivaillons parisiens (l’insipide Eric-Emmanuel Schmitt explose les ventes avec La Part de l’autre, l’histrion Nicolas d’Etienne d’Orves nous inflige Les Orphelins du Mal, Patrick Besson de son côté s’essaie à l’exercice avec son Lui). Le best seller de Jonathan Littell, Les Bienveillantes, remarquable par son indigence documentaire, nous ressert les macérations brunâtres d’un bourreau des camps de la mort tandis que Norman Mailer commet une dernière œuvre[3], (« un livre-évènement » selon la presse) sur… la jeunesse d’Adolf Hitler. Un ouvrage à propos duquel Le Monde 2 dans son édition du 4 août 2007 nous gratifie d’une couverture avec un Führer en babygros. Une annonce qui sera d’ailleurs relayée quelques mois plus tard par Le Point (Hitler, l’enfance d’un monstre) et l’Express (qui profitant de l’effet d’opportunité, vend en supplément et sous cellophane un DVD sur Eva Braun…).
Si les journalistes de la pensée unique se régalent (avec la palme pour Le Nouvel Observateur, journal fétiche de la gauche bobo, qui a toujours un numéro spécial SS dans le frigo pour gonfler ses ventes), les mensuels donnent aussi à plein dans le genre : le magazine l’Histoire a ainsi consacré pas moins de six dossiers à la question (et ce à grand renfort de titres fracassants)[4], les revues spécialisées dans le militaria et la seconde guerre mondiale n’en finissent plus de présenter des dossiers sur « Hitler, chef de guerre ». Les adeptes de l’occultisme enfin peuvent se pourlécher à la lecture des « dossiers secrets du IIIe Reich » (sic) qui nous entretiennent des expéditions de l’Ahnenerbe au Tibet ou de la quête menée par les affidés de Himmler afin de retrouver les empreintes d’une race hyperboréenne venue d’une autre galaxie…
Les historiens se sont, à leur tour, saisis du filon. Rien n’échappe à leur attention. On en vient même à évoquer la vie mondaine sous le nazisme[5] (A quand un livre sur la vie sexuelle du Führer avec SA en porte-jarretelles sur la couverture ?). Tous les dignitaires nazis et leur entourage ont droit à une biographie[6]. Le journal de Goebbels récemment réédité (trois tomes parus depuis 2005) remporte un large succès. Les SS fournissent quant à eux la matière d’innombrables et de sempiternelles études[7].
Le petit écran n’est pas en reste. Les téléfilms qui ont pour contexte la seconde guerre mondiale (avec comme produit d’appel un officier vicelard et éructant portant deux runes zébrées sur les pattes de col) ne se comptent plus. La chaîne arte programme quant à elle une fois sur deux des documentaires sur des sujets liés au IIIe Reich. Un DVD au sous-titre racoleur (« Dans l’intimité d’Hitler ») est consacré à la vie d’Eva Braun. Décalque documentaire d’une biographie[8], il est produit par la chaîne qui diffuse « l’île de la tentation » et la Star Academy…
Le 7e art n’est pas non plus épargné : Nicolas Klotz, un réalisateur autoproclamé en mal d’inspiration, « de gauche », fait dans son film, la Question humaine (sorti en septembre 2007), le « subtil » parallèle entre le monde des multinationales et l’idéologie nazie…
Une telle « actualité » donne des ailes aux falsificateurs de l’histoire. A l’extrême-gauche, les trotskistes sont tellement hypnotisés par le complot « nazi-fasciste » qu’ils finissent par en faire l’objet exclusif de leurs « études » selon le mode fascination-répulsion. L’archéo-stalinien Alfred Wahl relit l’histoire de l’Allemagne post-1945 au prisme de son obsession brunâtre et bâtit la thèse surréaliste selon laquelle la RFA aurait bénéficié de l’armature politique, militaire et économique du IIIe Reich et ne serait donc qu’un succédané de ce régime[9].
De même, son acolyte Daniel Lindenberg, dans son fol espoir d’exonérer le communisme de son caractère intrinsèquement criminel, livre en préface d’un ouvrage sur L'archéologie nazie en Europe de l'Ouest[10] un texte édifiant par sa malhonnêteté intellectuelle. A la droite de la droite, les hystériques du complot juif (façon Réfléchir & Agir) n’en finissent plus de remâcher de vieilles haines alimentées par des lectures compulsives d’ouvrages d’uniformologie NS et d’occultisme de pacotille.
Tout ce petit monde qui fonctionne en vase clos sert remarquablement les intérêts du système médiatique et marchand qui poursuit inlassablement sa course folle et destructrice. Ces idiots utiles du mondialisme confèrent ainsi à « la bête immonde » une actualité artificielle et perpétuellement entretenue et offrent de la sorte un épouvantail inespéré aux tenants du système qui permet d’accréditer l’idée que si l’existence devient de plus en plus invivable et irrespirable dans les sociétés néolibérales, cela vaut toujours mieux que « le nazisme ». Ce gigantesque leurre, cette prodigieuse mystification et son instrumentalisation rituelle a une conséquence plus grave encore pour nous, Européens soucieux de l’identité de nos peuples et qui n’avons que faire des références brunâtres agitées par les onanistes de la pensée creuse.
Car la reductio ad Hitlerum (Leo Strauss) agit comme un mythe incapacitant systématiquement opposé à notre quête identitaire. Comme l’écrit Renaud Camus, « la deuxième carrière d’Adolf Hitler, s’exerçant selon un retournement terme à terme et purement mécanique des perspectives, a consisté à convaincre le monde, mais surtout l’Occident et d’abord l’Europe – qui pour son malheur avait pu suivre de beaucoup plus près que les autres continents la première équipée criminelle de ce revenant diabolique – que les distinctions ethniques et les dimensions héréditaires des civilisations ne comptaient pas, que les origines n’étaient rien, que les appartenances natives n’avaient aucune importance et que même si, par malheur, ces choses-là avaient une existence réelle et une influence effective sur les affaires des hommes et celles des États, il fallait faire comme s’il n’en était rien, les ignorer en fait et en discours, leur dénier toute pertinence, interdire qu’il y soit fait référence. (…) C’est ce mode de pensée et d’expression qui, seul aux commandes depuis qu’Hitler a commencé sa seconde carrière souterraine et renversée, oxymorique et ravageuse, a forgé le monde où nous vivons, l’Europe que nous essayons de construire et qu’il empêche, le pays que nous avions cru nôtre et dont il nous expliqua qu’il était à qui veut, c’est-à-dire à personne ».
On constate ainsi les effets dévastateurs de l’omniprésence d’« Hitler » dans le discours contemporain. Obsession incapacitante, fantasme stérile, confiserie pour mongoliens, cette imprégnation délétère doit plus que jamais nous ramener aux sources authentiques de notre identité, aux racines profondes et anciennes, afin de nous libérer d’un étouffoir dialectique et de reconquérir nos libertés et nos droits sur la terre européenne qui nous appartient et dont nous sommes les fils, de toute éternité.
[1] Cf. Le magazine littéraire, « Le nazisme, 60 ans de romans », septembre 2007.
[2] Le communisme du XXIe siècle, Paris, Xenia Editions, 2007.
[3] Il s’agit d’une biographie romancée du dictateur (Un château en forêt, Paris, Plon, 2007) qui propose une thèse simpliste sur le caractère diabolique du personnage et ignore tout des meilleurs travaux des historiens anglais (Ian Kershaw) et allemands (Joachim Fest).
[4] L’Histoire : Le triomphe des nazis (février 1998) ; Hitler – Portrait d’un monstre (n°297, mars 1999), Les derniers jours d’Hitler (n°297, avril 2005) ; Les bourreaux nazis (n°320, mai 2007).
[5] Fabrice d’Almeida, La vie mondaine sous le nazisme, Paris, Perrin, 2005.
[6] Que ce soit Magda Goebbels (Tallandier, 2006), l’épouse du nain boiteux ; l’archange du mal Reinhard Heydrich (Tallandier, 2007) ou le garde du corps d’Hitler, Rochas Misch (Le Cherche-Midi, 2006).
[7] Guido Knopp, Les SS, un avertissement de l'histoire, Paris, Presses de la Cité, 2006 et Jean Luc Leleu, La Waffen SS - soldats politiques en guerre, Paris, Perrin, 2007.
[8] Daniel Costelle, Eva Braun : Dans l’intimité d’Hitler, Paris, l’Archipel, 2007.
[9] Alfred Wahl, La seconde histoire du nazisme dans l’Allemagne fédérale depuis 1945, Paris, Armand Colin, 2006.
[10] L'archéologie nationale-socialiste dans les pays occupés à l'Ouest du Reich : actes de la Table ronde internationale Blut und Boden, tenue à Lyon (Rhône) dans le cadre du Xe Congrès de la European association of archaeologists, sous la direction de Jean-Pierre Legendre, Laurent Olivier et Bernadette Schnitzler, Gollion / Paris, infolio, 2007.
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vendredi, 05 février 2010
Survival
Survival
par Pierre-Emile Blairon
Ex: http://www.hyperboreemagazine.fr/
Mad Max, New-York 1997, Apocalypse 2024… Les cinéastes américains s’en sont donnés à cœur joie – et ont réussi de très bons films - pour nous raconter comment les rescapés de la troisième guerre mondiale, ou de quelque cataclysme, essaient de survivre sur une terre ravagée, polluée, infestée de bandes de zombies prêts à tuer pour un litre d’essence. Travelling arrière : oui, revenir nu face au monde dur et pur et le refaire. S’affronter à la nature vierge. Sur quelles bases ? mais celles qu’avaient, à l’observation de la nature, mises en places nos ancêtres indo-européens et qu’avaient fort bien redécouvertes Georges Dumézil. De quoi avons-nous besoin pour refaire un monde ? Du ciel, de ses bienfaits, le soleil et l’eau, de la terre, qu’il faut ensemencer, d’armes, pour défendre sa communauté et protéger son territoire, d’outils, pour nourrir, habiller, loger ses frères…
Le ciel, c’est le domaine du druide, il doit faire descendre le ciel sur terre. Il est aidé par les bardes et autres artistes qui ont à charge le contraire, à savoir faire monter la terre au ciel.
La terre, il incombe au roi d’en fixer les limites et de donner les directives pour la défendre et la gérer.
La défendre ? la fonction guerrière.
La gérer ? la fonction productive.
Le ciel, c’est la fonction sacerdotale, la terre, c’est la fonction royale, les armes, c’est la fonction guerrière, les outils, c’est la fonction de production.
Chronologiquement, que faut-il faire ? Le plus important, le plus difficile, le plus long qui doit se faire longtemps en amont : mettre en place le cadre spirituel dans lequel vont pouvoir se rattacher toutes les autres fonctions. C’est par là qu’il faut commencer. C’est la fonction la plus ingrate parce que quasiment personne, en fin de cycle inévitablement matérialiste, ne sait pourquoi de curieux individus s’attachent à débattre de sujets, à tenter de récupérer telle ou telle bribe de savoir ancien, qui n’intéressent personne… Choisir ensuite et sacraliser le lieu d’implantation de la communauté. C’est le roi qui doit effectuer cette tâche avec le druide. Protéger le lieu choisi sur des bases d’ordre spirituel, symbolique, mais aussi, plus concrètement, en ayant à cœur de bien identifier les moyens de survie qu’offre la terre et son environnement. C’est le rôle des guerriers et des producteurs.
Le journal Le Monde, daté du 26 février 2009, joue à son Mad Max en relatant l’étude d’un « groupe de réflexion européen », LEAP/Europe 2020, qui tire sa légitimité d’une étude précédente qui avait prédit, début 2006, « avec une exactitude troublante, le déclenchement et l’enchaînement de la crise. Il y a trois ans, l’association décrivait ainsi la venue d’une « crise systémique mondiale », initiée par une infection financière globale liée au surendettement américain, suivie de l’effondrement boursier… » Cette fois-ci, mais toujours en prévision pour 2009, « il est question que la crise entre, au quatrième trimestre 2009, dans une phase de dislocation géopolitique mondiale. Les experts prévoient un sauve-qui-peut généralisé dans les pays frappés par la crise. Cette débandade se conclurait ensuite par des logiques d’affrontements, autrement dit par des semi-guerres civiles. Si votre pays ou région est une zone où circulent massivement des armes à feu (parmi les grands pays, seuls les États-Unis sont dans ce cas), indique le LEAP, alors le meilleur moyen de faire face à la dislocation est de quitter votre région, si cela est possible ». Ces prévisions ne nous étonnent évidemment pas ; elles sont dans le cours des choses ; Franck Biancheri, le président de l’association, apporte cependant un bémol, auquel nous n’adhérons pas : « Les experts du LEAP décèlent d’ailleurs déjà des fuites de populations des États-Unis vers l’Europe où la dangerosité physique directe reste marginale, selon eux ». Oui, selon eux. Car chacun peut constater qu’elle est déjà omniprésente en France. Et si les citoyens ont été consciencieusement et systématiquement désarmés par les instances gouvernementales, chacun sait que des stocks d’armes sont amassés dans certains quartiers inaccessibles aux forces de police. Nous verrons… bientôt car, sans vouloir imiter Cassandre, nous pouvons quand même faire remarquer que, cette fois, nous aurons une réponse plus rapide que le fameux butoir maya de 2012.
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mardi, 26 janvier 2010
Opinie: "De moderne mens is lui, verwend en ingeslapen"
Opinie: “De moderne mens is lui, verwend en ingeslapen”
Wanneer ik nog eens het internet afspeurde op zoek naar teksten e.d. van ideologische tegenstanders (ook die moet men immers lezen), viel mijn oog op de volgende tekst. Het is de geschreven versie van een toespraak die door de voorzitter van de noord-Nederlandse JOVD is gegeven naar aanleiding van het nieuwe jaar: http://www.jovd.nl/news/387/15/Nieuwjaarstoespraak-Landelijk-Voorzitter-Martijn-Jonk/. De titel hiervan is “De moderne student is lui, verwend en ingeslapen.“ Na het lezen hiervan had ik, uiteraard want wat had u anders verwacht, enige bedenkingen hierbij die ik hier even neertyp. Voor het gemak heb ik enkele citaten uit de toespraak gehaald die ik individueel zal becommentariëren:
“Wij verkeren in een positie waar wij verworven vrijheden te snel voor lief nemen. Vrijheid maakt lui. Voor ons zijn vrije en eerlijke verkiezingen haast zo vanzelfsprekend als de ochtend na de nacht.
Gelukkig hoeven wij in Nederland niet meer te strijden voor deze basale vrijheden. Hier kiezen wij onze leiders, en hopelijk -ja, hopelijk- kiezen wij dit jaar nog voor nieuwe.“
Democratie beschouw ik als een keuze tussen verschillende visies op de maatschappij. Zo ken men in vroegere tijden, als is het nog niet eens zolang geleden, nog kiezen tussen radicaal verschillende visies op de maatschappij. Men had royalisten, regionalisten, communisten, socialisten, liberalen, liberaal-democraten, katholieken, etc… En al ben ik niet rouwig om het feit dat politieke milities geen vuurgevechten meer houden in de straten, de democratie heeft ook een deel van haar eigenheid verloren in de teloorgang van de ideologieën.
Vandaag de dag kan men niet stellen dat de vrijheid van verkiezingen echt geldt aangezien men een sociale moord pleegt op een deel van de politieke meningen. En dan heb ik het niet over de verachting van mensen voor een partij van pedofielen, dat is immers geen ideologie, maar een perversie, maar over het uitsluiten over bijna gans Europa van radicaal-rechtse nationalisten. Zeker wanneer die partijen een andere richting voorstellen dan het bestaande vormen zij een gevaar, net omdat zij een deel uitmaken van de eigenheid van de democratie: een bestaand systeem en een alternatief daarvoor. Nu kiest men enkel voor een bepaalde fractie binnenin de liberale parlementaire burgerlijke staat. En dat beschouw ik niet als een democratische verwezenlijking, maar een verarming voor de democratie.
“Daarom moet mij als kersvers landelijk voorzitter van het hart dat de moderne student lui, verwend en ingeslapen is. Niet om het bepalen van studieresultaten, het nastreven van toekomstambities of het respecteren van de rechtstaat, maar wel als het gaat om liberale principes. De wereld van de snelle successen, de Wall Street mentaliteit waar snelle winsten en korte termijn visie prevaleren boven een lange termijnvisie, hebben immateriële kernwaarden op de achtergrond gedrukt.“
Het liberale principe stoelt zich, maar verbeter mij gerust als ik fout ben, op de vrijheid van het individu om te kiezen aan welke gemeenschap(pen) hij zich verbindt op vrijwillige basis, maar ook op het recht om nergens voor te streven. Een gevolg van het liberalisme is ook de huidige maatschappij waar materiële, hieronder meer over dit onderwerp, en financiële verwezenlijkingen als het hoogste worden geacht. De Wall Street mentaliteit met snelle winsten en korte termijn visie is trouwens ook een liberaal verschijnsel vanwege de maatschappelijke gevolgen van deze ideologie. Als de mensen enkel hun eigen belang moeten nastreven, is het in hun belang om zoveel mogelijk winst te maken. Elk systeem in de menselijke geschiedenis en van menselijke oorsprong is immers onderhevig aan een herhalende en wederkerende cyclus van opbouw, toppunt en verval. Het is dan ook vanuit deze ideologie bekeken logisch dat men in de eerste twee fases zoveel mogelijk materieel en financieel kapitaal verzamelt om de derde fase te overleven. Nadat men ze ironisch genoeg zelf in gang heeft gezet.
Immateriële waarden zijn trouwens enkel massaal aanwezig in maatschappijen die niet de overvloed hebben die wij vandaag de dag kennen. Of in wereldvisies waar de kern net ligt in een hoger iets zoals een volk of een traditie. Traditionalisten en volksnationalisten zijn bv. vanuit hun kern anti-liberaal (en evenzeer anti-marxistisch). Iedereen die het tegenovergestelde beweert, beseft de gevolgen van zijn ideologie niet of verwart volksnationalisme met anarcho-nationalisme en het naïeve geloof in autonome gemeenschappen.
“We zullen altijd voor blijven liggen op deze twee landen met betrekking tot menserechten, liberale vrijheden zoals de waarde van het individu.“
De liberale vrijheid van het individu is meestal de misdaad van de ontworteling. Het liberale individualisme trekt de mens los uit zijn gemeenschap en uit de ketting van de culturele traditie die de mens met het verleden en de toekomst verbindt. Ook het modernistische concept van dé vrijheid is een onnodige veralgemening aangezien ze niet bestaat. Elk individu heeft zijn eigen vrijheid nodig, waarbij de ene al meer nood (bewust en onbewust) zal hebben aan een identiteitsbeleving in het collectief/de gemeenschap. Het is dan ook eerder nodig om in plaats van dé vrijheid te strijden voor de vrijheden.
“Maar het draait niet alleen om geld, banen en economie. Wij moeten blijven waken voor liberale waarden in Nederland.[...] Daarnaast zullen we vroeg of laat moeten accepteren dat een open en vrije samenleving risico’s met zich meebrengt. Leven is niet zonder risico, en er bestaat niet zoiets als absolute veiligheid. Politici die dit beweren, liegen. Voor liberalen is deze keuze eenvoudig: wij nemen het risico om vrij te zijn.“
Liberale waarden houden in dat men een sociale mobiliteit bereikt wordt door een economische vrijheid. Door die twee aan elkaar te koppelen, en het eerste te laten afhangen van het tweede, wordt de mens ontdaan van hogere idealen en bezigheden. Zo zijn filosofen niet meer nuttig omdat zij geen economische meerwaarde brengen aan de mens en verwordt de natuur tot niets meer dan een productiefactor. Het leven mag dan wel niet zonder risico’s zijn, dit mag op geen enkel moment een vergoeilijking zijn van de enorme sociale wantoestanden die de eerste industriële revolutie met zich meebracht. Enkel door staatsinterventie zijn die problemen opgelost, niet omdat de bedrijfseigenaars vanuit één of andere liberale visie opeens besloten dat het hen beter uitkwam om hun arbeiders te behandelen als mensen.
Vrijheid heeft zijn risico’s en ik geloof niet in de politiestaat. Noch geloof ik dat dingen als een luchthaven volledig te beveiligen zijn. Maar het stellen dat men het risico neemt om vrij te zijn, heeft op meer toepassing dan de (vaak overdreven) veiligheidsmaatregelen op luchthavens.
“Naast Iran zijn er meer plaatsen in de wereld waar vrijheid en bescherming nog alles behalve realiteit zijn. Bijvoorbeeld in Afghanistan. Nederlandse soldaten werken mee aan een zwaar en moeilijk proces. Voor de veiligheid van ons en de Afghanen hebben 21 Nederlandse soldaten hun leven gegeven, en de missie is een aanslag op Nederlands militair materieel. Toch pleit de JOVD voor verlenging.[...] Wij vechten tegen een maatschappij waarin Islamitische fundamentalisten je stenigen als je het gebed mist. Afghanistan is dat cruciale slagveld tegen die militante en fundamentalistische islam.“
Iran is waarschijnlijk één van de meest democratische landen in het Nabije Oosten en de islamitische wereld. Kan men zich inbeelden dat dergelijk straatprotest zou plaatsvinden in Jordanië of Egypte of Saudie-Arabië? Afghanistan wordt dan weer gekenmerkt door een opeenstapeling van cultureel wanbegrip van de kant van de NAVO toe. Een recent voorbeeld is het Amerikaanse idee om 100% vrouwelijke gevechtseenheden te laten patrouilleren. In een maatschappij van mannen en vaak volgens tribale of clanlijnen moet dit toch wel het meest idiote idee zijn dat ze daar in de laatste jaren hebben gehad. Wanneer een stamhoofd en/of -oudste wordt afgeblafd door een vrouwelijke soldaat, dan leg je de kiemen voor een nog grotere terugkeer van de Taliban.
Natuurlijk is het een goed recht om in Afghanistan te gaan pleiten voor de emancipatie van de vrouw, maar als men het op deze manier wilt doen, vergeet men ook de eigen geschiedenis. Hier is de vrouwenemancipatie ook niet van dag één op dag twee gebeurd. Laten we bv. de rol van WOII met de vrouwen in de fabrieken niet vergeten toen bleek dat vrouwen dezelfde arbeid als mannen aankonden. Het is enkel door het verwerven van een economische macht dat men een maatschappelijk en politiek gevolg duurzaam tot stand kan doen komen. Afghanistan is trouwens ook niet het ene cruciale slagveld tegen de militante islam. Het heeft een grote symboolwaarde, dat is waar. Maar de strijd wordt ook in Yemen gevoerd, in Somalië en het noorden van centraal-Afrika. En uiteraard ook in de moslimgemeenschappen van Europa waar nu terroristen “van eigen grond” uit voortkomen.
Tot zover mijn korte bedenkingen bij deze tekst. Uiteraard heb ik een vriendelijk e-postbericht gestuurd naar de voorzitter van de JOVD om hem op de hoogte te brengen van deze tekst. Hoogstens kan er een beschaafde en interessante discussie uit voortvloeien.
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mercredi, 20 janvier 2010
In necessariis diversitas
In necessariis diversitas

Wat is de waarde van het argument en het tegenargument ?
Wel, op de eerste plaats zijn er zaken waarvoor noch het ene argument noch het andere erg relevant zijn. Als het gaat over bevoegdheidsverdeling, gaat het over zaken waarin verschillen beslecht moeten worden door een regel of een beleidsbeslissing. Zaken als vriendschappen horen daar gelukkig nog niet onder. Wanneer zaken aan de markt of de samenleving kunnen worden overgelaten, zou men dit ook kunnen betogen. Evenwel is de vraag of dat moet gebeuren natuurlijk al een politieke keuze, waarover men van mening kan verschillen. Kortom, het gaat natuurlijk over de vraag op welk niveau het best bepaalde politieke keuzes worden gemaakt. En over de vraag of het iets uitmaakt dat die meningsverschillen zich niet alleen voordoen tussen de meerderheid van de ene en de andere Gemeenschap of lidstaat, maar ook binnen die gemeenschap of lidstaat.
In wezen dezelfde vraag rijst in bijna elke discussie over zgn. mensenrechten (1).
Mensenrechten pretenderen universeel te zijn, maar over de invulling ervan zijn er zeer verschillende opvattingen; die invulling houdt dus ook een politieke keuze in, en opnieuw rijst de vraag of die keuze dan moet gemaakt worden op meer bepaald europees niveau (met daarbij ook de Raad van Europa en het Europees Hof voor de Rechten van de Mens) of moet worden overgelaten aan de lidstaten of hun deelstaten of kantons, of nog lokalere niveaus. Moet de betekenis van een kruisbeeld in de klas overal op dezelfde manier ingeschat worden en de regel dus overal dezelfde zijn ? Moeten het "recht op" huwelijk en echtscheiding of het "recht op" abortus of euthanasie overal in Europa hetzelfde zijn omdat het over mensenrechten zou gaan ? Moet de regel over het dragen van hoofddoekjes op school in heel Europa dezelfde zijn omdat het over mensenrechten zou gaan, is dat een zaak van elke staat of deelstaat, of zelfs van elke school apart ? Aanhangers van het democratisch centralisme zoals de Belgische grootinquisiteur vinden natuurlijk het eerste (2). In zulke materies in diversiteit blijkbaar opeens geen waarde meer.
Welnu, er zijn zeer goede redenen om precies in die zaken waarin er fundamenteel verschillende opvattingen bestaan, de beslissing aan het lagere niveau over te laten, zelfs wanneer men ook op dat niveau sterk verdeeld is. Dat laatste is met andere woorden geen goed argument. Hoe meer zo'n vragen gecentraliseerd worden, hoe scherper de tegenstellingen worden, hoe meer ideologische groepen tegen elkaar worden opgezet, hoe absolutistischer de kampen gaan denken.
Wat het voorbeeld abortus betreft, werd dit zeer scherpzinnig opgemerkt in een afwijkende opinie van de Amerikaanse opperrechter Scalia (in de zaak Planned Parenthood (3)): abortus is in Amerika een nationaal probleem geworden dat de Amerikaanse samenleving dieper verdeelt dan ooit tevoren, precies omdat de opperrechters ooit beslist hebben dat dezelfde regel moest gelden in heel de VS (nl. recht op abortus tijdens de eerste 3 maanden van de zwangerschap). Voordien bleven deze conflicten lokale conflicten.
Toepassing van het subsidiariteitsbeginsel - dus de zaak overlaten aan het lagere niveau - heeft precies in materies die in wezen gecontesteerd zijn ("essentially contested") (4) omzeggens enkel voordelen. Op de eerste plaats zijn er meer mensen tevreden met de geldende regel: in elke (deel)staat zal wellicht de regel gelden waarvoor men aldaar een meerderheid vindt, en die zal juist verschillen. Wie daar echt niet mee kan leven, kan overigens over de grens trekken, wat niet leuk is, maar nog veel minder leuk is wanneer een opvatting niet slechts in sommige landen, maar in heel Europa wordt opgelegd. Bij schoolreglementen die verschillen kan men naar een andere school trekken. En inwoners van Vlaanderen die echt niet zouden kunnen leven met hervormingen die de Vlaamse meerderheid zou beslissen na een defederalisering en toch zo'n schrik hebben van Vlaams cryptofascisme kunnen Tony Mary volgen naar Frankrijk - het fiscaal stelsel zal daar sowieso vaak gunstiger zijn.
Het in verschillende streken naast elkaar bestaan van uiteenlopende regels leert vele zaken ook wat relativeren en vermijdt dus de totalitaire mentaliteit die dreigt wanneer er maar één politiek correcte oplossing (want opgelegd door de mensenrechten") geldt. En ze maakt het mogelijk te leren van de ervaringen van de buren met andere regels.
Een goed voorbeeld van een domein om dit op toe te passen is justitie: zijn de verschillen in de "Vlaamse" en "Waalse" opvatting van justitie geen verschillen waarover ook de betrokkenen in Vlaanderen zelf en Wallonië zelf niet grondig verdeeld zijn ? Inderdaad, maar dat is dus veeleer een reden voor opsplitsing dan ertegen.
(verkort in Doorbraak januari 2010 als "Diversiteit of centralisme?")
(1) Zie hierover mijn "Tegendraadse bedenkingen betreffende de invulling van de mensenrechten", lezing UA-reeks 60 jaar UVRM, in Steven Dewulf & Didier Pacquée (red.), 60 jaar Universele Verklaring van de Rechten van de Mens 1948-2008, Intersentia Antwerpen 2008, p. 53-59; ook gepubliceerd in september 2008 op onder meer http://vlaamseconservatieven.blogspot.com/2008/09/tegendraadse-bedenkingen-betreffende-de.html
(2) Zie Jozef de Witte in De Morgen van 26 juni 2009: "Laat scholen niet zelf beslissen over hoofddoek"
(3) In zijn dissenting opinion reageert hij als volgt op de idee dat de beslissing om abortusbeperkingen in alle staten van de VS ongrondwettig te verklaren in de zaak Roe v. Wade pacificerend werkte:
"The Court's description of the place of Roe in the social history of the United States is unrecognizable. Not only did Roe not, as the Court suggests, resolve the deeply divisive issue of abortion; it did more than anything else to nourish it, by elevating it to the national level, where it is infinitely more difficult to resolve. National politics were not plagued by abortion protests, national abortion lobbying, or abortion marches on Congress before Roe v. Wade was decided. Profound disagreement existed among our citizens over the issue - as it does over other issues, such as the death penalty - but that disagreement was being worked out at the state level. As with many other issues, the division of sentiment within each State was not as closely balanced as it was among the population of the Nation as a whole, meaning not only that more people would be satisfied with the results of state-by-state resolution, but also that those results would be more stable. Pre-Roe, moreover, political compromise was possible.
Roe's mandate for abortion on demand destroyed the compromises of the past, rendered compromise impossible for the future, and required the entire issue to be resolved uniformly, at the national level"
(uit "U.S. Supreme Court, PLANNED PARENTHOOD OF SOUTHEASTERN PA. v. CASEY, 505 U.S. 833 (1992), http://caselaw.lp.findlaw.com/scripts/getcase.pl?court=US&vol=505&invol=833)
(4) Het begrip "essentially contested concept" werd ontwikkeld door de amerikaanse filosoof Walter B. Gallie, met name in een lezing uit 1956. Zie http://en.wikipedia.org/wiki/Essentially_contested_concept
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mardi, 19 janvier 2010
J. Parvulesco: les missions européennes et grandes-continentales de la Russie
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994
Les missions européennes et grandes-continentales de la Russie
Jean PARVULESCO
Karl Haushofer
Subha Chandra Bose
in memoriam
L'axe franco-allemand est une
Révolution Mondiale
Dans les milieux géopolitiques du gaullisme, j'entends à l'intérieur de ses fort confidentiels groupes géopolitiques, dont l'action, quoi qu'on en dise, continue dans l'ombre, on est plus que jamais convaincu de la nécessité vitale, ontologique, d'une grande politique continentale franco-allemande.
Car, tout en se tenant très en retrait par rapport aux engagements que le mouvement gaulliste officiel a contracté, actuellement, en France, à travers l'expérience gouvernementale poursuivie par Edouard Balladur et Charles Pasqua, les groupes géopolitiques n'en surveillent pas moins attentivement l'évolution de plus en plus inquiètante de la situation politique générale en Europe.
Or, pour le gaullisme de la fin, pour le gaullisme en voie d'accomplissement final, qui seul est nôtre, plus la politique européenne se trouve en difficulté, par rapport à elle-même aussi bien que sur ses fronts d'affirmation extérieure, planétaire, plus il faut que le rapprochement franco-allemand s'intensifie, et qu'à la limite il finisse même par se résoudre en une intégration fédérale décisive, allant jusqu'à l'identification totale. Une identification finale destinée à changer, comme par réverbération sismique, de l'intérieur et irréversiblement, l'ensemble de la situation politique continentale.
Le gaullisme, le plus grand gaullisme, a été, est, quoi qu'on en dise et fasse de contraire, et va devoir se poser visionnairement jusqu'à la fin, comme un concept géopolitique axé sur l'intégration de l'ensemble du continent eurasiatique à partir du noyau révolutionnaire central franco-allemand. Pour le Général de Gaulle, la mise en chantier immédiate d'une communauté de destin franco-allemande était, à la fois en termes de devenir et en termes d'achèvement final, une Révolution Mondiale. Cette conscience unitaire fondationnelle, cette intelligence gaulliste supérieure, agonique, du problème franco-allemand trouve ses origines dans les années tragiques, embrasées et chaotiques de la fin de la dernière guerre civile européenne, dans l'hiver fatidique de 1944.
Rappelons donc que, dans ses Mémoires, le Général de Gaulle cite, sans aucun commentaire mais exhaustivement la lettre personnelle qui lui était parvenue, en 1945, par des voies spéciales, de la part de Heinrich Himmler, alors que celui-ci était déjà en train d'être happé par les ténèbres. Lettre dans laquelle Heinrich Himmler adressait un appel prophétique à la constitution d'une future communauté franco-allemande de destin, dont il invitait fortement le Général de Gaulle à en prendre la responsabilité politique immédiate et active. «En vérité le seul chemin qui puisse mener votre peuple à la grandeur et à l'indépendance, c'est celui de l'entente avec l'Allemagne vaincue. Proclamez-le tout de suite! Entrez en rapport, sans délai, avec les hommes qui, dans le Reich, disposent encore d'un pouvoir de fait et veulent conduire leur pays dans une direction nouvelle. Ils y sont prêts. Si vous dominez l'esprit de la vengeance, si vous saisissez l'occasion que l'histoire vous offre aujourd'hui, vous serez le plus grand homme de tous les temps», se permettait encore d'écrire Heinrich Himmler.
Or, dès 1945, le tout premier souci, le souci fondamental du Général de Gaulle avait été celui de distinguer, et ensuite de mobiliser, au sein de l'Allemagne dévastée, politiquement et socialement anéantie, les ressources de vie non encore entamées, la “part ultime”, mystérieusement préservée envers et contre tout, afin qu'un autre commencement de l'histoire puisse y trouver ses assises, l'ouverture immédiate de l'ensemble de ses développements à venir, une ouverture-là, d'ailleurs comme prévue d'avance. Ce que le Général de Gaulle allait alors demander —déjà— à l'Allemagne, c'était, disait-il, de rebâtir, avec la France, «notre Europe et notre Occident».
En parlant de ce dramatique tournant de la nouvelle histoire européenne naissante —renaissante de ses propres cendres— le Général de Gaulle notait, alors, dans ses Mémoires: «Fribourg, en Forêt Noire, groupe pour recevoir de Gaulle tout ce qui est représentatif des régions occupées par nous sur la rive droite du Rhin. Le 4 octobre, le Dr Wohleb me présente les personnalités de Bade. Le 5 dans la matinée, M. Carlo Schmitt introduit celles du Wurtemberg. L'archevêque de Fribourg, Mgr Groeber, ainsi que Mgr Fisher du diocèse de Rotthausen, sont parmi les visiteurs. Puis, ces hommes de qualité, frémissants de bonne volonté, se réunissent afin de m'entendre évoquer «les liens qui, jadis, rapprochaient les Français et les Allemands du Sud et qui doivent, maintenant, réapparaître, pour servir à bâtir notre Europe et notre Occident».
Au sujet aussi de cette volonté visionnaire du Général de Gaulle, soucieux de recommencer, à peine la guerre finie, l'histoire occidentale interrompue, de bâtir, en avant, la plus grande histoire européenne à venir en la fondant sur l'axe ontologique franco-allemand, Dominique de Roux écrivait, lui, dans son livre révolutionnaire sur le Général de Gaulle, ces lignes qui resteront, définitivement: «C'est dans ce sens-là qu'il faudrait assurément comprendre l'affirmation du Général de Gaulle, parlant du rapprochement franco-allemand, quand il disait en juin 1963, dans les Charentes, qu'après d'immenses malheurs, ayant conclu entre elles la paix et s'étant unies pour un destin commun, l'Allemagne et la France ont accompli, ensemble, une Révolution Mondiale».
Heureux les Pacifiques
Cependant, il n'en reste pas moins évident que l'Axe Franco-Allemand ne saura avoir aucune réalité politique et historique directe et active s'il n'était pas soutenu par son dédoublement géopolitique à l'Est, par ce que, en 1994, le ministre des Affaires Etrangères de Moscou, Andreï Kozyrev, n'hésite pas à appeler, lui, l'Axe Germano-Russe.
On voit comment le destin suprahistorique de la communauté politique grand-continentale eurasiatique des années à venir s'identifie révolutionnairement avec le destin politique actuel de l'axe grand-européen Paris-Berlin-Moscou, raison d'être déjà en action, fondement de la plus Grande Europe dans laquelle notre génération est appelée à rencontrer son destin et l'épreuve décisive de celui-ci, son épreuve suprême. Car, à présent, «tout rentre à nouveau dans la zone de l'attention suprême».
Ainsi devient-il plus qu'urgent, ainsi devient-il vital que l'on se souvienne, aujourd'hui, du fait que la thèse grand-continentale de l'axe Paris-Berlin-Moscou à l'heure présente, répétons-le, thèse contre-stratégique fondamentale des groupes géopolitiques agissant à l'intérieur de la mouvance gaulliste en place —apparaît comme étant d'une origine bien plus lointaine que celle des premières tentatives de la projeter, de la faire s'incarner directement dans le cours de la grande histoire qu'avait entreprises, d'une manière plus ou moins souterraine, dans les années 1960, le Général de Gaulle alors au pouvoir à Paris en tant que Président de la République, et qui n'avaient à ce moment-là échoué que du seul fait de la très suspecte —de la plus que suspecte— incompréhension du gouvernement de Bonn.
La thèse de l'axe grand-continental Paris-Berlin-Moscou n'était en effet pas, à l'origine, comme on serait tenté de le croire aujourd'hui, de gènèse exclusivement gaulliste, mais provenait de certains aménagements idéologico-doctrinaux français apportés, pendant les dernières années de la guerre, à Paris, au corps des positions géopolitiques de pointe soutenues, armées doctrinalement, par la vision du Kontinentalblock de Karl Haushofer, du Bloc Continental. Il s'agissait alors des travaux d'aménagement doctrinal ayant pris naissance au sein de certains groupements secrets d'influence et de pénétration qui agissaient, à Paris, sous la responsabilité de Georges Soulès —mieux connu, plus tard, sous l'identité du romancier Raymond Abellio— à l'intérieur, et depuis l'intérieur des hautes sphères dirigeantes du Mouvement Social Révolutionnaire (MSR), tout en se tenant en étroite relation —non sans le soutien, dans l'ombre, de certains services politiques supérieurs allemands— avec une certaine fraction de la résistance politico-militaire gaulliste sous les ordres, dans la clandestinité, du futur Général de Bénouville.
Dans son premier roman, Heureux les Pacifiques, paru à Paris en 1950, Raymond Abellio soulève un coin du voile en faisant parler un de ses personnages —un de ses doubles— du fait, jusqu'alors tenu pour secret, qu'il y eût «des socialistes partout», des socialistes nationaux-révolutionnaires, dans tous les camps en confrontation dans ces années-là, et jusqu'au paroxysme même des dernières années de la guerre, après 1942, car il y a aussi —il y eut, et il s'y verra de plus en plus à l'œuvre, dans l'avenir— une internationale souterraine, clandestine, du socialisme révolutionnaire national et impérial, un socialisme grand-continental, «eurasiatique». Raymond Abellio: «Il y a, dit-il, des socialistes partout: ils voudraient voir se créer un bloc franco-germano-russe, un axe Paris-Berlin-Moscou qui dégagerait l'Occident de la tutelle et des contradictions de l'économie anglosaxonne».
Pour ceux qui savent, les forces premières ontologiquement présentes dans l'histoire en marche resteront, toujours, les mêmes, absolument inchangées. Hier comme aujourd'hui, il n'y a eu, il n'y a qu'un seul ennemi de ce qui sans fin revient à l'attaque pour imposer l'ordre cosmique de sa propre identité polaire des origines, l'Imperium hors d'atteinte de ceux qui, «venus des étoiles» par la Jonction de Vénus, avaient établi, sur la terre, la première station hyperboréenne des hauts-commencements, et contrôlé toutes les stations de transmigration ultérieures et leurs descentes ontologiques successives et de plus en plus éloignées de l'être —de ce que Heidegger appelle, lui, 1'«être de l'être»— et de par cela même de plus en plus obscurcies, nocturnes, oublieuses de toute antériorité, de plus en plus voisines des gouffres du Sud Ultime. Encore que, de toutes les façons, le Sud Ultime, une fois atteint, il provoquera —cela, je veux dire, provoquera— comme de par soi-même le Redressement Final, le «Grand Renversement», ce que les voyants des temps védiques avaient désigné du nom de Paravrtti.
Or, à l'heure actuelle, le camp polaire du socialisme national-révolutionnaire européen d'ouverture grand-continentale se trouve encore une fois directement mobilisé sur les barricades du combat pour la reconstitution politique et historique immédiate de l'axe Paris-Berlin-Moscou. C'est là, et là seulement que se portent, à présent, tous les combats d'avant-garde, c'est là qu'est en train de se produire, tectoniquement, le renouvellement intérieur, abyssal, de la «grande histoire».
Au centre de l'Europe ainsi interpellée par son nouveau destin, l'Allemagne se retrouvera écartelée et par la double attraction et par la double pétition de rencontre qui contredit cette attraction tout en faisant qu'elle s'accomplisse, attraction en cours qu'exercent, sur elle, chacune de son côté et les deux ensemble, et la France et l'Allemagne, l'Ouest et l'Est du Grand Continent Eurasiatique déjà happé par le vertigineux tourbillon final de la réintégration grand-continentale en train de se donner à faire sous les auspices à la fois ardentes et polaires de 1'Imperium Ultimum.
D'immenses puissances négatives, dissimulées
C'est très précisément la raison pour laquelle d'immenses puissances négatives secrètes, dissimulées, s'opposent aujourd'hui à l'intégration définitive de la France et de l'Allemagne, tout comme d'immenses puissances négatives secrètes s'opposeront aussi, et en même temps, à l'intégration définitive de l'Allemagne et de la Russie : or, dans les deux cas, ces puissances négatives, occultement et depuis toujours assujetties au non-être et au chaos originel dans ses persistances nocturnes, dissimulées, s'avéreront être les mêmes. Si nous sommes donc restés les mêmes, l'ennemi ontologique de tout ce que nous sommes et avons été, de tout ce que nous serons à nouveau, est lui aussi resté le même, inconditionnellement identique à lui-même et à ses missions commandées par les “ténèbres extérieures”.
Le péril est également à invoquer, et là, avec la clarté la plus tranchante, des puissantes manœuvres de retardement, de “blocage antifasciste”, de déstabilisation permanente que poursuit, contre nous, à la fois en plein jour et tout à fait dans l'ombre, l'Internationale Socialiste et ceux qui la prédéterminent, silencieusement, dissimulés dans les arrière-coulisses nocturnes de notre propre histoire en cours. Il s'agit donc de dénoncer avec force le socialisme marxiste et cosmopolite, antinational et antieuropéen, subversivement véhiculé par les Partis Socialistes du Portugal, d'Espagne, de France, d'Italie, de Belgique, d'Allemagne, refuges et bases activistes durcies des Partis Communistes apparemment auto-neutralisés, passés au stade tactique des “présupposés antérieurs”. Le cas du PDS italien reste le plus flagrant qui, masses électorales, cadres, organisations parallèles et dirigeants, Achille Occhetto en tête, n'est rien d'autre que le PCI renforcé par les boues alluvionnaires d'un “front populaire” autrement manigancé, et d'autant plus dangereux.
D'autre part, la situation reste particulièrement critique en Allemagne, où l'eventuelle arrivée au pouvoir, à la faveur des prochaines élections legislatives, de la SPD confortée par la candidature gauchiste de Rudolf Scharping, dont la pensée politique interlope et les relations subversives avec les formations alternatives clandestines sont notoires, provoquerait une catastrophe politique de dimensions européennes, et sans doute bien plus encore. Ce qui devra donc être empêché par tous les moyens, y inclus, comme disait l'autre, “par les moyens les plus légaux”.
Nous nous situerons donc d'emblée, et comme inconditionnellement, aux côtés du chancelier Helmut Kohl, héros de la réunification totale de l'Allemagne et des retrouvailles définitives de l'Allemagne avec elle-même, ainsi que du nouveau recommencement de la plus Grande Europe, qui en provient directement. Que le chancelier Helmut Kohl compte donc sur nous qui, de notre côté, nous saurons toujours qui est qui.
Ainsi, le voit-on, toutes les forces en confrontation, dans le visible et dans l'invisible, se retrouvent déjà en état d'alerte maximale, rangées à leurs places préétablies, prêtes à tout.
L'heure du grand tremblement de terre se fait proche, qui ébranlera, encore une fois, tout. Aussi vais-je citer là cette terrible parole prophétique du chancelier Helmut Kohl, parole prophétique dont l'actualité intime s'accélere, et qu'il faut savoir comprendre à son double niveau: Ce que nous avons semé en mai, nous en aurons la récolte en octobre.
Les déplacements de la “Terre du Milieu”
Des changements arrivent partout, et qui vont, tous, dans le même sens, le sens du renouveau total qui s'annonce, et dont c'est à nous autres qu'il reviendra la tâche révolutionnaire d'en maîtriser un jour la ligne de tumulte.
Mais la situation, désormais, s'éclaircit, aussi, dans les profondeurs. Si, par rapport à 1'“Empire du Milieu” allemand, par rapport aux “Terres Immuables” de la centralité polaire, hors d'atteinte, incarnée, en ces temps de la fin, par l'Allemagne, la France, de son côté, y représente, aujourd'hui, et y apporte —car telle est sa mission prédestinée— l'ensemble du camp occidental grand-européen, l'Ouest donc du Grand Continent Eurasiatique et, plus visiblement, la base impériale occidentale Madrid-Rome-Bruxelles, la Russie, en ce qui la concerne, représente, et y apporte, principiellement, l'Est du Grand Continent Eurasiatique, comprenant “la plus Grande Inde” et “le plus Grand Japon”.
Cependant, ainsi que j'avais déjà eu l'occasion de le montrer dans mon étude sur “les fondements de la géopolitique secrète du gaullisme”, le concept de Heartland, de “terre du milieu”, équivalent géopolitique fondamental des “Terres Immuables” du Taoisme, concept de heartland déjà défini —en termes de géopolitique active— par Sir Halford John Mackinder, et auquel Karl Haushofer avait aussi souscrit entièrement dans ses travaux, est un concept voué à se déplacer à l'intérieur de l'espace central qui constitue son aire continentale de présence et d'action propres, ses déplacements suivant la spirale qui véhicule en avant et qui manifeste le grand cycle cosmique en cours.
Ainsi, qui détient le secret des cheminements prévus d'avance, inscrits d'avance sur la spirale régissant les déplacements du heartland du Grand Continent Eurasiatique, détient aussi, de par cela même, le secret du devenir de la puissance intérieure de l'Imperium, et de l'historial visible de celui-ci dans l'histoire en marche vers sa conclusion ultime, vers cet Imperium Ultimum où l'histoire sera appelée à s'identifier assomptionnellement avec l'au-delà de l'histoire.
Le projet contre-stratégique fondamental des nôtres, à la veille même de nos plus grandes batailles suprahistoriques et révolutionnaires de la fin devra donc savoir trouver l'audace nécessaire pour aller à la rencontre de ce qui nous apparaît comme le secret déjà en action du futur déplacement ontologique du centre de gravité géopolitique du Grand Continent, de sa prochaine recentrification impériale et polaire. Il faut que nous sachions faire de la fatalité même de l'histoire notre arme suprahistorique décisive, le courant porteur de notre plus haut pouvoir d'intervention historique et politique à venir.
Pour les nôtres, et en cette heure plus que jamais, les choix profonds du destin sont, d'avance, comme “inscrits dans les étoiles”.
Ainsi se fait-il donc que, si, pendant la saison de nos actuelles préliminaires à la mise en place de principe, conceptuelle, du Grand Empire Eurasiatique de la fin l'emplacement ontologique de la “terre du milieu” se trouve encore situé en Allemagne, une fois le processus impérial grand-continental révolutionnairement entamé au niveau de l'action historique et politique directe, et directement inscrite dans l'histoire en cours, le heartland, le principium des “terres du milieu” va devoir se déplacer —ainsi que de prévu— sur la Russie, pour y rejoindre son emplacement prévu depuis toujours, et prévu aussi pour qu'il durât jusqu'à la fin, pendant tout le millénaire —ou les dix millénaires de notre légende antérieure— de la prochaine projection temporelle, immédiatement historique, qui sera celle de l'Imperium Ultimum.
D'ailleurs, quelqu'un dont le regard est habitué —ou plutôt habilité— à surprendre l'essentiel du devenir historique sous le cours apparent, obscur et troublé de ses propres contingences à l'œuvre, se doit d'avoir déjà compris, comme de par lui même, que le centre de gravité de la nouvelle histoire occidentale du monde se déplace actuellement vers la Russie, dont l'attirance se fait de plus en plus irrésistible, et dont le cœur le plus profond s'est sans doute déjà mis à battre —à rebattre— quelque part. Ainsi 1'“élévation polaire” de la Russie, territoire prédestiné de la prochaine émergence des “terres du milieu” s'accomplit-elle, et va.
Personne, d'autre part, ne saurait l'ignorer, la Russie, à l'heure présente, se trouve prisonnière d'une situation apparemment sans issue, en proie à des difficultés extraordinaires et tout à fait noires, déstabilisantes, dans une situation encore plus noire que sans aucun doute ne l'était celle de l'Allemagne en 1945, parce que le désastre de l'Allemagne de 1945 ne pouvait pas ne pas pouvoir chercher en lui-même de quoi amorcer le processus d'une reprise future, alors que le vertige suspect dans lequel semble s'enfoncer actuellement la Russie est fait pour qu'il s'auto-intensifie et ne puisse pas s'arracher à la fatalité de mort que l'on y a investie à dessein. Car il y a un vaste dessein à l'œuvre pour empêcher que la Russie n'en vienne à émerger de par elle-même du piège d'anéantissement qui l'enserre de partout et tente de l'étouffer, qui la maintient crucifiée sur l'inconcevable honte de son actuelle réduction ontologique à la misère, au démantèlement économique et social, sans nul secours majeur, et cette conspiration conçue, de l'extérieur et de l'intérieur, préventivement, pour la spolier de sa miraculeuse libération du communisme et pour lui interdire de rejoindre le nouveau destin transcendantal et suprahistorique, polaire, qui est à présent le sien envers et malgré tout.
La comparaison de la situation de détresse totale qui est actuellement celle de la Russie de l'interrègne, de la transition post-communiste, et de ce qu'avait été la catastrophe historique de l'Allemagne en 1945 ne concerne que la face visible, extérieure et immédiate des choses.
Car, si l'Allemagne, en 1945, avait été vaincue, la Russie, elle, n'a pas été vaincue. Au contraire. La Russie, elle, a été sauvée. Quelle que puisse être la situation actuelle de la Russie, la Russie est, face à nous autres, ressuscitée d'entre les morts. Et cette resurrection, à présent, dit sa voie présente, et sa voie à venir.
L'horizon marial de la Nouvelle Russie
Or, miraculeusement délivrée, sans guerre civile intérieure ni défaite militaire extérieure, du cauchemar sanglant et sans faille de soixante-dix années de ténèbres et de honte, d'impuissance totale face à l'emprise communiste et de ce qui se cachait derrière le communisme, la Russie ne le fut que par la seule œuvre du Cœur Immaculé de Marie, qui a tenu tous ses engagements secrets et sa mystérieuse promesse de Fatima: aujourd'hui, la Russie est, ainsi que je viens de le dire, un pays ressuscité d'entre les morts, et qui porte dans son être même, et à jamais, les stigmates d'un inconcevable miracle comme autant d'entailles eucharistiques, embrasées vives, déjà irradiantes, salvatrices, inextinguibles.
Aussi la Russie, à présent, doit-elle trouver, avant tout, la manière la plus appropriée de faire ses Actions de Grâces, de remercier sa Divine Salvatrice pour la victoire inouïe et très haute, pour l'intervention abyssale dont son Cœur Immaculé a si bien su la faire bénéficier, comme en un songe, comme si de rien il n'y avait entre temps.
On se souvient de la prédiction de Saint Maximilien Kolbe, le mystique supplicié d'Auschwitz: que le jour venu, avait-il dit, la statue de Marie remplacera, au sommet du Kremlin, le tourbillon infernal de l'“Etoile Rouge”. Aussi tout doit être mis en branle, et tout de suite, pour que ce changement symbolique vienne à être chose faite, dans les formes, nuptialement. Avant, rien ne se fera de ce qui doit se faire pour la promotion impériale de la Nouvelle Russie appelée à l'avant-garde transcendantale pour les batailles finales de notre Imperium Ultimum.
Et, dans cette circonstance, il m'est, à moi, tout à fait impossible de ne pas m'intimer de reproduire, ici, parce que c'est bien ainsi que cela doit se faire, les conclusions de mon récent entretien catholique et marial avec Eric Vatré, entretien publié, depuis, dans un ouvrage de groupe, intitulé La droite du Père.
Je commençais donc la dernière partie de ce long entretien par une citation de Pie XII. Un fragment de l'extraordinaire discours que Pie XII avait fait, à Rome, à la Noël 1942. Au cœur même de l'hiver suprêmement décisif, juste à l'instant où tout devait basculer dans les ténèbres de l'égarement et de la défaite, et pour si longtemps et désormais sans plus aucune trêve.
«Ne faut-il pas plutôt, disait Pie XII, que sur les ruines d'un ordre public qui a donné des preuves si tragiques de son incapacité d'assurer le bien du peuple, s'unissent tous les cœurs droits et magnanimes dans le vœu solennel de ne se donner aucun repos jusqu'à ce que dans tous les peuples et toutes les nations de la terre, devienne légion la troupe de ceux qui, décidés à ramener la société à l'inébranlable centre de gravité de la loi divine, aspirent à se dévouer au salut de la personne humaine et de sa communauté anoblie en Dieu? Ce vœu, l'humanité le doit aux innombrables morts enterrés sur les champs de bataille; le sacrifice de leur vie dans l'accomplissement de leur devoir est l'holocauste offert pour le nouvel ordre social à venir, et qui sera autre».
Et moi-même, alors, j'ajoutais ce commentaire, qui reprenait, en l'actualisant, la ligne combattante de Pie XII: «Ayant posé les fondations visibles et invisibles dans le sang, dans 1e sacrifice heroïque et mystique de ceux qui ont donné leurs vies pour l'avenir et l'honneur tragique de leur foi, la nouvelle unité continentale voulue par Rome est en marche, et rien ne l'arrêtera Le soleil de Rome se lève à nouveau à l'occident du monde; l'Europe portée aux dimensions du Grand Continent Eurasiatique redevient une idée transcendantale». Et ensuite: «Mon message va s'adresser exclusivement à ceux qui se trouvent déjà engagés, ou qui vont l'être, dans la terrible conspiration spirituelle et nuptiale du mystère de l'Incendium Amoris».
La conspiration de l'Incendium Amoris, comment agit-elle, quels en sont les buts ultimes et l'ultime horizon d'embrasement? La réponse à cette question nous concerne de la manière la plus directe: «Au-delà de leurs futures incarnations historiques et de ce qui s'y verra impliqué, ainsi, processionnellement, dans les temps portés vers l'assomption finale du Regnum Sanctum, de l'Imperium Sanctum, les grands événements à venir et qui auront tous, dans leur ensemble, Rome pour centre polaire et la lumière métahistorique de Rome pour horizon de retour, en appellent aussi, désormais, et avec une violence de plus en plus passionnée, à une incarnation mariale finale, décisive, coronaire».
Et d'une manière encore plus précise, et de par cela même plus périlleuse: «Marie doit assurer de sa venue testimoniale et amoureuse le retour de l'Europe —de la plus Grande Europe— à l'être de la foi catholique renouvellée, de même que c'est par la proclamation du dogme de la Coronation de Marie que Rome se doit d'armer surnaturellement son actuelle offensive contre-stratégique finale pour le recouvrement catholique du Grand Continent Eurasiatique». Et pour finir, très dangereusement, et très à dessein ainsi, le Livre de Baruch, III 38, disant, alors qu'il y parlait de la Sagesse: Puis elle est apparue sur terre, et elle a vécu parmi les hommes.
Le cercle des assomptions géopolitiques continentales va-t-il se refermer sur la pétition coronaire d'une assomption d'élévation solaire, d'une montée spirituelle communionale “jusqu'au soleil”, confirmée cosmiquement par la venue même de l'Epouse vêtue de Soleil, de la très virginale Sponsa Soli?
Agissant sur l'histoire, nous agissons, aussi, sur l'au-delà de l'histoire, toute vision géopolitique majeure, fondationnelle, décisive, implique également sa propre coronation géothéologique —voire géothéologale— car, ainsi que l'écrivait Moeller van den Bruck, «il n'y a qu'un seul Reich comme il n'y a qu'une seule Eglise».
A l'échelle donc des ultimes horizons de l'histoire occidentale en marche vers l'accomplissement de sa prédestination la plus cachée, ontologiquement cachée, le but de la “grande géopolitique”, de ce que certains des nôtres et en premier lieu moi-même avons déjà pris coutume d'appeler, entre nous, la “géopolitique transcendantale”, n'est autre que celui qui va devoir s'incarner —qui, déjà, s'incarne, amoureusement— dans le dogme cosmique de la Coronation de Marie
Néanmoins, pour le moment, l'ordre des urgences sur le terrain apparaît comme autre.
Les tâches des missions qui sont nôtres, à l'heure présente, interpellent la part la plus visible et la plus tragique de l'histoire immédiate, retrouvent les dimensions politiques et activistes de nos combats et s'y engagent avec toute l'intensité, avec toute la violence de ceux qui dans le devenir même des contingences interceptent, de l'intérieur, la lumière vivante du perpétuel appel, en eux, de la base polaire antérieure.
L'ordre des urgences
Pour le moment, l'ordre des urgences contre-stratégiques sur le terrain exige que l'on fasse tout le nécessaire pour que l'Allemagne —l'Allemagne de l'axe Germano-Russe souhaité par Andreï Kozyrev— puisse fournir à la Russie, en temps utile, le soutien demandé par son rétablissement et son maintien politique et économico-industriel au niveau de superpuissance planétaire, niveau qui, en principe, ne peut absolument pas ne pas être encore le sien.
Seule nous importe, dans le cadre du combat final pour la plus Grande Europe continentale eurasiatique, la Russie dans son identité de superpuissance planétaire disponible aux exigences de sa prédestination impériale suprahistorique.
Encore que, désormais, la seule superpuissance continentale planétaire de taille à faire face aux Etats-Unis et aux conspirations océaniques et autres de l'imperium de fait entretenu par les Etats-Unis au niveau de ses propres prétentions et contingences mondiales, apparaît comme étant la plus Grande Europe, régie par l'axe Paris-Berlin-Moscou et qui déjà s'apprête à s'élever de par elle-même au niveau du futur grand Empire Eurasiatique de la fin, de notre Imperium Ultimum.
Nous avançons que le moment politique mondial est donc des plus propices pour qu'à l'intention des nôtres une grille opérationnelle immanente vienne à être établie, produisant les thèses contre-stratégiques et, par la suite, dans un second temps, stratégiques et défensives, destinées à mobiliser, suivant les délais d'une première mise en place impériale grand-continentale d'ensemble, 1es structures doctrinales et d'action directe à la disposition de l'axe fondamental Paris-Berlin-Moscou et des projets révolutionnaires de base poursuivis par celui-ci.
Aussi nos dernières analyses de la situation en charge à son niveau impérial grand-continental d'ensemble nous conduisent-elles à répondre aux défis qui se dégagent, de cette situation même, par une grille immanente de sept thèses opérationnelles, quatre thèses contre-stratégiques d'engagement directement continental, et trois thèses stratégiques offensives portant sur un niveau révolutionnaire planétaire. Les combats à l'intérieur et à l'extérieur du Kontinentalblock constituent, cependant, un seul front. Un seul front, un seul commandement.
Contre-offensive à l'intérieur, offensive à l'extérieur du Kontinentalblock de Karl Haushofer, du Bloc Continental sur lequel s'exercent les influences polaires, les pouvoirs supérieurs de ce que nous servons nous autres, soldats d'un seul Concept Absolu.
Aussi cette grille immanente des sept thèses opérationnelles de base destinées à promouvoir sur le terrain l'axe géopolitique fondamental Paris-Berlin-Moscou à son niveau impérial d'avant-garde, à son niveau grand-continental eurasiatique, nous apparaît-elle donc devoir être, au moment présent et vue notre situation profonde, très certainement définissable de la manière suivante, et que nous faisons notre entièrement:
1.
C'est au tréfonds d'elle-même, de son histoire conçue, voulue, engagée dans sa totalité active, de sa plus occulte prédestination spirituelle, que la Russie —que la Nouvelle Russie qui est nôtre— doit tenter d'assurer envers elle-même l'effort suprahumain de trouver —de retrouver— son propre centre polaire de gravité, son propre pôle d'unité transcendantale vivante, car c'est bien à partir de ce moment d'embrasement eucharistique intérieur, et seulement à partir de ce moment-là, que la Russie renouvellée en elle-même depuis son centre polaire même, pourra se concevoir réellement en état d'assurer les tâches suprahistoriques impériales qui sont les siennes en propre, depuis toujours et jusqu'à la fin de tout, apocalyptiquement.
2.
Car, à ce que la plus Grande Europe, interpellée actuellement par son axe de mobilisation Paris-Berlin-Moscou, peut et doit faire, d'urgence, pour 1e rétablissement politique et économico-industriel de la Nouvelle Russie, la Russie, la Nouvelle Russie, de son côté, doit pouvoir répondre par la mise en œuvre, à sa charge, du renouveau révolutionnaire spirituel et charismatique devant soulever, incendier en conscience et irrationnellement, l'ensemble de l'Europe et du Grand Continent: c'est de Russie, nous ne l'ignorons plus, que devra nous venir, maintenant, le nouvel Incendium Amoris qui changera tout.
3.
Pour l'axe contre-stratégique Paris-Berlin-Moscou, l'objectif économique et industriel absolument prioritaire à l'échelle européenne grand-continentale reste, à l'heure présente, et avant toute autre option de combat, quelle qu'elle fût, celui de la mise en chantier des projets confidentiels concernant 1e développement révolutionnaire en commun de la Sibérie, à tous les niveaux disponibles, avec le soutien à part entière du Japon et excluant d'avance toute participation ou droit de regard des puissances non-continentales comme les Etats-Unis ou de la mouvance à couvert de qui suit les Etats-Unis.
D'autre part, il devient évident que la participation immédiate, directe et entière du Japon au Projet Continental Grande Sibérie (PCGS) va constituer, dans les faits, l'acte fondationnel, le vœu originel de l'entrée —de la rentrée— du “plus Grand Japon” au sein du camp d'intégration continentale avancé du futur Empire Eurasiatique de la Fin, et que le reste suivra. Une audacieuse volonté, une volonté à la fois abrupte et nouvelle y trouvera ses voies, et toutes ses voies, y inclus celles, prophétiques et sacrales, de la “passe à l'Ouest“.
Par ses engagements envers le Projet Continental Grande Sibérie (PCGS), le Japon se tourne vers l'Ouest, rejoint le Kontinentalblock.
Quand Karl Haushofer dit comprendre les Chinois comme une race du Nord en descente migratoire vers le Sud et les Japonais comme une race du Sud en montée migratoire vers le Nord, il définit, en plus, 1e cyclone démographique dont le Japon ne pourra se libérer qu'en échangeant le poids négatif de la Chine dans son environnement océanique immédiat contre le contre-poids positif du Kontinentalblock dans son grand environnement d'ensemble, planétaire. L'intégration du Japon dans le Kontinentalblock, sa réorientation vers l'Ouest, représente, pour le Japon, son accession à ce que le Taoisme appelle “la passe de l'Ouest”.
Mais “la passe de l'Ouest” —tel aura été, à la fin, le “grand secret” du Taoisme— représente, en réalité, le passage obligé, le seul “chemin de passage” vers le Nord, le chemin même de la Jonction de Vénus. Pour la Jonction de Vénus, à revoir, sous son angle opérationnel le plus secret, L'étoile de l'Empire Invisible.
Or c'est bien la Nouvelle Russie qui se trouve pressentie pour conduire le Japon dans le périlleux chemin de “la passe de l'Ouest”, dans son retour final vers le Nord et “la zone d'attention suprême” de ses plus occultes gratifications polaires dans les hauts chemins glaciaires de 1'“Acier Polaire”.
Car c'est bien par rapport à la mise en marche du Projet Continental Grande Sibérie (PCGS) que le nouvel axe Germano-Russe pressenti par Andreï Kozyrev pourra donner sa pleine mesure, l'Allemagne étant, en cette occurrence précise et tout à fait décisive, le maître d'œuvre et la puissance mobilisatrice centrale de l'ensemble grand-continental appelé à participer à ce projet, premier “grand projet continental” de 1a superpuissance planétaire représentée par la Grande Europe. Dans un certain sens, tout va devoir se passer, désormais, dans l'environnement opérationnel du Projet Continental Grande Sibérie (PCGS), et des implications supérieures de la mise en chantier de celui-ci.
4.
A la limite, que sommes-nous d'autre, en ces temps de vertige et de décision secrète, que sommes-nous d'autre que la conscience visionnaire de notre propre action révolutionnaire sur le terrain, action présente et, surtout, action à venir?
En d'autres circonstances, nous écrivions déjà: «Porteuse des puissances d'être et de changement révolutionnaire qui lui reviennent en propre, la conscience visionnaire de l'avenir proche et plus lointain de la Grande Europe et de ses destinées eurasiatiques impériales s'approche déjà, et de plus en plus, de l'histoire immédiate, et cette marche d'approche est en elle-même, déjà, de plus en plus d'ordre organisationnel, dans le sens profond, fractal et cosmogonique du terme. L'interpellation organisationnelle de l'histoire en change-t-elle le cours?». Or cette dernière interrogation justifie subversivement et fonde toute notre action présente et à venir, nous donne les droits qui sont déjà nôtres à prétendre à un pouvoir d'emprise transcendantale sur la plus grande histoire, pouvoir d'emprise que nous allons devoir enlever de haute lutte à ceux qui en détiennent aujourd'hui les clés cachées. Des clés qui ne sont d'ailleurs pas celles de l'histoire, mais de 1a sombre anti-histoire qui, pour peu de temps encore, leur sert d'histoire, de faux semblant d'histoire.
Ainsi, «une première assemblée consultative géopolitique grand-continentale va devoir se trouver mise en place par nos soins, qui réunira, en vue de consultations ultérieures, que l'on peut déjà envisager dans leurs lignes majeures, des représentants de tous les pays ou régions significatives du Continent Eurasiatique, du Japon à l'Islande, un gouvernement Provisoire Continental (GPC) étant appelé à en émerger par la suite. Et, aussi, un président à vie émergeant de l'entité Impériale de la Fin, élu d'une manière identique à celle qui décide encore de la Dévolution Romaine, et disposant des pleins-pouvoirs ontologiques appartenant à l'état de sa prédestination impériale secrète, mais qui se manifestera en temps prévu, signo dato. Un président à vie de l'Entité Eurasiatique Impériale de la Fin élevé par l'irrationalité dogmatique à l'état et aux titres d'un concept absolu, et ce “concept absolu” n'étant lui-même, alors, que le dernier état de l'irrationalité dogmatique en action».
5.
La première tâche stratégique offensive, la première “tâche extérieure” de l'axe Paris-Berlin-Moscou sera alors celle de pourvoir à l'établissement —au rétablissement— des états ontologiques identitaires, d'être et de destin, avec les hautes terres d'Amérique Latine, avant-poste de combat planétaire contre l'impérialiste global de la centrale subversive nord-américaine et de ceux qui la manipulent occultement, et, en même temps, espace de renouveau cosmique en relation directe avec le prochain retour en puissance des Pléiades. A couvert, l'héritage horbigerien, dans 1es Andes, se maintient encore. Or nous y reviendrons, suivant les plans prévus.
Ainsi avons-nous pris connaissance, en attendant, et avec la plus extrême attention activiste, de l'article de combat planétaire du Dr Carlos A. Disandro, de La Plata, Bolivie, «Global Invasion y defensa cultural, etnica, telurica», paru dans la revue chilienne Ciudad de 1os Cesares, Vina del Mar, Chili, mars-avril 1993.
6.
L'axe continental Paris-Berlin-Moscou devra également assumer —réassumer, réactiver et redéployer en avant— toutes les tâches politico-stratégiques sur le terrain, toutes les missions d'intervention révolutionnaire offensive qui avaient déjà été celles du “grand gaullisme”, du gaullisme des années 1960 —le Général de Gaulle étant au pouvoir— en direction du Québec, du Canada et de la partie des Etats-Unis qui, sur les confins de la Louisiane, garde encore la mémoire souterrainement vivante de ses origines européennes et françaises, tête de pont culturelle et politico-stratégique pour nos futures actions de libération et de recouvrement à terme de nos anciennes Terres Nordiques, de l'“Amérique du Nord”.
7.
L'intégration finale de l'ensemble des courants de spiritualités supérieures ayant surgi dans l'espace grand-continental des premières processions hyperboréennes viendra à se constituer sous la protection active des retrouvailles géopolitiques impériales marquant la fin du cycle cosmique actuel, l'Empire Eurasiatique de la Fin se trouvant ainsi porté à être, pour les christologies mariales et paraclétiques de la fin, ce que Rome avait déjà été, une première fois, pour l'ensemble historique du christianisme naissant, pour la “nouvelle religion” appelée à surgir en Occident.
Et ce sera donc dans les espaces polaires de la dernière Terre du Milieu, en Russie et dans ce que sera alors devenue la Nouvelle Russie, que viendront se retrouver les descendances éparses de la grande Lumière Antérieure, dont la Dernière Rome ne fera qu'achever en l'accomplissant le processus suprahistorique des retrouvailles intérieures et l'ultime Identité Divine, “Marie de la Fin”.
Et, pourquoi ne pas le dire, les hauts travaux de rassemblement, de ressourcement polaire poursuivis actuellement, depuis Moscou, par Alexandre Douguine et les groupes de veilleurs qui lui sont proches et qui s'y trouvent déjà à l'œuvre, entretiennent, sur place, les préliminaires déjà confidentiellement entamées de ce qui, plus tard, mènera au Grand Retour.
Or, de même que la réintégration du camp grand-continental du futur Empire Eurasiatique de la Fin devra se faire, pour le Japon, pour “le plus Grand Japon”, par les voies de sa participation fondamentale, ontologique, au Projet Continental Grande Sibérie (PCGS), l'Inde, “la plus Grande Inde”, va rejoindre le même espace métahistorique impérial en apportant aux nôtres, comme de l'intérieur, ce qui, ne fût-ce que d'une façon abyssalement occulte, au tréfonds de la spiritualité hindoue et tibétaine ne peut pas ne pas subsister encore de l'immense Lumière Antérieure, de la “vive lumière” des temps védiques et hyperboréens, polaires, d'avant même les temps védiques.
Ainsi la double mission de la Nouvelle Russie à l'Est du Grand Continent Eurasiatique sera-t-elle mise, bientôt, en état d'accomplissement, double mission qui concerne et engage, ainsi que nous l'avons déjà vu, les retrouvailles ontologiques, profondes, de l'axe géopolitique fondamental Paris-Berlin-Moscou, et de l'ensemble du Grand Continent mobilisé par celui-ci, avec “la plus Grande Inde” et avec le “plus Grand Japon”. Raymond Abellio: il y aura alors des épousailles inouïes.
Car ce qui à ce moment-là devra se rejoindre, constituer l'Est du Grand Continent et du suprême Projet Impérial de celui-ci, va s'y rejoindre par l'intermédiaire de la Nouvelle Russie, conçue métahistoriquement pour qu'elle reçoive, en même temps et comme de par le même mouvement, l'Ouest du même Bloc Continental mobilisé par l'Axe fondamental Paris-Berlin-Moscou.
A la fin du cycle, et nous y sommes, le Kontinentalblock de Karl Haushofer aura son centre polaire d'affirmation géopolitique impériale quelque part dans les espaces qui sont actuellement ceux de la Russie, et c'est au cœur même de notre Nouvelle Russie que se tiennent les nouvelles “Terres du Milieu” et leurs inaccessibles espaces intérieurs de virginalité impériale amoureusement, nuptialement au service de l'Ultime Marie et de l'Imperium Ultimum qui l'entourera dans l'invisible et, aussi, dans le visible. Car, en ce moment prédestiné et très secret, souvenons-nous, comme nous devons le faire, de la parole prophétique fondamentale, du verbum novissimum de Baruch, puis elle est apparue sur terre, et elle a vécu parmi les hommes.
Tel me semble donc être l'ordre des urgences commandant la ligne fondamentale de nos combats actuels et la grille immanente des thèses opérationnelles destinées à en promouvoir les déploiements sur le terrain, le passage à l'action directe.
Jean PARVULESCO.
Paris, le 28 mai 1994.
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lundi, 18 janvier 2010
Xenophobie als Gesundheitsprophylaxe
Xenophobie als Gesundheitsprophylaxe
Eine Zeitschriftenredaktion wie die der Schweizer Weltwoche wird man hierzulande vergebens suchen. Was Felix Menzel gestern über die (Un-)Möglichkeit einer Verquickung von „rechtem“ Denken und Pop schrieb – in diesem Magazin wird sichtbar, daß es funktionieren kann. Das nur am Rande.
Die Weltwoche ist wirtschaftsliberal und dabei ziemlich rechts, sowohl die SVP im allgemeinen als auch die Anti-Minarett-Initiative wurden offensiv unterstützt. Die Auflage liegt bei traumhaften 83.000 Exemplaren - also beinah mehr, als es Schweizer gibt …
Der sechsseitige Hauptartikel der aktuellen Ausgabe sucht aus der Warte neuer akademischer Erkenntnisse zu begründen, warum „Skepsis gegenüber Ausländern und Unbekannten vernünftig“ sei. An die vorderste Argumentationsfront wird Mark Schaller geschickt, der in Kanada Psychologie lehrt. Das Fazit seiner naturwissenschaftlich unterfütterten Xenophobieforschung: Fremdenfurcht nutze unserem Immunsystem, und „Feindaufklärung“ sei ein Teil unserer intuitiven Gefahrenabwehr. Weltwoche-Autor Kai Michel führt gründlich aus, wie Schaller und seine wissenschaftlichen Sekundanten den Terminus eines „verhaltensbasierten Immunsystems“ begründen. Verstärkte Distanz bzw. ein „Urmißtrauen“ gegenüber Fremden wäre demnach nicht als „Charakterfehler“ zu werten, sondern als höhere Vernunft. Jedenfalls, so Michel
„bereitet sich ein Paradigmenwechsel vor. Die Beweislage, daß wir es in Sachen Fremdenangst mit einer anthropologischen Konstante zu tun haben, wird erdrückend.“
Gemutmaßt wird auch, ob die „gefühlte“ Bedrohung durch die Schweinegrippe und Anti-Minarett-Votum eventuell in einem engeren Zusammenhang standen. Erforscht sei immerhin an Schwangeren sowie an Menschen mit verstärkter Angst vor Krankheiten, daß diese Gruppen extrem „starke Affekte gegen Ausländer aus für sie unvertrauten Kulturen“ aufwiesen.
Wer´s ausführlich nachlesen will, muß heute noch zuschlagen – morgen sollte nur mehr die nächste Ausgabe der Weltwoche erhältlich sein. Leider macht sich die (1933 gegründete) Zeitschrift an deutschen Kiosken ziemlich rar (übrigens gilt der Weltwoche auch der verstärkte Zulauf von Deutschen in ihr Ländchen als „Verausländerung“ …); in Frankfurt etwa oder gar hier in Mitteldeutschland hab ich nie ein Exemplar gefunden.
Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de
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dimanche, 17 janvier 2010
Capitalisme libéral et socialisme, les deux faces de Janus
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992
CAPITALISME LIBERAL ET SOCIALISME,
LES DEUX FACES DE JANUS
par Pierre Maugué
L'effondrement des régimes marxistes, en Union soviétique et en Europe orientale, et le triomphe du modèle capitaliste occidental sont généralement présentés comme l'issue d'un conflit qui opposait depuis des décennies deux conceptions du monde fondamentalement antagonistes. Cette vision manichéenne, sur laquelle se fondent les démocraties occidentales pour réaffirmer leur légitimité, mérite néanmoins d'être mise en question. En effet, l'opposition entre les deux systèmes qui se partageaient le monde sous la direction des Etats-Unis d'Amérique et de l'Union soviétique était-elle si essentielle, et ne masquait-elle pas d'étranges convergences, voire même d'inavouables connivences?
En 1952, dans son "Introduction à la métaphysique" , Heidegger écrivait : "L'Europe se trouve dans un étau entre la Russie et l'Amérique, qui reviennent métaphysiquement au même quant à leur appartenance au monde et à leur rapport à l'esprit". Si, pour lui, notre époque se caractérisait par un "obscurcissement du monde" marqué par "la fuite des dieux, la destruction de la terre, la grégarisation de l'homme, la prépondérance du médiocre", et si cet obscurcissement du monde provenait de l'Europe elle-même et avait commencé par "l'effondrement de l'idéalisme allemand", ce n'en est pas moins en Amérique et en Russie qu'il avait atteint son paroxysme.
L'affirmation de Heidegger, qui pose comme équivalentes, au plan de leur rapport à l'être, deux nations porteuses d'idéologies généralement pensées comme antinomiques peut paraître provocatrice. Elle ne fait pourtant que reconnaître, au plan métaphysique, la parenté certaine qui existe, au plan historique, entre capitalisme et socialisme (dont le marxisme n'est que la forme la plus élaborée et la plus absolue).
Capitalisme et socialisme sont aussi intimement liés que les deux faces de Janus. Tous deux sont issus de la philosophie du XVIIIe siècle, marguée par la trilogie : raison, égalité, progrès, et de la Révolution industrielle du XIXe siècle, caractérisée par le culte de la technique, du productivisme et du profit, et s'ils s'opposent, c'est beaucoup plus sur les méthodes que sur les objectifs.
L'émergence du socialisme moderne tient au fait gue non seulement la proclamation de l'égalité des droits par la Révolution de 1789 laissa subsister les inégalités sociales, mais que furent supprimées toutes les institutions communautaires (gérées par l'Eglise, les corporations, les communes) gui créaient un réseau de solidarité entre les différents ordres de la société, Quant à la Révolution industrielle, si elle marqua un prodigieux essor économique, elle provoqua également une détérioration considérable des conditions de vie des classes populaires, de sorte que ce qui avait été théoriquement gagné sur le plan politique fut perdu sur le plan social, La protestation socialiste tendit alors à démontrer qu'une centralisation et une planification de la production des richesses était tout-à-fait capable de remplacer la libre initiative des entrepreneurs et de parvenir, au plan économique, à l'égalité qui avait été conquise au plan juridique.
Bien que divergeant sur les méthodes (économie de libre entreprise ou économie dirigée), libéraux et socialistes n'en continuaient pas moins à s'accorder sur la primauté des valeurs économiques, et partageaient la même foi dans le progrès technique, le développement industriel illimité, et l'avènement d'un homme nouveau, libéré du poids des traditions. En fait, tant les libéraux que les socialistes pouvaient se reconnaître dans les idées des Saints-Simoniens, qui ne voyaient dans la politique que la science de la production, et pour lesquels la société nouvelle n'aurait pas besoin d'être gouvernée, mais seulement d'être administrée.
La même négation de l'autonomie du politique se retrouve ainsi chez les libéraux et les socialites de toute obédience. A l'anti-étatisme des libéraux, qui ne concèdent à l'Etat qu'un pouvoir de police propre à protéger leurs intérêts économiques, et la mission de créer les infrastructures nécessaires au développement de la libre entreprise, répond, chez les sociaux-démocrates, le rêve d'un Etat qui aurait abandonné toute prérogative régalienne et dont le rôle essentiel serait celui de dispensateur d'avantages sociaux. On trouve même chez les socialistes proudhoniens un attrait non dissimulé pour un certaine forme d'anarchie. Quant aux marxistes, bien qu'ils préconisent un renforcement du pouvoir étatique dans la phase de dictature du prolétariat, leur objectif final demeure, du moins en théorie, le dépérissement de l'Etat. Le totalitarisme vers lequel ont en fait évolué les régimes mar~istes constitue d'ailleurs aussi, à sa manière, une négation de l'autonomie du politique.
La pensée de Marx, nourrie de la doctrine des théoriciens de l'économie classique, Adam Smith, Ricardo, Stuart Mill et Jean-Baptiste Say, est toujours restée tributaire de l'idéologie qui domine depuis les débuts de l'ère industrielle . Le matérialisme bourgeois, l'économisme w lgaire se retrouvent ainsi dans le socialisme marxiste. Marx rêve en effet d'une société assurant l'abondance de biens matériels et, négligeant les autres facteurs socio-historiques, il voit dans l'économie le seul destin véritable de l'homme et l'unique possibilité de réalisation sociale.
Mais ce qui crée les liens les plus forts est l'existence d'ennemis communs. Or, depuis l'origine, libéraux et marxistes partagent la même hostilité à l'égard des civilisations traditionnelles fondées sur des valeurs spirituelles, aristocratiques et communautaires.
Le Manifeste communiste de 1868 est à cet égard révélateur. Loin de stigmatiser l'oeuvre de la bourgeoisie (c'est-à-dire, au sens marxiste du terme, le grand capital), il fait en quelque sorte l'éloge du rôle éminemment révolutionnaire qu'elle a joué. "Partout où elle (la bourgeoisie) est parvenue à dominer", écrit Marx, "elle a détruit toutes les conditions féodales, patriarcales, idylliques. Impitoyable, elle a déchiré les liens multicolores qui attachaient l'homme à son supérieur naturel, pour ne laisser subsister entre l'homme et l'homme que l'intérêt tout nu, le froid 'paiement comptant'... Elle a dissous la dignité de la personne dans la valeur d'échange, et aux innombrables franchises garanties et bien acquises, elle a substitué une liberté unique et sans vergogne : le libre-échange".
Prenant acte de cette destruction des valeurs traditionnelles opérée par la bourgeoisie capitaliste, Marx se félicite que celle-ci ait "dépouillé de leur sainte auréole toutes les activités jusque là vénérables et considérées avec un pieux respect" et qu'elle ait "changé en salariés à ses gages le médecin, le juriste, le prêtre, le poête, l'homme de science".
La haine du monde rural et l'apologie des mégapoles s'expriment également sans détours chez Marx, qui juge positifs les effets démographiques du développement capitaliste. "La bourgeoisie", écrit-il, "a soumis la campagne à la domination de la ville. Elle a fait surgir d'immenses cités, elle a prodigieusement augmenté la population des villes aux dépens des campagnes, arrachant ainsi une importante partie de la population à l'abrutissement de l'existence campagnarde". Il n'hésite pas non plus à faire l'éloge du colonialisme, se félicitant que "la bourgeoisie, de même qu'elle a subordonné la campagne à la ville ... a assujetti les pays barbares et demi-barbares aux pays civilisés, les nations paysannes aux nations bourgeoises, l'Orient à l'Occident". Cette domination sans partage de la fonction économique est magnifiée par Marx, de même que l'instabilité qui en résulte. C'est en effet avec satisfaction qu'il constate que "ce qui distingue l'époque bourgeoise de toutes les précédentes, c'est le bouleversement incessant de la production, l'ébranlement continuel de toutes les institutions sociales, bref la permanence de l'instabilité et du mouvement... Tout ce qui était établi se volatilise, tout ce qui était sacré se trouve profané".
Mais la bourgeoisie capitaliste n'en a pas moins souvent cherché à faire croire qu'elle défendait les valeurs traditionnelles contre les marxistes et autres socialistes, ce qui amène Marx à rappeler, non sans une certaine ironie, que les marsistes ne peuvent être accusés de détruire des valeurs que le capitalisme a déjà détruit ou est en voie de détruire. Vous nous reprochez, dit Mars, de détruire la propriété, la liberté, la culture, le droit, l'individualité, la famille, la patrie, la morale, la religion, comme si les développements du capitalisme ne l'avait pas déjà accompli.
«Détruire la propriété?" "Mais" dit Mars, "s'il s'agit de la propriété du petit-bourgeois, du petit paysan, nous n'avons pas à l'abolir, le développement de l'industrie l'a abolie et l'abolit tous les jours". "Détruire la liberté, l'individualité?" "Mais l'individu qui travaille dans la société bourgeoise n'a ni indépendance, ni personnalité". "Détruire la famille?" "Mais par suite de la grande industrie, tous les liens de famille sont déchirés de plus en plus".
Tous ces arguments de Marx ne relèvent pas seulement de la polémique. En effet, les sociétés capitalistes présentent bien des traits conformes aux idéaux marxistes. Ainsi, à l'athéisme doctrinal professé par les marxistes répond le matérialisme de fait des sociétés capitalistes, où toute religion structurée a tendance à disparaître pour faire place à un athéisme pratique ou à une vague religiosité qui, sous l'influence du protestantisme, tend à se réduire à un simple moralisme aux contours indécis, dont tout aspect métaphysique, tout symbolisme, tout rite, toute autorité traditionnelle est banni.
De même, au collectivisme tant reproché à l'idéologie marxiste (collectivisme qui ne se réduit pas à l'appropriation par l'Etat des moyens de production, mais consiste également en une forme de vie sociale où la personne est soumise à la masse) répond le grégarisme des sociétés capitalistes. Comme le note André Siegfried, c'est aux Etats-Unis qu'est né le grégarisme qui tend aujourd'hui à gagner l'Europe. "L'être humain, devenu moyen plutôt que but accepte ce rôle de rouage dans l'immense machine, sans penser un instant qu'il puisse en être diminué", "d'où un collectivisme de fait, voulu des élites et allègrement accepté de la masse, qui, subrepticement, mine la liberté de l'homme et canalise si étroitement son action que, sans en souffrir et sans même le savoir, il confirme lui-même son abdication". Curieusement, marxisme et libéralisme produisent ainsi des phénomèmes sociaux de même nature, qui sont incompatibles avec toute conception organique et communautaire de la société.
L'idéologie mondialiste est également commune au marxisme et au capitalisme libéral. Pour Lénine, qui soutient le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la libération complète de toutes les nations opprimées n'est en effet qu'un instrument au service de la Révolution et ne peut constituer qu'une "phase de transition", la finalité étant "la fusion de toutes les nations". Or, cette fusion de toutes les nations est également l'objectif du capitalisme libéral qui, tout en ayant utilisé les nationalismes des peuples de l'Est pour détruire l'Union soviétique, vise en fait à établir un marché mondial dans lequel toutes les nations sont appelées finalement à se dissoudre. Toutes les identités nationales sont ainsi destinées à disparaître pour être remplacées par un modèle uniforme, américanomorphe, au service duquel une intense propagande est organisée, modèle dont les traits caractéristiques sont le métissage, la culture rock, les jeans, le coca-cola, les chaînes de restaurant fast-food et le "basic English", le tout étant couronné par l'idéologie des droits de l'homme dont les articles de foi sont dogmatiquement décrétés par les grands-prêtres d'une intelligentsia qui n'a d'autre légitimité que celle qu'elle s'est elle-même octroyée.
En fait, tant le marxisme que le capitalisme libéral approuvent sans réserves toutes les conséquences économiques et sociales de la Révolution industrielle, qui se traduisent par la destruction de tous les liens communautaires, familiaux ou nationaux, le déracinement et la grégarisation. Une telle évolution est en effet nécessaire aussi bien à l'établissement d'un véritable marché mondial, rêve ultime du capitalisme libéral, qu'à l'avènement de l'homme nouveau, libéré de toute aliénation, qui constitue l'objectif du marxisme. Pour ce dernier, le prolétariat était d'ailleurs appelé à jouer un rôle messianique et à porter plus loin le flambeau de la Révolution, afin de mener à son terme la destruction de toutes les valeurs traditionnelles.
Pour le philosophe chrétien et traditionnaliste Berdiaev, capitalisme libéral et marxisme ne sont pas seulement liés au plan des sources idéologiques, mais ils sont également les agents d'une véritable subversion. "Tant la bourgeoisie que le prolétariat", écrit Berdiaev, "représentent une trahison et un rejet des fondements spirituels de la vie. La bourgeoisie a été la première à trahir et à abdiquer le sacré, le prolétariat lui a emboîté le pas." Soulignant les affinités qui existent entre la mentalité du bourgeois et celle du prolétaire, il déclare : "Le socialisme est bourgeois jusque dans sa profondeur et il ne s'élève jamais au-dessus du sentiment des idéaux bourgeois de l'existence. Il veut seulement que l'esprit bourgeois soit étendu à tous, qu'il devienne universel, et fixé dans les siècles des siècles, définitivement rationalisé, stabilisé, guéri des maladies qui la minent."
Si, pour Berdiaev, l'avènement de la bourgeoisie en tant gue classe dominante a correspondu à un rejet des fondements spirituels de la vie, Max Weber voit, pour sa part, une relation étroite entre l'éthique protestante et le développement du capitalisme moderne. Ces deux points de vue ne sont pas aussi contradictoires qu'ils peuvent paraître de prime abord. En effet, outre que la spiritualité ne se réduit pas à l'éthique, l'éthique protestante a tendu à devenir une simple morale utilitariste qui s'apparente en fait à la morale laïgue, et qui n'est plus sous-tendue par une vision spirituelle du monde. Max Weber relève d'ailleurs que "l'élimination radicale du problème de la théodicée et de toute espèce de questions sur le sens de l'univers et de l'existence, sur quoi tant d'hommes avaient peiné, cette élimination allait de soi pour les puritains ..." °
L'utilitarisme de l'éthique protestante apparaît d'ailleurs clairement dans sa conception de l'amour du prochain. En effet, selon celle-ci, comme le rappelle Max Weber, "Dieu veut l'efficacite sociale du chrétien" et "l'amour du prochain ... s'exprime en premier lieu dans l'accomplissement des tâches professionnelles données par la "lex naturae" revêtant ainsi "l'aspect proprement objectif et impersonnel d'un service effectué dans l'organisation rationnelle de l'univers social qui nous entoure." C'est d'ailleurs par la promotion de cette conception éthique dans le monde chrétien que le protestantisme a pu créer un contexte favorable au développement du capitalisme moderne.
Mais l'état d'esprit qui en est résulté, et qui s'est développé sans entraves aux Etats-Unis d'Amérique, paraît bien éloigné de toute sorte d'éthique. Comme l'a relevé Karl Marx à propos des "habitants religieux et politiquement libres de la Nouvelle Angleterre", "Mammon est leur idole qu'ils adorent non seulement des lèvres, mais de toutes les forces de leur corps et de leur esprit. La terre n'est à leurs yeux qu'une Bourse, et ils sont persuadés qu'il n'est ici-bas d'autre destinée que de devenir plus riches que leurs vo;sins".
Etudiant les liens qui existent entre l'esprit du capitalisme et l'éthique protestante, Max Weber avait souligné la "bibliocratie" du calvinisme, qui tenait les principes moraux de l'Ancien Testament dans la même estime que ceux du Nouveau, l'utilitarisme de l'éthique protestante rejoignant l'utilitarisme du judaïsme. Avant lui, Marx avait d'ailleurs déjà relevé les affinités qui existent entre l'esprit du capitalisme et le judaïsme même si cette analyse était peu conforme aux principes du matérialisme historique. Considérant que "le fond profane du judaïsme" c'est "le besoin pratique, l'utilité personnelle", Marx estimait ainsi que, grâce aux Juifs et par les Juifs, "l'argent est devenu une puissance mondiale et l'esprit pratique des Juifs, l'esprit pratique des peuples chrétiens", concluant que "les Juifs se sont émancipés dans la mesure même où les chrétiens sont devenus Juifs".
Ignorant délibérément la complexité des origines de l'idéologie socialiste, Berdiaev privilégiait quant à lui les affinités entre socialisme et judaïsme. Selon Berdiaev, le socialisme constitue en effet une "manifestation du judaïsme en terreau chrétien", et "la confusion et l'identification du christianisme avec le socialisme, avec le royaume et le confort terrestre sont dues à une flambée d'apocalyptique hébraïque", au "chiliasme hébreu, qui espère le Royaume de Dieu ici-bas" et "il n'était pas fortuit que Marx fût juif" . Cioran rejoint sur ce point Berdiaev lorsqu'il écrit : "Quand le Christ assurait que le "royaume de Dieu" n'était ni "ici ni "là", mais au-dedans de nous, il condamnait d'avance les constructions utopiques pour lesquelles tout "royaume" est nécessairement extérieur, sans rapport aucun avec notre moi profond ou notre salut individuel. 5
De différents points de vue, capitalisme libéral et socialisme moderne paraissent ainsi liés, non seulement au plan historique, mais également par leurs racines idéologiques, et ce n'est probablement pas un hasard si leur émergence a coïncidé avec l'effondrement du système de valeurs qui, pendant des siècles, avait prévalu en Europe, et qui affirmait, du moins dans son principe originel, la primauté de l'autorité spirituelle sur le pouvoir temporel, et la subordination de la fonction économique au pouvoir temporel.
L'écroulement des régimes marxistes, incapables d'atteindre leurs objectifs économiques et sociaux, n'aura donc pas changé fondamentalement le cours de l'Histoire, puisque la "Weltanschauung" commune au marxisme et au capitalisme continue toujours à constituer le point de référence de nos sociétés. Se trouvent en effet toujours mis au premier plan : le matérialisme philosophique et pratique, le règne sans partage de l'économie, l'égalitarisme idéologique (qui se conjugue curieusement avec l'extension des inégalités sociales), la destruction des valeurs familiales et communautaires, la collectivisation des modes de vie et le mondialisme. C'est peut-être d'ailleurs ce qui permet d'expliquer pourquoi les socialistes occidentaux et la majeure partie des marxistes de l'Est se sont aussi facilement convertis au capitalisme libéral, qui paraît aujourd'hui le mieux à même de réaliser leur idéal.
Mais la chute des régimes marxistes a l'Est nombre de valeurs qui, bien qu'ayant été niées pendant des décennies, n'avaient pu être détruites. On voit ainsi, dans des sociétés en pleine décomposition qui redécouvrent les réalités d'un capitalisme sauvage, s'affirmer à nouveau religions, nations et traditions.
Toutes ces valeurs qui refont surface, et dont l'affirmation avait été jugée utile par les Etats occidentaux, dans la mesure où elle pouvait contribuer au renversement des régimes marxistes, sont toutefois loin d'être vues avec la même complaisance dès lors que cet objectif a été atteint.
L'idéologie matérialiste des sociétés occidentales s'accommode en effet assez mal de tout système de valeurs qui met en question sa prétention à l'universalité et qui n'est pas inconditionnellement soumis aux impératifs du marché mondial. Tout véritable réveil religieux, toute affirmation nationale ou communautaire, ou toute revendication écologiste ne peuvent ainsi être perc,us que comme autant d'obstacles à la domination sans partage des valeurs marchandes, obstacles qu'il s'agit d'abattre ou de contourner.
Ainsi, l'établissement d'un véritable marché mondial qui puisse permettre aux stratégies des multinationales de se développer sans entraves étant devenu l'objectif prioritaire, des pressions sont exercées au sein du GATT - par le lobby américain - pour que les pays d'Europe acceptent le démantèlement de leur agriculture, quelles que puissent en être les conséquences sur l'équilibre démographique et social de ces pays, sur l'enracinement de leur identité nationale et sur leur équilibre écologique.
De même, les cultures et les langues nationales doivent de plus en plus se plier aux lois du marché mondial et céder le pas à des "produits culturels" standardisés de niveau médiocre, utilisant le "basic English" comme langue véhiculaire, et aptes ainsi à satisfaire le plus grand nombre de consommateurs du plus grand nombre de pays. Quant aux religions, elles ne sont tolérées gue dans la mesure où elles délivrent un message compatible avec l'idéologie du capitalisme libéral, et si elles s'accommodent avec les orientations fondamentales de la société permissive, qui ne sont en fait que l'application, au domaine des moeurs, des principes du libre-échange.
L'écologie, enfin, n'est prise en compte que si elle ne s'affirme pas comme une idéologie ayant la prétention d'imposer des limites à la libre entreprise. Les valeurs néo-païennes qu'elle véhicule (que le veuillent ou non ses adeptes) sont par ailleurs vivement dénoncées. Ainsi, Alfred Grosser se plaît à relever que "ce n'est pas un hasard si l'écologie a démarré si fort en Allemagne où la nature ("die Natur") tient une place tout autre qu'en France. La forêt ("der Wald") y est fortement chargée de symbole. La tradition allemande ... c'est l'homme mêlé, confondu à la nature". Ne reculant pas devant les amalgames les plus grossiers, il n'hésite pas à écrire : "La liaison entre les hommes et la nature, le sol et le sang, cette solide tradition conservatrice allemande a été reprise récemment par Valéry Giscard d'Estaing à propos des immigrés. C'était la théorie d'Hitler;". Et Grosser de conclure avec autant de naïveté que de grandiloquence : "La grandeur de la civilisation judéo-chrétienne est d'avoir forgé un homme non soumis à la nature".
L'idéologie capitaliste libérale, actuellement dominante, entre ainsi en conflit avec d'autres ordres de valeur, et ces nouveau~ conflits, dont nous ne voyons que les prémisses, pourraient bien reléguer au rang des utopies la croyance en une "fin de l'histoire". En effet, ces conflits n'opposent plus, comme c'était le cas depuis deux siècles, deux idéologies jumelles qui, tout en se combattant, partaqeaient pour l'essentiel les mêmes idéaux fondamentaux et ne s'opposaient que sur les moyens de les réaliser. Les sociétés fondées sur le capitalisme libéral vont en effet avoir désormais à affronter des adversaires dont l'idéologie est irréductible à une vision purement économiste du monde. L'antithèse fondamentale ne se situe pas en effet entre capitalisme et marxisme, mais entre un système où l'économie est souveraine, quelle que soit sa forme, et un système où elle se trouve subordonnée à des facteurs extra-économiques.
On voit ainsi reparaître l'idée d'une hiérarchie des valeurs qui n'est pas sans analogies avec l'idéologie des peuples indo-européens et celle de l'Europe médiévale, où la fonction économique, et notamment les valeurs marchandes, occupait un rang subordonné aux valeurs spirituelles et au pouvoir politique (au sens originel de pouvoir régulateur de la vie sociale et des fonctions économiques). Bien que, dans cet ordre ancien, la dignité de la fonction de production des biens matériels fût généralement reconnue , il était toutefois exclu que les détenteurs de cette fonction puissent usurper des compétences pour l'exercice desquelles ils n'avaient aucune qualification. L'économie se trouvait ainsi incorporée dans un système qui ne considérait pas l'homme uniquement comme producteur ou consommateur, et l'organisation corporative des professions mettait beaucoup plus l'accent sur l'aspect qualitatif du travail que sur l'aspect quantitatif de la production, donnant une dimension spirituelle à l'accomplissement de toutes les tâches, même des plus humbles. Quant à la spéculation, au profit détaché de tout travail productif, ils n'étaient non seulement pas valorisés, comme c'est le cas aujourd'hui, mais ils étaient profondément méprisés, tant par la noblesse que par le peuple, et ceux qui s'y adonnaient étaient généralement considérés comme des parias.
Ce n'est en fait que depuis deux siècles que les valeurs marchandes ont pris une place prépondérante dans la société occidentale, et que s'est instituée cette véritable subversion que Roger Garaudy qualifie de "monothéisme du marché, c'est-à-dire de l'argent, inhérent à toute société dont le seul régulateur est la concurrence, une guerre de tous contre tous". Un champion de l'ultra-libéralisme, comme Hayek, reconnaît d'ailleurs lui-même que "le concept de justice sociale est totalement vide de sens dans une économie de marché".
Cette subversion des valeurs est particulièrement sensible dans le capitalisme de type anglo-saxon que Michel Albert oppose au capitalisme de type rhénan ou nippon : le premier pariant sur le profit à court terme, négligeant outrancièrement les secteurs non-marchands de la société, l'éducation et la formation des hommes, et préférant les spéculations en bourse à la patience du capitaine d'industrie ou de l'ingénieur qui construisent et consolident jour après jour une structure industrielle; le second planifiant à long terme, respectant davantage les secteurs non-marchands, accordant de l'importance à l'éducation et à la formation et se fondant sur le développement des structures industrielles plutôt que sur les spéculations boursières.
Il est d'ailleurs intéressant de relever gue c'est le capitalisme de type rhénan ou nippon, qui conserve un certain nombre de valeurs des sociétés pré-industrielles et s'enracine dans une communauté ethno-culturelle, qui se révèle être plus performant que le capitalisme de type anglo-saxon, qui ne reconnaît pas d'autres valeurs que les valeurs marchandes, même s'il aime souvent se draper dans les plis de la morale et de la religion.
Mais le meileur équilibre auquel sont parvenues les sociétés où règne un capitalisme de type rhénan ou nippon n'en demeure pas moins fragile, et ces sociétés sont loin d'être exemptes des tares inhérentes à toutes les formes de capitalisme libéral. On peut d'ailleurs se demander si le capitalisme de type rhénan ou nippon, qui s'appuie sur les restes de structures traditionnelles, n'est pas condamné à disparaître par la logique même du capitalisme libéral qui finira par en détruire les fondements dans le cadre d'un marché mondial.
Par delà ces oppositions de nature éphémère qui existent au sein du capitalisme libéral, la question est finalement de savoir si celui-ci parviendra à établir de manière durable son pouvoir absolu et universel, marquant ainsi en quelque sorte la fin de l'histoire, ou s'il subira, à plus ou moins longue échéance, un sort analogue à celui de marxisme. En d'autres termes, une société ne se rattachant plus à aucun principe d'ordre supérieur et dénuée de tout lien communautaire est-elle viable, ou cette tentative de réduire l'homme aux simples fonctions de producteur et de consommateur, sans dimension spirituelle et sans racines, est-elle condamnée à l'échec, disqualifiant par là-même l'idéologie (ou plutôt l'anti-idéologie) sur laquelle elle était fondée?
Pierre Maugué
Novembre 1992
NOTES
1) Cf. Martin Heideqger, "Introduction à la métaphysique", page 56, Gallimard, Paris 1967.
2) Cf. Werner Sombart, "Le Socialisme allemand", Editions Pardès, 45390 Puiseaux.
3) Cf. Karl Marx, "Le manifeste communiste" in "oeuvres complètes", La Pléïade, Gallimard, Paris 1963.
4) René Guénon fait la même constatation gue Rarl Marx, mais, loin d'y voir l'annonce d'un monde nouveau, supérieur à l'ancien, il y voit au contraire une déchéance, la fin d'un cycle. Il relève ainsi que "partout dans le monde occidental, la bourgeoisie est parvenue à s'emparer du pouvoir", que le résultat en est "le triomphe de l'économique, sa suprématie proclamée ouvertement" et qu'"à mesure qu'on s'enfonce dans la matérialité, l'instabilité s'accroît, les changements se produisent de plus en plus rapidement". Cf. René Guénon, "Autorité spirituelle et pouvoir temporel", page 91, Les Editions Vega, Paris, 1964.
5) Cf. André Siegfried, "Les Etats-Unis d'aujourd'hui", pages 346, 349
et 350, Paris 1927.
6) Cf. Lénine, "Oeuvres", tome 22, page 159, Editions sociales, Paris 1960.
7) Comme le relève Régis Debray, "Nous avions eu Dieu, la Raison, la Nation, le Progrès, le Prolétariat. Il fallait aux sauveteurs un radeau de sauvetage. Voilà donc pour les aventuriers de l'Arche Perdue, les Droits de l'Homme come progressisme de substitution. Cf. Régis Debray, "Que vive la République", Editions Odile Jacob, Paris 1989.
8) Cf. Nicolas Berdiaev, "De l'inégalité", pages 150 et 152, Editions l'Age
d'Homme, Genève 1976.
9) Cf. Nicolas Berdiaev, op. cité, page 150. Dans le style qui lui est propre, Louis-Ferdinand Céline avait relevé la même analogie entre esprit bourgeois et esprit prolétaire. "Vous ne rêvez que d'être lui, à sa place, rien d'autre, être lui, le Bourgeois! encore plus que lui, toujours plus bourgeois! C'est tout. L'idéal ouvrier c'est deux fois plus de jouissances bourgeoises pur lui tout seul. Une super bourgeoisie encore plus tripailleuse, plus motorisée, beaucoup plus avantageuse, plus dédaigneuse, plus conservatrice, plus idiote, plus hypocrite, plus stérile que l'espèce actuelle". Cf. Louis-Ferdinand-Céline, "L'école des cadavres", Editions Denoël, Paris.
10) Cf. Max Weber, "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme", page 129, Librairie Plon, Paris 1964.
11) Cf. Max Weber, op cité, pages 128 et 129.
12) Cf. Rarl Marx, "La question juive", pages 50 et 55, collection 10/18, Union générale d'éditions, Paris 1968.
13) Cf. Karl Marx, op cité, pages 49 et 50.
14) Cf. Nicolas Berdiaev, op cité, page 154
15) Cf. Cioran, "Histoire et Utopie", Gallimard, Paris 1960.
16) C'est ainsi que le modèle de la société libérale avancée, qui s'est imposé en Occident, correspond parfaitement à certains objectifs qu'Engels avait fixés au 21e point de son avant-projet pour le Manifeste du Parti communiste. Il écrivait ainsi : "(L'avènement du communisme) transformera les rapports entre les sexes en rapport purement privés, ne concernant que les personnes qui y participent et où la société n'aura pas à intervenir. Cette transformation sera possible du moment que ... les enfants seront élevés en commun, et que seront détruites les deux bases principales du mariage actuel, à savoir la dépendance de la femme vis-à-vis de l'homme, et celle des enfants vis-à-vis des parents".
17) Cf. Alfred Grosser, interview paru dans "Le Nouveau Quotidien" (Lausanne) du vendredi 24 janvier 1992 sous le titre : "Après le dieu Lénine des communistes, voici la déesse Gaia des écologistes".
18) Dans l'Inde traditionnelle, les "vaishya", représentants de la troisième fonction, ont la qualité d'"arya". Toutefois, dans le monde méditerranéen, chez les Romains et les Grecs de l'époque classique, on constate une dépréciation du travail manuel, qui n'existe pas en revanche dans les sociétés celtiques et germaniques, où l'esclavage tenait une place beaucoup moins importante.
19) Cf. Roger Garaudy "Algérie, un nouvel avertissement pour l'Europe", in "Nationalisme et République", No 7.
20) Cf. Michel Albert, "Capitalisme contre capitalisme", Editions du Seuil, collection "L'histoire immédiate", Paris 1991.
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mardi, 12 janvier 2010
Entretien avec Günter Maschke
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991
Entretien avec Günter Maschke
propos recueillis par Dieter STEIN et Jürgen LANTER
Q.: Monsieur Maschke, êtes-vous un ennemi de la Constitution de la RFA?
Q.: Monsieur Maschke, êtes-vous un ennemi de la Constitution de la RFA?
GM: Oui. Car cette loi fondamentale (Grundgesetz) est pour une moitié un octroi, pour une autre moitié la production juridique de ceux qui collaborent avec les vainqueurs. On pourrait dire que cette constitution est un octroi que nous nous sommes donné à nous-mêmes. Les meilleurs liens qui entravent l'Allemagne sont ceux que nous nous sommes fabriqués nous-mêmes.
Q.: Mais dans le débat qui a lieu aujourd'hui à propos de cette constitution, vous la défendez...
GM: Oui, nous devons défendre la loi fondamentale, la constitution existante car s'il fallait en créer une nouvelle, elle serait pire, du fait que notre peuple est complètement «rééduqué» et de ce fait, choisirait le pire. Toute nouvelle constitution, surtout si le peuple en débat, comme le souhaitent aussi bon nombre d'hommes de droite, connaîtrait une inflation de droits sociaux, un gonflement purement quantitatif des droits fondamentaux, et conduirait à la destruction des prérogatives minimales qui reviennent normalement à l'Etat national.
Q.: Donc, quelque chose de fondamental a changé depuis 1986, où vous écriviez dans votre article «Die Verschwörung des Flakhelfer» (= La conjuration des auxiliaires de la DCA; ndlr: mobilisés à partir de 1944, les jeunes hommes de 14 à 17 ans devaient servir les batteries de DCA dans les villes allemandes; c'est au sein de cette classe d'âge que se sont développées, pour la première fois en Allemagne, certaines modes américaines de nature individualiste, telles que l'engouement pour le jazz, pour les mouvements swing et zazou; c'est évidemment cette classe d'âge-là qui tient les rênes du pouvoir dans la RFA actuelle; en parlant de conjuration des auxiliaires de la DCA, G. Maschke entendait stigmatiser la propension à aduler tout ce qui est américain de même que la rupture avec toutes les traditions politiques et culturelles européennes). Dans cet article aux accents pamphlétaires, vous écriviez que la Constitution était une prison de laquelle il fallait s'échapper...
GM: Vu la dégénérescence du peuple allemand, nous devons partir du principe que toute nouvelle constitution serait pire que celle qui existe actuellement. Les rapports de force sont clairs et le resteraient: nous devrions donc nous débarrasser d'abord de cette nouvelle constitution, si elle en venait à exister. En disant cela, je me doute bien que j'étonne les «nationaux»...
Q.: Depuis le 9 novembre 1989, jour où le Mur est tombé, et depuis le 3 octobre 1990, jour officiel de la réunification, dans quelle mesure la situation a-t-elle changé?
GM: D'abord, je dirais que la servilité des Allemands à l'égard des puissances étrangères s'est encore accrue. Ma thèse a toujours été la suivante: rien, dans cette réunification, ne pouvait effrayer la France ou l'Angleterre. Comme nous sommes devenus terriblement grands, nous sommes bien décidés, désormais, à prouver, par tous les moyens et dans des circonstances plus critiques, notre bonne nature bien inoffensive. L'argumentaire développé par le camp national ou par les établis qui ont encore un petit sens de la Nation s'est estompé; il ne s'est nullement renforcé. Nous tranquilisons le monde entier, en lui disant qu'il s'agit du processus d'unification européenne qui est en cours et que l'unité allemande n'en est qu'une facette, une étape. Si d'aventure on rendait aux Allemands les territoires de l'Est (englobés dans la Pologne ou l'URSS), l'Autriche ou le Tyrol du Sud, ces braves Teutons n'oseraient même plus respirer; ainsi, à la joie du monde entier, la question allemande serait enfin réglée. Mais trêve de plaisanterie... L'enjeu, la Guerre du Golfe nous l'a montré. Le gouvernement fédéral a payé vite, sans sourciller, pour la guerre des Alliés qui, soit dit en passant, a eu pour résultat de maintenir leur domination sur l'Allemagne. Ce gouvernement n'a pas osé exiger une augmentation des impôts pour améliorer le sort de nos propres compatriotes de l'ex-RDA, mais lorsqu'a éclaté la guerre du Golfe, il a immédiatement imposé une augmentation et a soutenu une action militaire qui a fait passer un peu plus de 100.000 Irakiens de vie à trépas. Admettons que la guerre du Golfe a servi de prétexte pour faire passer une nécessaire augmentation des impôts. Il n'empêche que le procédé, que ce type de justification, dévoile la déchéance morale de nos milieux officiels. Pas d'augmentation des impôts pour l'Allemagne centrale, mais une augmentation pour permettre aux Américains de massacrer les Irakiens qui ne nous menaçaient nullement. Je ne trouve pas de mots assez durs pour dénoncer cette aberration, même si je stigmatise très souvent les hypocrisies à connotations humanistes qui conduisent à l'inhumanité. Je préfère les discours non humanistes qui ne conduisent pas à l'inhumanité.
Q.: Comment le gouvernement fédéral aurait-il dû agir?
GM: Il avait deux possibilités, qui peuvent sembler contradictoires à première vue. J'aime toujours paraphraser Charles Maurras et dire «La nation d'abord!». Première possibilité: nous aurions dû participer à la guerre avec un fort contingent, si possible un contingent quantitativement supérieur à celui des Britanniques, mais exclusivement avec des troupes terrestres, car, nous Allemands, savons trop bien ce qu'est la guerre aérienne. Nous aurions alors dû lier cet engagement à plusieurs conditions: avoir un siège dans le Conseil de Sécurité, faire supprimer les clauses des Nations Unies qui font toujours de nous «une nation ennemie», faire en sorte que le traité nous interdisant de posséder des armes nucléaires soit rendu caduc. Il y a au moins certains indices qui nous font croire que les Etats-Unis auraient accepté ces conditions. Deuxième possibilité: nous aurions dû refuser catégoriquement de nous impliquer dans cette guerre, de quelque façon que ce soit; nous aurions dû agir au sein de l'ONU, surtout au moment où elle était encore réticente, et faire avancer les choses de façon telle, que nous aurions déclenché un conflit de grande envergure avec les Etats-Unis. Ces deux scénarios n'apparaissent fantasques que parce que notre dégénérescence nationale et politique est désormais sans limites.
Q.: Mais la bombe atomique ne jette-t-elle pas un discrédit définitif sur le phénomène de la guerre?
GM: Non. Le vrai problème est celui de sa localisation. Nous n'allons pas revenir, bien sûr, à une conception merveilleuse de la guerre limitée, de la guerre sur mesure. Il n'empêche que le phénomène de la guerre doit être accepté en tant que régulateur de tout statu quo devenu inacceptable. Sinon, devant toute crise semblable à celle du Koweit, nous devrons nous poser la question: devons-nous répéter ou non l'action que nous avons entreprise dans le Golfe? Alors, si nous la répétons effectivement, nous créons de facto une situation où plus aucun droit des gens n'est en vigueur, c'est-à-dire où seule une grande puissance exécute ses plans de guerre sans égard pour personne et impose au reste du monde ses intérêts particuliers. Or comme toute action contre une grande puissance s'avère impossible, nous aurions en effet un nouvel ordre mondial, centré sur la grande puissance dominante. Et si nous ne répétons pas l'action ou si nous introduisons dans la pratique politique un «double critère» (nous intervenons contre l'Irak mais non contre Israël), alors le nouveau droit des gens, expression du nouvel ordre envisagé, échouera comme a échoué le droit des gens imposé par Genève jadis. S'il n'y a plus assez de possibilités pour faire accepter une mutation pacifique, pour amorcer une révision générale des traités, alors nous devons accepter la guerre, par nécessité. J'ajouterais en passant que toute la Guerre du Golfe a été une provocation, car, depuis 1988, le Koweit menait une guerre froide et une guerre économique contre l'Irak, avec l'encouragement des Américains.
Q.: L'Allemagne est-elle incapable, aujourd'hui, de mener une politique extérieure cohérente?
GM: A chaque occasion qui se présentera sur la scène de la grande politique, on verra que non seulement nous sommes incapables de mener une opération, quelle qu'elle soit, mais, pire, que nous ne le voulons pas.
Q.: Pourquoi?
GM: Parce qu'il y a le problème de la culpabilité, et celui du refoulement: nous avons refoulé nos instincts politiques profonds et naturels. Tant que ce refoulement et cette culpabilité seront là, tant que leurs retombées concrètes ne seront pas définitivement éliminées, il ne pourra pas y avoir de politique allemande.
Q.: Donc l'Allemagne ne cesse de capituler sur tous les fronts...
GM: Oui. Et cela appelle une autre question: sur les monuments aux morts de l'avenir, inscrira-t-on «ils sont tombés pour que soit imposée la résolution 1786 de l'ONU»? Au printemps de cette année 1991, on pouvait repérer deux formes de lâcheté en Allemagne. Il y avait la lâcheté de ceux qui, en toutes circonstances, hissent toujours le drapeau blanc. Et il y avait aussi la servilité de la CSU qui disait: «nous devons combattre aux côtés de nos amis!». C'était une servilité machiste qui, inconditionnellement, voulait que nous exécutions les caprices de nos pseudo-amis.
Q.: Sur le plan de la politique intérieure, qui sont les vainqueurs et qui sont les perdants du débat sur la Guerre du Golfe?
GM: Le vainqueur est inconstestablement la gauche, style UNESCO. Celle qui n'a que les droits de l'homme à la bouche, etc. et estime que ce discours exprime les plus hautes valeurs de l'humanité. Mais il est une question que ces braves gens ne se posent pas: QUI décide de l'interprétation de ces droits et de ces valeurs? QUI va les imposer au monde? La réponse est simple: dans le doute, ce sera toujours la puissance la plus puissante. Alors, bonjour le droit du plus fort! Les droits de l'homme, récemment, ont servi de levier pour faire basculer le socialisme. A ce moment-là, la gauche protestait encore. Mais aujourd'hui, les droits de l'homme servent à fractionner, à diviser les grands espaces qui recherchent leur unité, où à détruire des Etats qui refusent l'alignement, où, plus simplement, pour empêcher certains Etats de fonctionner normalement.
Q.: Que pensez-vous du pluralisme?
GM: Chez nous, on entend, par «pluralisme», un mode de fonctionnement politique qui subsiste encore ci et là à grand peine. On prétend que le pluralisme, ce sont des camps politiques, opposés sur le plan de leurs Weltanschauungen, qui règlent leurs différends en négociant des compromis. Or la RFA, si l'on fait abstraction des nouveaux Länder d'Allemagne centrale, est un pays idéologiquement arasé. Les oppositions d'ordre confessionnel ne constituent plus un facteur; les partis ne sont plus des «armées» et n'exigent plus de leurs membres qu'ils s'engagent totalement, comme du temps de la République de Weimar. A cette époque, comme nous l'enseigne Carl Schmitt, les «totalités parcellisées» se juxtaposaient. On naissait quasiment communiste, catholique du Zentrum, social-démocrate, etc. On passait sa jeunesse dans le mouvement de jeunesse du parti, on s'affiliait à son association sportive et, au bout du rouleau, on était enterré grâce à la caisse d'allocation-décès que les coreligionnaires avaient fondée... Ce pluralisme, qui méritait bien son nom, n'existe plus. Chez nous, aujourd'hui, ce qui domine, c'est une mise-au-pas intérieure complète, où, pour faire bonne mesure, on laisse subsister de petites différences mineures. Les bonnes consciences se réjouissent de cette situation: elles estiment que la RFA a résolu l'énigme de l'histoire. C'est là notre nouveau wilhelminisme: «on y est arrivé, hourra!»; nous avons tiré les leçons des erreurs de nos grands-pères. Voilà le consensus et nous, qui étions, paraît-il, un peuple de héros (Helden), sommes devenus de véritables marchands (Händler), pacifiques, amoureux de l'argent et roublards. Qui plus est, la fourchette de ce qui peut être dit et pensé sans encourir de sanctions s'est réduite continuellement depuis les années 50. Je vous rappellerais qu'en 1955 paraissait, dans une grande maison d'édition, la Deutsche Verlags-Anstalt, un livre de Wilfried Martini, Das Ende aller Sicherheit, l'une des critiques les plus pertinentes de la démocratie parlementaire. Ce livre, aujourd'hui, ne pourrait plus paraître que chez un éditeur ultra-snob ou dans une maison minuscule d'obédience extrême-droitiste. Cela prouve bien que l'espace de liberté intellectuelle qui nous reste se rétrécit comme une peau de chagrin. Les critiques du système, de la trempe d'un Martini, ont été sans cesse refoulés, houspillés dans les feuilles les plus obscures ou les cénacles les plus sombres: une fatalité pour l'intelligence! L'Allemagne centrale, l'ex-RDA, ne nous apportera aucun renouveau spirituel. Les intellectuels de ces provinces-là sont en grande majorité des adeptes extatiques de l'idéologie libérale de gauche, du pacifisme et de la panacée «droit-de-l'hommarde». Ils n'ont conservé de l'idéologie officielle de la SED (le parti au pouvoir) que le miel humaniste: ils ne veulent plus entendre parler d'inimitié (au sens schmittien), de conflit, d'agonalité, et fourrent leur nez dans les bouquins indigestes et abscons de Sternberger et de Habermas. Mesurez le désastre: les 40 ans d'oppression SED n'ont même pas eu l'effet d'accroître l'intelligence des oppressés!
Q.: Mais les Allemands des Länder centraux vont-ils comprendre le langage de la rééducation que nous maîtrisons si bien?
GM: Ils sont déjà en train de l'apprendre! Mais ce qui est important, c'est de savoir repérer ce qui se passe derrière les affects qu'ils veulent bien montrer. Savoir si quelque chose changera grâce au nouveau mélange inter-allemand. Bien peu de choses se dessinent à l'horizon. Mais c'est également une question qui relève de l'achèvement du processus de réunification, de l'harmonisation économique, de savoir quand et comment elle réussira. A ce moment-là, l'Allemagne pourra vraiment se demander si elle pourra jouer un rôle politique et non plus se borner à suivre les Alliés comme un toutou. Quant à la classe politique de Bonn, elle espère pouvoir échapper au destin grâce à l'unification européenne. L'absorption de l'Allemagne dans le tout européen: voilà ce qui devrait nous libérer de la grande politique. Mais cette Europe ne fonctionnera pas car tout ce qui était «faisable» au niveau européen a déjà été fait depuis longtemps. La construction du marché intérieur est un bricolage qui n'a ni queue ni tête. Prenons un exemple: qui décidera demain s'il faut ou non proclamer l'état d'urgence en Grèce? Une majorité rendue possible par les voix de quelques députés écossais ou belges? Vouloir mener une politique supra-nationale en conservant des Etats nationaux consolidés est une impossibilité qui divisera les Européens plutôt que de les unir.
Q.: Comment jugez-vous le monde du conservatisme, de la droite, en Allemagne? Sont-ils les moteurs des processus dominants ou ne sont-ils que des romantiques qui claudiquent derrière les événements?
GM: Depuis 1789, le monde évolue vers la gauche, c'est la force des choses. Le national-socialisme et le fascisme étaient, eux aussi, des mouvements de gauche (j'émets là une idée qui n'est pas originale du tout). Le conservateur, le droitier —je joue ici au terrible simplificateur— est l'homme du moindre mal. Il suit Bismarck, Hitler, puis Adenauer, puis Kohl. Et ainsi de suite, usque ad finem. Je ne suis pas un conservateur, un homme de droite. Car le problème est ailleurs: il importe bien plutôt de savoir comment, à quel moment et qui l'on «maintient». Ce qui m'intéresse, c'est le «mainteneur», l'Aufhalter, le Cat-echon dont parlait si souvent Carl Schmitt. Hegel et Savigny étaient des Aufhalter de ce type; en politique, nous avons eu Napoléon III et Bismarck. L'idée de maintenir, de contenir le flot révolutionnaire/dissolutif, m'apparait bien plus intéressante que toutes les belles idées de nos braves conservateurs droitiers, si soucieux de leur Bildung. L'Aufhalter est un pessimiste qui passe à l'action. Lui, au moins, veut agir. Le conservateur droitier ouest-allemand, veut-il agir? Moi, je dis que non!
Q.: Quelles sont les principales erreurs des hommes de droite allemands?
GM: Leur grande erreur, c'est leur rousseauisme, qui, finalement, n'est pas tellement éloigné du rousseauisme de la gauche. C'est la croyance que le peuple est naturellement bon et que le magistrat est corruptible. C'est le discours qui veut que le peuple soit manipulé par les politiciens qui l'oppressent. En vérité, nous avons la démocratie totale: voilà notre misère! Nous avons aujourd'hui, en Allemagne, un système où, en haut, règne la même morale ou a-morale qu'en bas. Seule différence: la place de la virgule sur le compte en banque; un peu plus à gauche ou un peu plus à droite. Pour tout ordre politique qui mérite d'être qualifié d'«ordre», il est normal qu'en haut, on puisse faire certaines choses qu'il n'est pas permis de faire en bas. Et inversément: ceux qui sont en haut ne peuvent pas faire certaines choses que peuvent faire ceux qui sont en bas. On s'insurge contre le financement des partis, les mensonges des politiciens, leur corruption, etc. Mais le mensonge et la corruption, c'est désormais un sport que pratique tout le peuple. Pas à pas, la RFA devient un pays orientalisé, parce que les structures de l'Etat fonctionnent de moins en moins correctement, parce qu'il n'y a plus d'éthique politique, de Staatsethos, y compris dans les hautes sphères de la bureaucratie. La démocratie accomplie, c'est l'universalisation de l'esprit du p'tit cochon roublard, le règne universel des petits malins. C'est précisément ce que nous subissons aujourd'hui. C'est pourquoi le mécontentement à l'égard de la classe politicienne s'estompe toujours aussi rapidement: les gens devinent qu'ils agiraient exactement de la même façon. Pourquoi, dès lors, les politiciens seraient-ils meilleurs qu'eux-mêmes? Il faudrait un jour examiner dans quelle mesure le mépris à l'égard du politicien n'est pas l'envers d'un mépris que l'on cultive trop souvent à l'égard de soi-même et qui s'accommode parfaitement de toutes nos petites prétentions, de notre volonté générale à vouloir rouler autrui dans la farine, etc.
Q.: Et le libéralisme?
GM: Dans les années qui arrivent, des crises toujours plus importantes secoueront la planète, le pays et le concert international. Le libéralisme y rencontrera ses limites. La prochaine grande crise sera celle du libéralisme. Aujourd'hui, il triomphe, se croit invincible, mais demain, soyez en sûr, il tombera dans la boue pour ne plus se relever.
Q.: Pourquoi?
GM: Parce que le monde ne deviendra jamais une unité. Parce que les coûts de toutes sortes ne pourront pas constamment être externalisés. Parce que le libéralisme vit de ce qu'ont construit des forces pré-libérales ou non libérales; il ne crée rien mais consomme tout. Or nous arrivons à un stade où il n'y a plus grand chose à consommer. A commencer par la morale... Puisque la morale n'est plus déterminée par l'ennemi extérieur, n'a plus l'ennemi extérieur pour affirmer ce qu'elle entend être et promouvoir, nous débouchons tout naturellement sur l'implosion des valeurs... Et le libéralisme échouera parce qu'il ne pourra plus satisfaire les besoins économiques qui se font de plus en plus pressants, notamment en Europe orientale.
Q.: Vous croyez donc que les choses ne changent qu'à coup de catastrophes?
GM: C'est exact. Seules les catastrophes font que le monde change. Ceci dit, les catastrophes ne garantissent pas pour autant que les peuples modifient de fond en comble leurs modes de penser déficitaires. Depuis des années, nous savions, ou du moins nous étions en mesure de savoir, ce qui allait se passer si l'Europe continuait à être envahie en masse par des individus étrangers à notre espace, provenant de cultures radicalement autres par rapport aux nôtres. Le problème devient particulièrement aigu en Allemagne et en France. Quand nous aurons le «marché intérieur», il deviendra plus aigu encore. Or à toute politique rationnelle, on met des bâtons dans les roues en invoquant les droits de l'homme, etc. Ceci n'est qu'un exemple pour montrer que le fossé se creusera toujours davantage entre la capacité des uns à prévoir et la promptitude des autres à agir en conséquence.
Q.: Ne vous faites-vous pas d'illusions sur la durée que peuvent prendre de tels processus? Au début des années 70, on a pronostiqué la fin de l'ère industrielle; or, des catastrophes comme celles de Tchernobyl n'ont eu pour conséquence qu'un accroissement générale de l'efficience industrielle. Même les Verts pratiquent aujourd'hui une politique industrielle. Ne croyez-vous pas que le libéralisme s'est montré plus résistant et innovateur qu'on ne l'avait cru?
GM: «Libéralisme» est un mot qui recouvre beaucoup de choses et dont la signification ne s'étend pas à la seule politique industrielle. Mais, même en restant à ce niveau de politique industrielle, je resterai critique à l'égard du libéralisme. Partout, on cherche le salut dans la «dé-régulation». Quelles en sont les conséquences? Elles sont patentes dans le tiers-monde. Pour passer à un autre plan, je m'étonne toujours que la droite reproche au libéralisme d'être inoffensif et inefficace, alors qu'elle est toujours vaincue par lui. On oublie trop souvent que le libéralisme est aussi ou peut être un système de domination qui fonctionne très bien, à la condition, bien sûr, que l'on ne prenne pas ses impératifs au sérieux. C'est très clair dans les pays anglo-saxons, où l'on parle sans cesse de democracy ou de freedom, tout en pensant God's own country ou Britannia rules the waves. En Allemagne, le libéralisme a d'emblée des effets destructeurs et dissolutifs parce que nous prenons les idéologies au sérieux, nous en faisons les impératifs catégoriques de notre agir. C'est la raison pour laquelle les Alliés nous ont octroyé ce système après 1945: pour nous neutraliser.
Q.: Etes-vous un anti-démocrate,
Monsieur Maschke?
GM: Si l'on entend par «démocratie» la partitocratie existente, alors, oui, je suis anti-démocrate. Il n'y a aucun doute: ce système promeut l'ascension sociale de types humains de basse qualité, des types humains médiocres. A la rigueur, nous pourrions vivre sous ce système si, à l'instar des Anglo-Saxons ou, partiellement, des Français, nous l'appliquions ou l'instrumentalisions avec les réserves nécessaires, s'il y avait en Allemagne un «bloc d'idées incontestables», imperméable aux effets délétères du libéralisme idéologique et pratique, un «bloc» selon la définition du juriste français Maurice Hauriou. Evidemment, si l'on veut, les Allemands ont aujourd'hui un «bloc d'idées incontestables»: ce sont celles de la culpabilité, de la rééducation, du refoulement des acquis du passé. Mais contrairement au «bloc» défini par Hauriou, notre «bloc» est un «bloc» de faiblesses, d'éléments affaiblissants, incapacitants. La «raison d'Etat» réside chez nous dans ces faiblesses que nous cultivons jalousement, que nous conservons comme s'il s'agissait d'un Graal. Mais cette omniprésence de Hitler, cette fois comme croquemitaine, signifie que Hitler règne toujours sur l'Allemagne, parce que c'est lui, en tant que contre-exemple, qui détermine les règles de la politique. Je suis, moi, pour la suppression définitive du pouvoir hitlérien.
Q.: Vous êtes donc le seul véritable
anti-fasciste?
GM: Oui. Chez nous, la police ne peut pas être une police, l'armée ne peut pas être une armée, le supérieur hiérarchique ne peut pas être un supérieur hiérarchique, un Etat ne peut pas être un Etat, un ordre ne peut pas être un ordre, etc. Car tous les chemins mènent à Hitler. Cette obsession prend les formes les plus folles qui soient. Les spéculations des «rééducateurs» ont pris l'ampleur qu'elles ont parce qu'ils ont affirmé avec succès que Hitler résumait en sa personne tout ce qui relevait de l'Etat, de la Nation et de l'Autorité. Les conséquences, Arnold Gehlen les a résumées en une seule phrase: «A tout ce qui est encore debout, on extirpe la moëlle des os». Or, en réalité, le système mis sur pied par Hitler n'était pas un Etat mais une «anarchie autoritaire», une alliance de groupes ou de bandes qui n'ont jamais cessé de se combattre les uns les autres pendant les douze ans qu'a duré le national-socialisme. Hitler n'était pas un nationaliste, mais un impérialiste racialiste. Pour lui, la nation allemande était un instrument, un réservoir de chair à canon, comme le prouve son comportement du printemps 1945. Mais cette vision-là, bien réelle, de l'hitlérisme n'a pas la cote; c'est l'interprétation sélectivement colorée qui s'est imposée dans nos esprits; résultat: les notions d'Etat et de Nation peuvent être dénoncées de manière ininterrompue, détruites au nom de l'émancipation.
Q.: Voyez-vous un avenir pour la droite en Allemagne?
GM: Pas pour le moment.
Q.: A quoi cela est-il dû?
GM: Notamment parce que le niveau intellectuel de la droite allemande est misérable. Je n'ai jamais cessé de le constater. Avant, je prononçais souvent des conférences pour ce public; je voyais arriver 30 bonshommes, parmi lesquels un seul était lucide et les 29 autres, idiots. La plupart étaient tenaillés par des fantasmes ou des ressentiments. Ce public des cénacles de droite vous coupe tous vos effets. Ce ne sont pas des assemblées, soudées par une volonté commune, mais des poulaillers où s'agitent des individus qui se prétendent favorables à l'autorité mais qui, en réalité, sont des produits de l'éducation anti-autoritaire.
Q.: L'Amérique est-elle la cible principale
de l'anti-libéralisme?
GM: Deux fois en ce siècle, l'Amérique s'est dressée contre nous, a voulu détruire nos œuvres politiques, deux fois, elle nous a déclaré la guerre, nous a occupés et nous a rééduqués.
Q.: Mais l'anti-américanisme ne se déploie-t-il pas essentiellement au niveau «impolitique» des sentiments?
GM: L'Amérique est une puissance étrangère à notre espace, qui occupe l'Europe. Je suis insensible à ses séductions. Sa culture de masse a des effets désorientants. Certes, d'aucuns minimisent les effets de cette culture de masse, en croyant que tout style de vie n'est que convention, n'est qu'extériorité. Beaucoup le croient, ce qui prouve que le problème de la forme, problème essentiel, n'est plus compris. Et pas seulement en Allemagne.
Q.: Comment expliquez-vous la montée du néo-paganisme, au sein des droites, spécialement en Allemagne et en France?
GM: Cette montée s'explique par la crise du christianisme. En Allemagne, après 1918, le protestantisme s'est dissous; plus tard, à la suite de Vatican II dans les années 60, ça a été au tour du catholicisme. On interprète le problème du christianisme au départ du concept d'«humanité». Or le christianisme ne repose pas sur l'humanité mais sur l'amour de Dieu, l'amour porté à Dieu. Aujourd'hui, les théologiens progressistes attribuent au christianisme tout ce qu'il a jadis combattu: les droits de l'homme, la démocratie, l'amour du lointain (de l'exotique), l'affaiblissement de la nation. Pourtant, du christianisme véritable, on ne peut même pas déduire un refus de la politique de puissance. Il suffit de penser à l'époque baroque. De nos jours, nous trouvons des chrétiens qui jugent qu'il est très chrétien de rejetter la distinction entre l'ami et l'ennemi, alors qu'elle est induite par le péché originel, que les théologiens actuels cherchent à minimiser dans leurs interprétations. Mais seul Dieu peut lever cette distinction. Hernán Cortés et Francisco Pizarro savaient encore que c'était impossible, contrairement à nos évêques d'aujourd'hui, Lehmann et Kruse. Cortés et Pizarro étaient de meilleurs chrétiens que ces deux évêques. Le néo-paganisme a le vent en poupe à notre époque où la sécularisation s'accélére et où les églises elles-mêmes favorisent la dé-spiritualisation. Mais être païen, cela signifie aussi prier. Demandez donc à l'un ou l'autre de ces néo-païens s'il prie ou s'il croit à l'un ou l'autre dieu païen. Au fond, le néo-paganisme n'est qu'un travestissement actualisé de l'athéisme et de l'anticléricalisme. Pour moi, le néo-paganisme qui prétend revenir à nos racines est absurde. Nos racines se situent dans le christianisme et nous ne pouvons pas revenir 2000 ans en arrière.
Q.: Alors, le néo-paganisme,
de quoi est-il l'indice?
GM: Il est l'indice que nous vivons en décadence. Pour stigmatiser la décadence, notre époque a besoin d'un coupable et elle l'a trouvé dans le christianisme. Et cela dans un monde où les chrétiens sont devenus rarissimes! Le christianisme est coupable de la décadence, pensait Nietzsche, ce «fanfaron de l'intemporel» comme aimait à l'appeler Carl Schmitt. Nietzsche est bel et bien l'ancêtre spirituel de ces gens-là. Mais qu'entendait Nietzsche par christianisme? Le protestantisme culturel libéral, prusso-allemand. C'est-à-dire une idéologie qui n'existait pas en Italie et en France; aussi je ne saisis pas pourquoi tant de Français et d'Italiens se réclament de Nietzsche quand ils s'attaquent au christianisme.
Q.: Monsieur Maschke, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.
(une version abrégée de cet entretien est parue dans Junge Freiheit n°6/91; adresse: JF, Postfach 147, D-7801 Stegen/Freiburg).
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dimanche, 10 janvier 2010
Ende der Geschichtlichkeit
Ende der Geschichtlichkeit
Ernst Nolte, Brief an François Furet vom 11. Dezember 1996, in: "Feindliche Nähe". Kommunismus und Faschismus im 20. Jahrhundert. Ein Briefwechsel, München 1998.
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jeudi, 07 janvier 2010
Discrimineren: het mag!
Discrimineren: het mag!
Naar aanleiding van de discussie tussen vakbonden en patroons over de verschillende ontslagregelingen die nu bestaan tussen arbeiders en bedienden, blijkt weer duidelijk dat non-discriminatie geen algemeen moreel begrip is dat binnen de elite wordt aangehouden, maar deel uitmaakt van een zeer selectief begrippen-arsenaal. Daar waar het gaat om discriminerende voorstellen die gastarbeiders en hun families zouden viseren is het andere koek. Dan zou de gerechtelijke en burgerlijke elite zeer principieel zijn in haar veroordeling. Dergelijke discriminaties, zelfs als ze vermeend zijn, moeten dan vlug verdwijnen. Het discrimineren van andere groepen (van het eigen volk) is echter courante praktijk binnen het kapitalisme. Zo kan een bediende tot 21 maanden vooropzeg krijgen, waar een arbeider slechts van een ontslagperiode die maximaal 52 dagen bedraagt kan genieten, ongeacht de periode die hij of zij heeft gewerkt.
Omdat het hier gaat om kapitaalgerelateerde discriminatie (het kapitaal wil de goedkope ontslagregelingen voor arbeiders behouden) wordt niet te veel gegoocheld met het morele begrip "discriminatie". Men spreekt liever over "historisch-gegroeide onevenwichten" en zelf van een "arbeiderstraditie". En klassenverschillen kan men toch niet als discriminatie zien? Dat is niet moreel van aard, maar komt voort uit economische noodzaak. Als het op uitleggen aankomt, heeft de elite altijd wel een verhaaltje klaar om uit de mouw te schudden. De politieke en moreel-correcte bende van de liberaal-democratie zingt het liedje mee. En alsof het systeem van de verschillende afdankingsregelingen nog niet genoeg aan apartheidspraktijken doet denken, heeft de regering het bij gebrek aan consensus tussen vakbonden en patronaat nog een portie discriminatie toegevoegd. Deze keer wordt de discriminatie rechtstreeks door de politieke elite gepleegd.
Elke arbeider die zijn werk verliest, krijgt vanaf nu tot juni volgend jaar een bijkomende afdankingspremie van 1.666 euro bovenop de wettelijke ontslagvergoeding. Mooi, zou men denken. Het verzacht het ontslagtrauma en breekt het verzet. Als je de goede mensen die je werk afpakken, gaat beschuldigen wanneer ze je net 1.666 euro extra ontslagvergoeding gegeven hebben, dan moet je toch al een ondankbare kwast zijn. Dat is de redenering van het patronaat en de politieke elite. Maar als u denkt dat iedereen zoveel geluk heeft, dan bent u mis. Want in dit land betekent elke arbeider niet noodzakelijk alle arbeiders. Arbeiders die in bedrijven werken van minder dan tien werknemers zijn uitgesloten van het systeem. Ook in bedrijven die al een of andere vorm van anti-crisismaatregelen hebben gehad, krijgt de ontslagen arbeider geen stuiver extra. Pure discriminatie! Het wordt nog grotesker als je weet dat 2/3 van die 1.666 euro (= 1.110 euro) wordt betaald uit de staatskas. Slechts 555 euro moet door het patronaat zelf worden opgehoest. Het argument dat kleine bedrijven van minder dan 10 werknemers die onslagvergoeding niet aankunnen en ze daarom ervan uitgesloten worden, is dus pure nonsens. 555 euro geven aan je werkvolk, zou dat nu zo onoverkomelijk zijn als je iemand op straat zet? Neen, het is zuivere discriminatie die de staat hier hanteert. Het is besparen via discriminatie.
Nu we zien dat anti-discriminatie geen moreel concept is dat ten alle tijden door de elite wordt gevolgd, durft het N-SA daarop anticiperen. Wordt het geen tijd dat we gastarbeid en arbeidsimmigratie durven benaderen vanuit het gegeven dat het niet moreel verwerpelijk is om over remigratie te spreken? Maar dat het juist moreel correct is vanuit onze nationaal-democratische visie wanneer we het over een nieuwe arbeidsherverdeling hebben. Er zullen tegen nu en eind volgend jaar 120.000 arbeidsplaatsen verdwijnen. Tienduizenden jongeren zullen in die periode op de arbeidsmarkt komen en geen werk vinden. Het patronaat geeft nu al toe dat een groot deel van de arbeidsplaatsen nooit meer zal terugkeren. Ze zijn voor altijd verloren. Wordt het daarom geen tijd dat het afgezaagde liedje van inpassen, aanpassen, inburgeren, plaats voor vreemdelingen op de arbeidsmarkt scheppen... wordt gestopt?
We hebben een nieuw lied nodig. Een lied van en voor de 21ste eeuw. Om ecologische en economische redenen moeten wij minder volk op ons grondgebied hebben. Remigratie is daarvoor de enige oplossing. En als dat discriminatie inhoudt, wat dan nog? Deze maatschappij draait op kapitaalgerelateerde discriminatie. Laat ons daarom eens positief discrimineren. Ten voordele van het volk en in samenspraak met de vreemde mensen. Is dit moreel verwerpelijk? Neen, het is een dialoog op gang brengen die ons overleven veilig moet stellen. Het overleven van ons allemaal.
E. Hermy
Hoofdcoördinator N-SA
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samedi, 19 décembre 2009
R. Steuckers: deux questions à la fin de la première décennie du 21ème siècle
Entretien-éclair avec Robert Steuckers
Deux questions à la fin de la première décennie du 21ème siècle
Propos recueillis par Philippe Devos-Clairfontaine
Photo: AnaR - Senlis, Ile-de-France, novembre 2006
Question : Monsieur Steuckers, le site de “Synergies européennes” (http://euro-synergies.hautetfort.com) publie énormément de textes sur la “révolution conservatrice” allemande, en même temps qu’un grand nombre d’articles ou d’interventions sur l’actualité en politique internationale et en géopolitique: ne pensez-vous pas que la juxtaposition de ces deux types de thématiques peut paraître bizarre pour le lecteur non averti? Voire relever de l’anachronisme?
RS: D'abord quelques remarques: le présent est toujours tributaire du passé. A la base, nos méthodes d’analyse sont inspirées de l’historiographie née au XIX° siècle, avec Dilthey et Nietzsche, et des travaux de Michel Foucault, développés depuis le début des années 60: ces méthodes se veulent “généalogiques” ou “archéologiques”. Nous cherchons, dans nos groupes, qui fonctionnent, je le rappelle, de manière collégiale et pluridisciplinaire, à expliciter le présent par rapport aux faits antécédents, aux racines des événements. Pourquoi? Parce que toute méthode qui n’est pas archéologique bascule immanquablement dans le schématique, plus exactement dans ces schématismes binaires qui font les fausses “vérités” de propagande. “La vérité, c’est l’erreur”, disait la propagande de Big brother dans le “1984” d’Orwell. Aujourd’hui, les “vérités” de propagande dominent les esprits, les oblitèrent et annulent toute pensée véritable, la tuent dans l’oeuf.
En juxtaposant, comme vous dites, des textes issus de la “Konservaitve Revolution” et des textes sur les événements qui se déroulent actuellement dans les zones de turbulence géopolitique, nous entendons rappeler que, dans l’orbite de la “révolution conservatrice”, des esprits innovateurs, des volontés révolutionnaires, ont voulu déjà briser les statu quo étouffants, ont oeuvré sans discontinuité, notamment dans les cercles étiquettés “nationaux-révolutionnaires”. Vers 1929/1930, divers colloques se sont déroulés à Cologne et à Bruxelles entre les lésés de Versailles et les représentants des forces montantes anti-impérialistes hors d’Europe. Aujourd’hui, une attitude similaire serait de mise: les Européens d’aujourd’hui sont les principales victimes de Téhéran, de Yalta et de Potsdam. La chute du Mur de Berlin et la disparition du Rideau de Fer n’a finalement pas changé grand chose à la donne: désormais les pays d’Europe centrale et orientale sont passés d’une hégémonie soviétique, qui n’était pas totalement étrangère à leur espace, à une hégémonie américaine qui, elle, y est totalement étrangère. Plus la base territoriale de la puissance qui impose son joug est éloignée, non contigüe, plus le joug s’avère contre-nature et ne peut fonctionner que grâce à la complicité de pseudo-élites véreuses, corrompues, qui rompent délibérément avec le passé de leurs peuples. Qui rompt de la sorte avec le passé de son peuple introduit d’abord un ferment de dissolution politique (car toute politie relève d’un héritage) et livre, par conséquent, la population de souche à l’arbitraire de l’hegemon étranger. Une population livrée de la sorte à l’arbitraire et aux intérêts d’une “raumfremde Macht” (selon la terminologie forgée par Carl Schmitt et Karl Haushofer) finit par basculer d’abord dans la misère spirituelle, dans la débilité intellectuelle, anti-chambre de la misère matérielle pure et simple. La perte d’indépendance politique conduit inexorablement à la perte d’indépendance alimentaire et énergétique, pour ne rien dire de l’indépendance financière, quand on sait que les réserves d’or des grands pays européens se trouvent aux Etats-Unis, justement pour leur imposer l’obéissance. L’Etat qui n’obtempère pas risque de voir ses réserves d’or confisquées. Tout simplement.
Du temps de la République de Weimar, les critiques allemands des plans financiers américains, les fameux plans Young et Dawes, se rendaient parfaitement compte de la spirale de dépendance dans laquelle ils jetaient l’Allemagne vaincue en 1918. Si, jadis, entre 1928 et 1932, la résistance venait d’Inde, avec Gandhi, de Chine, avec les régimes postérieurs à celui de Sun-Ya-Tsen, de l’Iran de Reza Shah Pahlevi et, dans une moindre mesure, de certains pays arabes, elle provient essentiellement, pour l’heure, du Groupe de Shanghai et de l’indépendantisme continentaliste (bolivarien) d’Amérique ibérique. Les modèles à suivre pour les Européens, ahuris et décérébrés par les discours méditiques, énoncés par les “chiens de garde du système”, se trouvent donc aujourd’hui, en théorie comme en pratique, en Amérique latine.
Q.: Vous ne placez plus d’espoir, comme jadis ou comme d’autres “nationaux-révolutionnaires”, dans le monde arabo-musulman?
RS: Toutes les tentatives antérieures de créer un axe ou une concertation entre les dissidents constructifs de l’Europe asservie et les parties du monde arabe posées comme “Etats-voyous” se sont soldées par des échecs. Les colloques libyens de la “Troisième Théorie Universelle” ont cessé d’exister dès le rapprochement entre Khadaffi et les Etats-Unis et dès que le leader libyen a amorcé des politiques anti-européennes, notamment en participant récemment au “mobbing” contre la Suisse, un “mobbing” bien à l’oeuvre depuis une bonne décennie et qui trouvera prétexte à se poursuivre après la fameuse votation sur les minarets.
Le leader nationaliste Nasser a disparu pour être remplacé par Sadat puis par Moubarak qui sont des alliés très précieux des Etats-Unis. La Syrie a participé à la curée contre l’Irak, dernière puissance nationale arabe, éliminée en 2003, en dépit de l’éphémère et fragile Axe Paris Berlin Moscou. Les crispations fondamentalistes déclarent la guerre à l’Occident sans faire la distinction entre l’Europe asservie et l’hegemon américain, avec son appendice israélien. Les fondamentalismes s’opposent à nos modes de vie traditionnels et cela est proprement inacceptable, comme sont inacceptables tous les prosélytismes de même genre: la notion de “jalliliyah” est pour tous dangereuse, subversive et inacceptable; c’est elle que véhiculent ces fondamentalismes, d’abord en l’instrumentalisant contre les Etats nationaux arabes, contre les résidus de syncrétisme ottoman ou perse puis contre toutes les formes de polities non fondamentalistes, notamment contre les institutions des Etats-hôtes et contre les moeurs traditionnelles des peuples-hôtes au sein des diasporas musulmanes d’Europe occidentale. Une alliance avec ces fondamentalismes nous obligerait à nous renier nous-mêmes, exactement comme l’hegemon américain, à l’instar du Big Brother d’Oceana dans le roman “1984” de George Orwell, veut que nous rompions avec les ressorts intimes de notre histoire. Le Prix Nobel de littérature Naipaul a parfaitement décrit et dénoncé cette déviance dans son oeuvre, en évoquant principalement les situations qui sévissent en Inde et en Indonésie. Dans cet archipel, l’exemple le plus patent, à ses yeux, est la volonté des intégristes de s’habiller selon la mode saoudienne et d’imiter des coutumes de la péninsule arabique, alors que ces effets vestimentaires et ces coutumes étaient diamétralement différentes de celles de l’archipel, où avaient longtemps régné une synthèse faite de religiosités autochtones et d’hindouisme, comme l’attestent, par exemple, les danses de Bali.
L’idéologie de départ de l’hegemon américain est aussi un puritanisme iconoclaste qui rejette les synthèses et syncrétismes de la “merry old England”, de l’humanisme d’Erasme, de la Renaissance européenne et des polities traditionnelles d’Europe. En ce sens, il partage bon nombre de dénominateurs communs avec les fondamentalismes islamiques actuels. Les Etats-Unis, avec l’appui financier des wahabites saoudiens, ont d’ailleurs manipulé ces fondamentalismes contre Nasser en Egypte, contre le Shah d’Iran (coupable de vouloir développer l’énergie nucléaire), contre le pouvoir laïque en Afghanistan ou contre Saddam Hussein, tout en ayant probablement tiré quelques ficelles lors de l’assassinat du roi Fayçal, coupable de vouloir augmenter le prix du pétrole et de s’être allié, dans cette optique, au Shah d’Iran, comme l’a brillamment démontré le géopolitologue suédois, William Engdahl, spécialiste de la géopolitique du pétrole. Ajoutons au passage que l’actualité la plus récente confirme cette hypothèse: l’attentat contre la garde républicaine islamique iranienne, les troubles survenus dans les provinces iraniennes en vue de déstabiliser le pays, sont le fait d’intégrismes sunnites, manipulés par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite contre l’Iran d’Ahmadinedjad, coupable de reprendre la politique nucléaire du Shah! L’Iran a riposté en soutenant les rebelles zaïdites/chiites du Yémen, reprenant par là une vieille stratégie perse, antérieure à l’émergence de l’islam!
Les petits guignols qui se piquent d’être d’authentiques nationaux-révolutionnaires en France ou en Italie et qui se complaisent dans toutes sortes de simagrées pro-fondamentalistes sont en fait des bouffons alignés par Washington pour deux motifs stratégiques évidents: 1) créer la confusion au sein des mouvements européistes et les faire adhérer aux schémas binaires que répandent les grandes agences médiatiques américaines qui orchestrent partout dans le monde le formidable “soft power” de Washington; 2) prouver urbi et orbi que l’alliance euro-islamique (euro-fondamentaliste) est l’option préconisée par de “dangereux marginaux”, par des “terroristes potentiels”, par les “ennemis de la liberté”, par des “populistes fascisants ou crypto-communistes”. Dans ce contexte, nous avons aussi les réseaux soi-disant “anti-fascistes” s’agitant contre des phénomènes assimilés à tort ou à raison à une idéologie politique disparue corps et biens depuis 65 ans. Dans le théâtre médiatique, mis en place par le “soft power” de l’hegemon, nous avons , d’une part, les zozos nationaux-révolutionnaires ou néo-fascistes européens zombifiés, plus ou moins convertis à l’un ou l’autre resucé du wahabisme, et, d’autre part, les anti-fascistes caricaturaux, que l’on finance abondamment à fin de médiatiser les premiers, notamment via un député britannique du Parlement européen. Tous y ont leur rôle à jouer: le metteur en scène est le même. Il anime le vaudeville de main de maître. Tout cela donne un spectacle déréalisant, relayé par la grande presse, tout aussi écervelée. Dommage qu’il n’y ait plus un Debord sur la place de Paris pour le dénoncer!
Pour échapper au piège mortel du “musulmanisme” pré-fabriqué, tout anti-impérialisme européiste conséquent a intérêt à se référer aux modèles ibéro-américains. In fine, il me paraît moins facile de démoniser le pouvoir argentin ou brésilien, et même Chavez ou Morales, comme on démonise avec tant d’aisance le fondamentalisme musulman et ses golems fabriqués, que sont Al-Qaeda ou Ben Laden.
Alexandre del Valle et Guillaume Faye, que ce musulmanisme insupportait à juste titre, notamment celui du chaouch favori du lamentable polygraphe de Benoist, cet autre pitoyable graphomane inculte sans formation aucune: j’ai nommé Arnaud Guyot-Jeannin. Le site “You Tube” nous apprend, par le truchement d’un vidéo-clip, que ce dernier s’est récemment produit à une émission de la télévision iranienne, où il a débité un épouvantable laïus de collabo caricatural qui me faisait penser à l’épicier chafouin que menacent les soldats français déguisés en Allemands, pour obtenir du saucisson à l’ail, dans la célèbre comédie cinématographique “La 7ième Compagnie”… Il y a indubitablement un air de ressemblance… Cependant, pour échapper à de tels clowns, Del Valle et Faye se sont plongés dans un discours para-sioniste peu convaincant. Faut-il troquer l’épicier de la “7ième Compagnie” pour la tribu de “Rabbi Jacob”, la célèbre comédie de Louis de Funès? En effet, force est de constater que le fondamentalisme judéo-sioniste est tout aussi néfaste à l’esprit et au politique que ses pendants islamistes ou américano-puritains. Tous, les uns comme les autres, sont éloignés de l’esprit antique et renaissanciste de l’Europe, d’Aristote, de Tite-Live, de Pic de la Mirandole, d’Erasme ou de Juste Lipse. Devant toutes ces dérives, nous affirmons, haut et clair, un “non possumus”! Européens, nous le sommes et le resterons, sans nous déguiser en bédouins, en founding fathers ou en sectataires de Gouch Emounim. On ne peut qualifier d’antisémite le rejet de ce pseudo-sionisme ultra-conservateur, qui récapitule de manière caricaturale ce que pensent des politiciens en apparence plus policés, qu’ils soient likoudistes ou travaillistes mais qui sont contraints de rejeter les judaïsmes plus féconds pour mieux tenir leur rôle dans le scénario proche- et moyen-oriental imaginé par l’hegemon. Le sionisme, idéologie au départ à facettes multiples, a déchu pour n’être plus que le discours de marionnettes aussi sinistres que les Wahabites. Tout véritable philosémitisme humaniste européen participe, au contraire, d’un plongeon dans des oeuvres autrement plus fascinantes: celles de Raymond Aron, Henri Bergson, Ernst Kantorowicz, Hannah Arendt, Simone Weil, Walter Rathenau, pour ne citer qu’une toute petite poignée de penseurs et de philosophes féconds. Rejeter les schémas de dangereux simplificateurs n’est pas de l’antisémitisme, de l’anti-américanisme primaire ou de l’islamophobie. Qu’on le dise une fois pour toutes!
(Réponses données à Bruxelles, le 7 décembre 2009).
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mardi, 08 décembre 2009
Qu'est-ce que la démondialisation?
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Qu'est-ce que la démondialisation? | |
« Le modèle de démondialisation se déline en onze point clés : 1 Le centre de gravité de l’économie doit être la production destinée au marché intérieur et non à l’exportation. 2 Le principe de subsidiarité doit être inscrit dans la vie économique par des incitations à produire les biens à l’échelle locale ou nationale tant que cela peut se faire à des coûts raisonnables, afin de protéger la communauté. 3 La politique commerciale (autrement dit les quotas et les barrières douanières) doivent avoir pour but de protéger l’économie locale contre les importations de matières premières subventionnées, à des prix artificiellement bas. 4 La politique industrielle (qui inclut subventions, barrières douanières et échanges commerciaux) doit avoir pour objectif de revitaliser et de renforcer le secteur manufacturier. 5 Toujours remises à plus tard, les mesures de redistribution équitable des revenus et des terres (y compris la réforme foncière en milieu urbain) peuvent créer un marché intérieur dynamique qui deviendra le pilier de l’économie et produira au niveau local des ressources financières pour l’investissement. 6 Accorder moins d’importance à la croissance, mettre l’accent sur l’amélioration de la qualité de vie et renforcer l’équité, c’est contribuer à réduire les déséquilibres environnementaux. 7 La mise au point et la diffusion de technologies vertes doivent être encouragées tant dans l’agriculture que dans l’industrie. 8 Les décisions économiques stratégiques ne peuvent être laissées au marché ni aux technocrates. Toutes les questions vitales (déterminer quelles industries développer, celles qu’il faut abandonner progressivement, quelle part du budget de l’Etat consacrer à l’agriculture, etc.) doivent au contraire faire l’objet de débats et de choix démocratiques. 9 La société civile doit en permanence surveiller et superviser le secteur privé et l’Etat, selon un processus qui doit être institutionnalisé. 10 Le régime de la propriété doit évoluer pour devenir une économie mixte intégrant coopératives et entreprises privées et publiques mais excluant les groupes multinationaux. 11 Les institutions mondiales centralisées comme le FMI ou la Banque mondiale doivent céder la place à des institutions régionales bâties non sur l’économie de marché et la mobilité des capitaux, mais sur des principes de coopération qui, selon l’expression utilisée par Hugo Chavez pour décrire son Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA), “transcendent la logique du capitalisme”. Le modèle de démondialisation a pour objectif d’aller au-delà de la théorie économique étriquée de l’efficacité, pour laquelle le critère essentiel est la réduction du coût unitaire, quelles qu’en soient les conséquences en termes de déstabilisation sociale ou écologique. Il s’agit de dépasser un système de calcul économique qui, selon les termes de l’économiste John Maynard Keynes, a transformé “l’existence tout entière en parodie d’un cauchemar de comptable”. »
Walden Bello, membre de la Chambre des représentants des Philippines, professeur de sociologie, Foreign Policy in Focus (USA), septembre 2009 |
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L'identité entre devenir individuel et devenir collectif
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997
L’identité entre devenir individuel et devenir collectif
Les racines finissent toujours par surgir du passé, là et au moment où on les attend le moins, au détour d'une identité qui s'affermit et consolide ses linéaments culturels, philosophiques et esthétiques. Les racines constituent le socle "gaïen" dans lequel viennent s'ancrer les identités individuelles, plurales, locales, ethniques, régionales et nationales. Ces mêmes racines fondent le "nomos" de nos origines, sa limite spatiale et territoriale, et le cadre ontologique des devenirs collectifs. Les racines, lesquelles sont à la base de nos communautés charnelles de sang et de sol, ont un langage holiste, unilatéral et statique. Tout autre est le devenir individuel des identités qui prend corps dans les matrices du nomos de nos racines. Le devenir des identités individuelles s'inscrit dans un langage dynamique, transversal et constructiviste. En effet, si les racines s'emploient à enfanter biophysiquement à l'état brut une identité, il importe à chaque être humain de façonner, mûrir et affirmer une identité propre. Là se situe la frontière entre le déterminisme de nos origines naturelles et la liberté personnelle qui n'est autre que volonté de puissance. Car nous n’affirmons une identité que dans la mesure ou nous sommes pleinement libres, ç'est à dire capables de générer et d'affirmer dans le présent des valeurs propres, voir selon un schéma heideggerien d'actualiser des actes en puissance.
L'identité individuelle serait en quelque sorte une puissance de flux intégrationiste, qui reçoit, conquiert et digère. C'est pourquoi, la logique des identités individuelles peut parfois être paradoxalement centrifuge à l'endroit même où leurs racines demeurent immuables. Les identités individuelles culminent dans le voyage intérieur, virtuel, et ont pour terrain d'élection l'inconnu multiforme. Elles disposent de capacités d'appréhension et d'attraction inépuisables, et cultivent le goût d'une curiosité insatiable et à bon escient. Dans le cadre d'une perspective deleuzienne, le devenir des identités individuelles progresse dans le temps présent en traçant des lignes de fuite, qui partent toujours du milieu où elles s'affirment instantanément. C'est au cœur de cette perpétuelle gestation de lignes de fuites d'un présent à un autre que peut se produire la rencontre d’une amitié ou d'un amour inestimable entre deux identités authentiques et intrinsèquement différentes. Ce devenir se caractérise par la conquête d'espaces idéologiques et la fermentation d'une pensée vive, d’un savoir libéré des inhibitions morales et sociales. Au carrefour du devenir individuel d'une identité en gestation, peut surgir le devenir collectif et centripète de ses racines.
Alors de la croisée de ses deux routes distinctes pourra naître une navigation existentielle commune, si le dialogue s'instaure organiquement, sans mutilations, blocages et préjugés. Le devenir individuel de l’identité se retrempera progressivement dans le fleuve nourricier du devenir collectif des racines si ce dernier se fait le réceptacle et la brèche ouverte à la maturation et l'épanouissement du premier. Le recentrage au présent de ces deux devenirs complémentaires se fera au prix d'un parallélisme tolérant des formes et du contenu, en évitant les dysfonctionnements toujours possibles. Le réancrage de l’identité individuelle au cœur des racines communautaires fournira à la stabilité d'un socle "gaïen" les denrées d'une pensée éclectique que génère chaque devenir identitaire. Les dimensions architectoniques d'une identité peuvent être profondément urbaines et imbriquées dans les ramifications bétonnées d'une ville qui constitue son champ d'expérimentation et d'expression comme elle représente sa première ligne de front. Son essence originellement tellurique et élémentaire s'encrassera dans l’artificialité des constructions théoriques, comme dans une mélasse confuse d'apocryphes citadins, et participera à ce que Schauwecker écrivait, "le ruissellement des sources souterraines en regardant pourrir et grandir l'époque, dans le creuset d'âmes et d’excréments qui est au cœur de toute ville" .
Retrouver ses racines démétriennes supposera alors de briser les chaînes envoûtantes des rhytmes cinétiques, de la fébrilité et de l’anonymat quantitatif, et de se libérer de l’asservissement du langage individualiste abstrait et autocentrée pour renouer avec le langage élémentaire et polymorphe de la nature, en sachant l'écouter puis communier dans la simplicité en apprenant lentement à comprendre l'arbre de la vie, lequel est vert et florissant alors que toute théorie est grise (pour citer Goethe). Se libérer des circuits de bitume qui convergent vers un centre épidermique et fictif, supposera de déplacer son individualité vers son propre centre spirituel dans les dédales de notre labyrinthe intérieur. Les devenirs collectifs appartiennent à l'ordre de l'immanence et sont versés dans l’historicité comme Dieu reste à l'intérieur du monde comme “causa immanenta”, ainsi que Spinoza l'a si bien enseigné; les devenirs individuels quant à eux s’expriment grâce à la transcendance et appartiennent à la sphère de « l’être possible et global » pour reprendre une catégorie de Jaspers. Elles ont les potentialités pour dépasser le domaine du naturel, de la pure expérience, pour parvenir aux frontières kantiennes du « méconnaissable». Devenir collectifs et devenirs individuels, l'immanence et la transcendance sont sur le chemin rectiligne d’un ciseau qui "ne coupe pas”, pour reprendre une métaphore jüngerienne. Les ciseaux évoluent dans un monde ouvert et fermé; l’effet réside dans la coupure.
Pour des ciseaux qui ne coupent pas, le chemin ne s’est pas encore ouvert, et la souffrance reste secondaire. Dans ce sens, le chemin ne se s'est pas confronté à la qualité (abgespalten), et c'est ainsi que le chemin est plus significatif que le but. Avec cette métaphore, Jünger nous enseigne que les mondes de l’immanence et de la transcendance ne se recouvrent pas, et gardent entre eux une distance comme une certaine tension. La même tension oppose les devenirs collectifs aux devenirs individuels. C’est pourquoi le retour inopiné d'un enfant arrivé à sa maturation identitaire au sein de sa communauté charnelle, peut ressembler au commencement d'une nouvelle ligne de fuite se situant à l’intercession de deux devenirs, entre immanence et transcendance, dont on peut penser que la rencontre est le fruit du destin.
Maître Jure VUJIC.
00:05 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réflexions personnelles, philosophie | |
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